La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2023 | FRANCE | N°22LY03487

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 30 mars 2023, 22LY03487


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La fédération Rhône-Alpes de protection de la nature - section Ain a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 5 octobre 2017 par laquelle le préfet de l'Ain a délivré à la société Immo Mousquetaires une autorisation unique au titre de la loi sur l'eau, comportant une dérogation espèces protégées, pour la réalisation du projet de parc d'activités commerciales de la Commanderie à Crottet.

Par un jugement n° 1707908 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Ly

on a annulé cet arrêté préfectoral.

Par un arrêt n° 19LY00268 du 16 septembre 2021, la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La fédération Rhône-Alpes de protection de la nature - section Ain a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 5 octobre 2017 par laquelle le préfet de l'Ain a délivré à la société Immo Mousquetaires une autorisation unique au titre de la loi sur l'eau, comportant une dérogation espèces protégées, pour la réalisation du projet de parc d'activités commerciales de la Commanderie à Crottet.

Par un jugement n° 1707908 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté préfectoral.

Par un arrêt n° 19LY00268 du 16 septembre 2021, la cour a rejeté l'appel formé par la société Immo Mousquetaires contre ce jugement.

Par une décision n° 458469 du 29 novembre 2022, le Conseil d'État a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour le jugement de l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 22LY03487.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'État

Par un mémoire enregistré le 22 décembre 2022, présenté pour la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature - section Ain, elle maintient ses conclusions tendant :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ain du 5 octobre 2017 ;

3°) et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Immo Mousquetaires sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'intervention de la décision du Conseil d'État ne modifie aucunement les circonstances de droit et de fait analysées par la cour dans son arrêt n° 19LY00268, dont les motifs doivent être repris.

Par une ordonnance du 11 janvier 2023 la clôture de l'instruction a été fixée au 25 janvier 2023.

Par un mémoire enregistré le 23 janvier 2023, présenté pour la société Immo Mousquetaires, elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive du Conseil 92/43/CE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

- l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2014-751 du 1er juillet 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La fédération Rhône-Alpes de protection de la nature - section Ain a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2017 par lequel le préfet de l'Ain a délivré à la société Immo Mousquetaires une autorisation unique, au titre de la loi sur l'eau et de d'une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées, en application de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 susvisée relative à l'expérimentation d'une autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, pour le projet de parc d'activités commerciales de la Commanderie à Crottet. Par un jugement du 15 novembre 2018 dont la société Immo Mousquetaires a relevé appel par une requête à laquelle s'est associée la communauté de communes de la Veyle en qualité d'intervenante, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du préfet de l'Ain du 5 octobre 2017. Par la décision susmentionnée du 29 novembre 2022, le Conseil d'État, à la demande de la société Immo Mousquetaires, a annulé, au motif d'une irrégularité tenant à l'absence de mention d'une note en délibéré enregistrée avant sa lecture, l'arrêt de la cour du 16 septembre 2021 rejetant l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Lyon et a renvoyé à la cour le jugement de l'affaire.

Sur l'intervention de la communauté de communes de la Veyle :

2. Toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige est recevable à former une intervention. La communauté de communes de la Veyle, qui a intérêt au maintien de l'acte en litige relatif à la réalisation du projet de parc d'activité commerciale, eu égard aux emplois qui seront créés et à l'augmentation de l'offre commerciale sur son territoire, justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête de la société Immo Mousquetaires. Par suite, son intervention qui est recevable doit être admise.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, en premier lieu, à l'absence de solution alternative satisfaisante, en deuxième lieu, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et n'est au demeurant pas contesté que le projet de parc d'activités commerciales de la Commanderie à Crottet en cause est prévu sur un site présentant, d'une part, des sensibilités écologiques fortes à prioritaires en termes d'habitats naturels, d'autre part, d'importants enjeux faunistiques et floristiques. Ce projet aura en effet, a minima, pour effet, et après mise en œuvre de mesures de réduction ou de suppression d'impacts, d'entraîner la destruction, l'altération ou la dégradation d'aires de repos et/ou de sites de reproduction d'espèces protégées, parmi lesquelles, notamment la chouette chevêche, le tarier des prés, la pie grièche écorcheur, la barbastelle d'Europe et le minioptère de Schreibers ainsi que de nombreuses espèces de chauve-souris, la seule mesure compensatoire consistant à maintenir 442 mètres de haie, alors que le projet prévoit de détruire 221 mètres de haie.

6. En premier lieu, il ressort du dossier de demande de dérogation exceptionnelle de destruction d'espèces protégées que la détermination du périmètre du projet a pris en considération les disponibilités foncières sur les zones d'activité existantes et que quatre hypothèses alternatives avaient été envisagées, parmi lesquelles trois avaient été écartées au motif qu'elles présentaient une capacité insuffisante pour accueillir le projet. S'agissant de la quatrième hypothèse, correspondant à la zone d'activité Mâcon Est, comme l'ont considéré les premiers juges, le motif ayant conduit à écarter cette dernière hypothèse, tiré de ce qu'elle n'offrait pas un accès direct sur la route départementale, qu'elle nécessitait de partager l'échangeur de l'autoroute et qu'elle bénéficiait d'une moins bonne visibilité que le site retenu depuis la route départementale, est insuffisant pour établir l'absence de toute solution alternative satisfaisante. S'agissant des autres motifs de nature, selon l'appelante, à justifier également l'exclusion de ce site en tant que solution alternative, la circonstance, en premier lieu, que ce quatrième projet soit situé sur le territoire de deux communes, Replonges et Crottet, avec deux réglementations d'urbanisme distinctes, ne peut être retenue, dès lors que la seule application, par principe, de ces règlementations ne saurait constituer une difficulté réelle pour la mise en œuvre d'un projet ayant vocation à desservir plusieurs communes. En deuxième lieu, la circonstance que cette dernière hypothèse nécessitait de partager le site avec des activités de production industrielle et artisanale, en termes de circulation propre à chaque activité, n'apparait pas comme insurmontable eu égard à la nature du projet en cause, sans d'ailleurs que le pétitionnaire n'invoque de réelles difficultés pour isoler les flux de circulation liés aux activités commerciales, notamment de clientèle. Enfin, l'affirmation selon laquelle l'implantation du projet sur les espaces vacants de cette quatrième zone ferait également disparaître haies et prairie n'est pas établie, notamment eu égard à l'effet de rupture existant et résultant de l'autoroute située à l'Est de la zone en question. Par suite, en estimant qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, sans prendre en compte cette quatrième hypothèse, le préfet a fait une inexacte application des dispositions du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges.

7. En second lieu, le projet en cause est destiné, d'une part, à répondre, d'après deux études menées en 2009 et 2012, aux besoins des consommateurs du territoire de la communauté de communes de la Veyle et à éviter " l'évasion commerciale " vers les villes de Mâcon et Bourg-en-Bresse ainsi que les difficultés de circulation qui y sont liées, d'autre part, à permettre le développement économique et social de la zone par la création d'environ cent-vingt emplois. Toutefois, il ressort notamment des études précitées que la commune de Mâcon est déjà dotée de deux zones commerciales principales, qui permettent de satisfaire les besoins de la clientèle en ce qui concerne notamment l'équipement de la personne, de la maison, de la voiture et de bricolage et des loisirs et qui sont éloignées de seulement dix à quinze minutes en voiture du site envisagé pour le projet en litige. La seule circonstance que l'accès à ces deux zones commerciales implique de franchir deux rivières et d'emprunter une voie déjà très fréquentée ne saurait établir la présence d'une offre commerciale inadaptée aux besoins de la clientèle implantée dans la région. En outre, ni l'appelante, ni l'intervenante n'établissent, d'une part, que ces deux zones commerciales seraient insuffisantes ou inadaptées pour répondre aux principaux besoins des consommateurs, d'autre part, que l'évolution démographique locale conduirait à un sous-dimensionnement des équipements commerciaux du secteur en cause ou à une extension des activités commerciales sur le territoire de la commune de Crottet. Dès lors, et alors même que le projet doit aboutir, d'après ses promoteurs, à la création de cent-vingt emplois, ce chiffre ne prenant au demeurant pas en compte les éventuelles destructions d'emploi induites au niveau local du fait de l'implantation d'une nouvelle structure dans une zone où existent déjà des commerces, notamment de proximité, le projet de centre commercial en cause ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens du c) du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Immo Mousquetaires n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 5 octobre 2017.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature - section Ain, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Immo Mousquetaires. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Immo Mousquetaires la somme de 3 000 euros à verser à la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature - section Ain, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la communauté de communes de la Veyle est admise.

Article 2 : La requête de la société Immo Mousquetaires est rejetée.

Article 3 : La société Immo Mousquetaires versera à la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature - section Ain une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Immo Mousquetaires, à la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature - section Ain et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée à la communauté de communes de la Veyle et à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

M. Chassagne, premier conseiller ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.

Le président, rapporteur,

Ph. SeilletL'assesseur le plus ancien,

J. Chassagne

La greffière,

L. Contrastin

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohérence des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

1

2

N° 22LY03487

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03487
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-045 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SELARL GENESIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-30;22ly03487 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award