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30/03/2023 | FRANCE | N°22LY02640

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 30 mars 2023, 22LY02640


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 20 décembre 2021 par lesquelles le préfet de la Savoie lui a refusé un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 2202829 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 août 2022 et le 1er septembre 2022,

M. A..., représenté par Me Nkele, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 20 décembre 2021 par lesquelles le préfet de la Savoie lui a refusé un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 2202829 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 août 2022 et le 1er septembre 2022, M. A..., représenté par Me Nkele, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 juillet 2022 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler dans le délai de quinze jours, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros, s'il est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- son appel est recevable ;

- en ne lui donnant pas le temps de répliquer au mémoire du préfet au seuil de la clôture d'instruction, le tribunal a méconnu le principe du contradictoire ;

- il est présent en France depuis plus de dix ans et le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- compte tenu de son intégration en France et de sa vie familiale, le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entachée ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- de même, le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire enregistré le 3 mars 2023, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 mars 2023, présentée pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant comorien, né le 31 décembre 1980, est entré en France, le 8 octobre 2010 sous couvert d'un visa long séjour portant mention " étudiant ". Le 27 mai 2015, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français confirmée par le tribunal administratif de Nice, le 1er juin 2015 et par la cour administrative d'appel de Marseille, le 17 décembre 2015. Le 9 octobre 2020, il a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décisions du 20 décembre 2021, le préfet de la Savoie lui a refusé un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois. M. A... relève appel du jugement du 26 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. En vertu de l'article L. 5 du code de justice administrative, l'instruction des affaires est contradictoire. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, alors que la date de clôture de l'instruction avait été fixée par une ordonnance du président de la formation de jugement au 28 juin 2022 à midi, un premier mémoire en défense a été produit par le préfet de la Savoie le 27 juin 2022 et a été communiqué au conseil de M. A... le lendemain par un courrier qui lui a été mis à disposition à 8h31 au moyen de l'application Télérecours et dont il a été accusé réception, le même jour à 11h16. La mention, contenue dans ce courrier, invitant le requérant à produire, le cas échéant, un mémoire en réplique " dans les meilleurs délais ", n'a pas eu pour effet de reporter la date de clôture de l'instruction. Le requérant est, dès lors, fondé à soutenir que, eu égard au délai extrêmement bref dont il a disposé pour présenter ses observations en réplique au premier mémoire en défense du préfet, le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu et à demander l'annulation du jugement attaqué.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur la légalité des décisions du 20 décembre 2021 :

5. En premier lieu, les décisions attaquées ont été signées par Mme C... B..., directrice de la direction de la citoyenneté et de la légalité de la préfecture de la Savoie, qui disposait d'une délégation de signature à cette fin, consentie par arrêté du 30 août 2021, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs le 31 août 2021. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet acte doit être écarté.

6. En deuxième lieu, si le requérant soutient que le préfet a entaché ses décisions d'erreurs de fait, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. M. A... se prévaut de ce qu'il a fait des études d'histoire à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, qu'il a travaillé en France durant ses années d'études, qu'il y a développé un réseau d'amis et de connaissances et qu'il justifie d'une ancienneté de vie commune avec la mère de son enfant. Toutefois, il n'assortit ses allégations d'aucune précision, ni d'aucun élément permettant d'établir notamment qu'il serait demeuré en France de manière continue depuis plus de dix ans, alors que ces faits sont contestés par le préfet. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que deux de ses enfants mineurs résident aux Comores et que sa communauté de vie en France, avec la mère de son enfant né le 21 février 2020, n'est établie qu'à compter de l'année 2020. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant les décisions attaquées, le préfet de la Savoie a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, ces décisions n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

10. En dernier lieu, aux termes du second alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".

11. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de plein droit, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.

12. Ainsi qu'il a été dit au point 9, M. A... ne démontre pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans. Par suite, le préfet de la Savoie n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 20 décembre 2021. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentée par M. A... au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2202829 du 26 juillet 2022 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

F. Bourrachot,

La greffière,

AC. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02640

KC


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02640
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : NKELE MEDARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-30;22ly02640 ?
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