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30/03/2023 | FRANCE | N°22LY00800

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 mars 2023, 22LY00800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 16 octobre 2021 par lesquelles le préfet de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2102181 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demand

e.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2022, Mme A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 16 octobre 2021 par lesquelles le préfet de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2102181 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2022, Mme A... B... C..., représentée par Me Akuesson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102181 du 17 février 2022 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 16 octobre 2021 par lesquelles le préfet de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... C... soutient que :

- les décisions ne sont pas motivées ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale dès lors que des circonstances humanitaires y font obstacle ; le préfet n'a pas examiné sa situation ; cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de délai de départ volontaire méconnait les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant à tort tenu de refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire ; cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination ne pouvait désigner l'Algérie dès lors que sa vie y est menacée.

Le préfet de l'Allier, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Par décision du 25 mai 2022, Mme B... C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., de nationalité algérienne, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'annulation des décisions du 16 octobre 2021 par lesquelles le préfet de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 17 février 2022, dont elle interjette appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Ainsi que l'a relevé le préfet, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... C... serait entrée régulièrement sur le territoire français ni qu'elle aurait bénéficié d'un titre de séjour. Elle relève dès lors des prévisions de ces dispositions.

3. En premier lieu, la décision, qui expose ses motifs de droit et de fait, est dès lors régulièrement motivée.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... C... est née en Algérie en août 1977. Elle est entrée en France dans des conditions et à une date non déterminées. Si elle allègue une entrée en 2017, aucun élément n'établit en réalité sa présence avant l'année 2020. Si elle fait valoir une activité d'aide-ménagère, elle ne fournit que des éléments sommaires pour l'année 2020. Enfin, si elle allègue la présence en France d'un frère et d'une sœur, elle a indiqué être mariée avec un compatriote en Algérie et elle y a vécu l'essentiel de son existence. Eu égard à la durée et aux conditions de son séjour, le préfet n'a pas, en décidant son éloignement, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté. Le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de la fixation du délai de départ volontaire :

5. En premier lieu, la décision comporte ses motifs de droit et de fait. Elle est dès lors régulièrement motivée.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Ainsi qu'il a été dit, il est constant que la requérante est entrée irrégulièrement sur le territoire français et n'a jamais bénéficié de la délivrance d'un titre de séjour. Le préfet n'a, ainsi, commis aucune erreur de droit ou de fait en constatant qu'elle relève des prévisions des dispositions précitées des articles L. 612-2 et L. 612-3.

7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui a analysé précisément les éléments déterminants de la situation de la requérante, se serait à tort cru tenu de lui refuser sans appréciation le bénéfice d'un délai de départ volontaire. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, en conséquence, être écarté.

8. En quatrième lieu, compte tenu notamment de l'irrégularité persistante, tant de l'entrée de la requérante, que de son séjour, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'aucune circonstance particulière ne justifiait de lui accorder le bénéfice d'un délai de départ volontaire.

Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :

9. En premier lieu, la décision vise l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne la nationalité de la requérante, qui est éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité. La décision comporte ainsi ses motifs de droit et de fait et elle est ainsi régulièrement motivée.

10. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Si la requérante allègue que sa vie serait menacée en Algérie, elle ne fournit aucune explication ni aucun élément. En admettant qu'elle ait entendu ainsi se référer aux violences conjugales qu'elle a évoquées en première instance, elle n'a toutefois produit aucune explication ni aucun élément probant sur ces violences, dont la matérialité n'est pas établie, et les autorités publiques algériennes sont en tout état de cause normalement à même d'assurer sa protection dans une affaire de droit commun. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en conséquence, être écarté.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

12. En premier lieu, il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément. En l'espèce, le préfet, qui a visé les articles L. 612-6 et L. 612-10 précités, a par ailleurs mentionné tous les éléments factuels de la situation de l'intéressée qui lui apparaissaient déterminants dans son appréciation. La circonstance que le préfet n'a pas expressément précisé qu'aucune décision d'éloignement antérieure n'a été prise est en l'espèce sans portée utile sur la régularité de la motivation, le préfet n'ayant jamais invoqué un tel éloignement antérieur pour fonder sa décision. Par ailleurs, si le préfet n'a pas indiqué en tant que telle la durée de séjour de la requérante, il a pour autant indiqué les éléments dont il pouvait disposer sur la date de son entrée, ce dont se déduit nécessairement sa durée de séjour à la date de la décision. La décision est, ainsi, régulièrement motivée.

13. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision qu'elle a été prise au terme d'un examen de la situation de la requérante. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, en conséquence, être écarté.

14. En troisième lieu, si la requérante soutient que des circonstances humanitaires s'opposeraient à ce qu'elle fasse l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, son moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. En supposant qu'elle ait ainsi entendu se référer à sa situation personnelle telle qu'elle a été précédemment exposée, cette situation ne permet de caractériser aucune circonstance humanitaire au sens des dispositions précitées de l'article L. 612-6.

15. En quatrième lieu, eu égard à la brève durée et aux conditions constamment irrégulières du séjour de l'intéressée, ainsi qu'à l'absence d'attaches ancrées dans la durée sur le territoire français, le préfet n'a en l'espèce commis aucune erreur d'appréciation en décidant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE:

Article 1er : La requête de Mme A... B... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

E. Labrosse

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 2200800


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00800
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : AKUESSON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-30;22ly00800 ?
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