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30/03/2023 | FRANCE | N°21LY02906

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 30 mars 2023, 21LY02906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) Lyon Garibaldi a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur départemental des finances publiques du département du Rhône a refusé d'abroger la décision du 16 juin 2015 de la commission départementale des impôts directs locaux en tant d'une part, qu'elle n'arrête pas de coefficient de localisation aux parcelles cadastrées AR n° 5 et 6 dont la société est propriétaire à Lyon, d'autre part, en tant qu'ell

e ne leur applique pas un coefficient de localisation de 0,7.

Par un jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) Lyon Garibaldi a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur départemental des finances publiques du département du Rhône a refusé d'abroger la décision du 16 juin 2015 de la commission départementale des impôts directs locaux en tant d'une part, qu'elle n'arrête pas de coefficient de localisation aux parcelles cadastrées AR n° 5 et 6 dont la société est propriétaire à Lyon, d'autre part, en tant qu'elle ne leur applique pas un coefficient de localisation de 0,7.

Par un jugement n° 1905217 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 août 2021 et le 24 février 2022, la SAS Lyon Garibaldi, représentée par Me Fiona Schiano Gentiletti, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 juin 2021 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet susmentionnée ;

3°) d'enjoindre à l'administration fiscale de procéder à l'abrogation de la décision du 16 juin 2015 en tant qu'elle n'applique pas un coefficient de localisation de 0,7 aux parcelles cadastrées à Lyon section AR, n° 5 et 6, et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à l'administration de prendre une nouvelle décision portant application d'un

coefficient de localisation de 0,7 aux parcelles cadastrées à Lyon, section AR, n° 5 et 6 dans un délai

d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de

retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les difficultés d'accès au centre commercial liées aux travaux de rénovation du quartier de la Part-Dieu, le développement de la concurrence des commerces physiques voisins et du commerce en ligne ainsi que la baisse de fréquentation du centre commercial liée à la crise sanitaire de Covid-19 constituent ensemble des circonstances de faits nouvelles qui auraient dû conduire la CDVLLP à abroger sa décision du 16 juin 2015 de ne pas adopter de coefficient de localisation pour les parcelles litigieuses ;

- la situation particulière des parcelles litigieuses au sein du secteur d'évaluation n° 6 du département justifie l'application d'un coefficient de minoration de 0,7.

Par des mémoires enregistrés le 24 janvier 2022 et le 10 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 ;

- le code de relations entre le public et l'administration ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par décisions du 16 juin 2015, la commission départementale des impôts directs locaux (CDIDL) du département du Rhône et de la Métropole de Lyon a arrêté les paramètres départementaux d'évaluation des valeurs locatives des locaux professionnels. Par un courrier du 1er mars 2019, la SAS Lyon Garibaldi a demandé à la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP) du Rhône d'abroger ces décisions du 16 juin 2015 en tant qu'elles n'arrêtent pas de coefficient de localisation pour les parcelles dont elle est propriétaire et qui constituent le terrain d'assiette du centre commercial La Part Dieu et de fixer ce coefficient à la valeur de 0,7. La SAS Lyon Garibaldi relève appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet qui a été opposée à sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) L'administration est tenue d'abroger expressément un acte non réglementaire non créateur de droits devenu illégal ou sans objet en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction, sauf à ce que l'illégalité ait cessé. ".

3. Il appartient à tout intéressé de demander à l'autorité compétente de procéder à l'abrogation d'une décision illégale non réglementaire qui n'a pas créé de droits, si cette décision est devenue illégale à la suite de changements dans les circonstances de droit ou de fait postérieurs à son édiction.

4. D'autre part, aux termes de l'article 1518 ter du code général des impôts, dans sa version applicable : " (...) / II. - La commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels prévue à l'article 1650 B peut modifier chaque année l'application des coefficients de localisation mentionnés au 2 du B du II de l'article 1498, après avis des commissions communales ou intercommunales des impôts directs respectivement prévues aux articles 1650 et 1650 A. (...) " et aux termes du 2. du B. du II. de l'article 1498 de ce code : " (...) Les tarifs par mètre carré peuvent être majorés de 1,1, 1,15, 1,2 ou 1,3 ou minorés de 0,7, 0,8, 0,85 ou 0,9, par application d'un coefficient de localisation destiné à tenir compte de la situation particulière de la parcelle d'assise de la propriété au sein du secteur d'évaluation. (...) " .

5. Le premier alinéa du II de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, repris, à compter du 1er janvier 2018, au second alinéa du I de l'article 1498 du code général des impôts, prévoit que la valeur locative des propriétés bâties est déterminée en fonction de l'état du marché locatif ou, à défaut, par référence aux autres critères prévus par cet article et qu'elle tient compte de la nature, de la destination, de l'utilisation, des caractéristiques physiques, de la situation et de la consistance de la propriété ou fraction de propriété considérée.

6. En prévoyant, par l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, de nouvelles modalités de détermination et de révision de la valeur locative cadastrale des locaux professionnels, en vue de l'établissement des impositions directes locales, le législateur a entendu fonder l'assiette des impositions frappant les propriétés bâties ayant un usage professionnel, jusque-là fixée par référence aux conditions du marché locatif au 1er janvier 1970, sur leur valeur locative réelle et renforcer ainsi l'adéquation entre ces impositions et les capacités contributives de leurs redevables.

7. À cette fin, le législateur a prévu la constitution de secteurs d'évaluation regroupant les communes ou parties de communes qui, dans chaque département, présentent un marché locatif homogène et le classement des locaux professionnels par sous-groupes, définis en fonction de leur nature et de leur destination et, à l'intérieur de ces sous-groupes, par catégories, en fonction de leur utilisation et de leurs caractéristiques physiques. Il a également prévu la fixation, dans chaque secteur d'évaluation, de tarifs par mètre carré déterminés à partir des loyers moyens constatés par catégorie de propriétés. La valeur locative de chaque propriété bâtie est obtenue par application à sa surface pondérée du tarif par mètre carré correspondant à sa catégorie, modulé, le cas échéant, par l'application d'un coefficient de localisation de 0,7, 0,8, 0,85, 0,9, 1,1, 1,15, 1,2 ou 1,3, destiné, en vertu du 2 du B du II de l'article 1498 du code général des impôts, à tenir compte de la situation particulière de la parcelle d'assise de la propriété au sein du secteur d'évaluation.

8. Si, en vertu des dispositions, issues du XV de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010, codifiées à l'article 1518 F du code général des impôts, les décisions fixant les tarifs applicables pour la détermination de la valeur locative d'un local professionnel ou la fixation d'un coefficient de localisation ne peuvent pas être contestées par la voie de l'exception à l'occasion d'un litige relatif à la valeur locative d'une propriété bâtie, ces décisions peuvent faire l'objet devant le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir formé dans le délai de recours contentieux par les personnes intéressées.

9. Il est aussi loisible aux administrés, s'ils estiment que les décisions en cause, qui ne sont pas réglementaires et ne créent pas de droits, sont devenues illégales en raison de changements dans des circonstances de droit ou de fait postérieurs à leur édiction, après avoir vainement saisi l'autorité compétente, de former un recours devant le juge de l'excès de pouvoir tendant à l'annulation du refus qui leur aurait été opposé de modifier ces décisions, en joignant à leur recours, le cas échéant, des conclusions à fin d'injonction.

10. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. Si le juge peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

11. Ainsi, lorsqu'un requérant conteste, devant le juge de l'excès de pouvoir, la fixation des tarifs applicables pour la détermination de la valeur locative d'un local professionnel ou la fixation d'un coefficient de localisation pour la parcelle sur laquelle se situe ce local et qu'il fait état d'éléments suffisamment étayés à l'appui de son recours, il appartient au juge de se déterminer sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties, l'administration, sollicitée en tant que de besoin par le juge, devant apporter au débat les éléments relatifs au calcul de ces tarifs et, lorsqu'elle n'est pas suffisamment prise en compte par ceux-ci, à la situation de la parcelle en cause justifiant l'application d'un coefficient de localisation.

12. Si, en défense, le ministre fait valoir de manière erronée que la requérante n'était pas recevable à contester la décision de la commission du 16 juin 2015, par la voie du recours en excès de pouvoir, il ressort des pièces du dossier que le refus est également fondé sur l'absence de changement de circonstances de fait de nature à rendre cette décision illégale et justifiant son abrogation.

13. La requérante fait valoir que les difficultés d'accès au centre commercial liées aux travaux de rénovation du quartier de la Part-Dieu, le développement de la concurrence des commerces physiques voisins et du commerce en ligne ainsi que la baisse de fréquentation du centre commercial liée à la crise sanitaire de Covid-19 constituent un ensemble de circonstances de faits nouvelles qui auraient dû conduire la CDVLLP à abroger sa décision du 16 juin 2015 de ne pas adopter de coefficient de localisation pour les parcelles d'assises du centre commercial de La Part-Dieu, et à fixer le nouveau coefficient de localisation applicable à ces parcelles à hauteur de 0,7. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les circonstances dont la requérante fait état traduiraient une évolution environnementale défavorable et auraient eu notamment pour effet de rendre moins accessibles ou attractives les parcelles litigieuses, alors qu'en défense le ministre fait valoir sans être sérieusement contredit que le centre commercial de la Part-Dieu qui bénéficie d'une accessibilité privilégiée, étant situé juste en face de la gare de Lyon-Part-Dieu ainsi qu'au cœur d'un important réseau de transports en commun reste le centre commercial le plus fréquenté de France hors région parisienne et, en tout état de cause, celui le plus fréquenté de la région dans laquelle il est implanté. Ainsi, les circonstances dont la requérante se prévaut, qui n'ont au demeurant pas eu d'incidence sur les loyers facturés, ne sauraient constituer des facteurs susceptibles de caractériser une accessibilité ou une attractivité moindre de nature à établir une situation particulière des parcelles en litige au sens des dispositions précitées de l'article 1498 du code général des impôts, justifiant l'application d'un coefficient de localisation négatif et ne sont pas de nature à rendre illégale la décision du 16 juin 2015 en tant qu'elle ne fixe aucun coefficient de localisation pour les parcelles en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait devenue illégale en raison d'une modification des circonstances de fait doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Lyon Garibaldi n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Lyon Garibaldi est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Lyon Garibaldi et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2023.

La rapporteure,

P. DècheLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02906

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02906
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Abrogation - Abrogation des actes non réglementaires.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Questions communes - Valeur locative des biens.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SCHIANO-GENTILETTI FIONA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-30;21ly02906 ?
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