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16/03/2023 | FRANCE | N°22LY02899

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 mars 2023, 22LY02899


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

M. C... A... et Mme B... D... épouse A..., chacun en ce qui le concerne, ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 1er février 2022 par lesquels le préfet du Puy-de-Dôme les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200381 du 29 mars 2022, le magistrat désigné du t

ribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de M. A....

Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

M. C... A... et Mme B... D... épouse A..., chacun en ce qui le concerne, ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 1er février 2022 par lesquels le préfet du Puy-de-Dôme les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200381 du 29 mars 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de M. A....

Par un jugement n° 2200380 du 29 mars 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de Mme D... épouse A....

Procédures devant la cour

I - Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2022 sous le n°22LY02899, M. A..., représenté par Me Shveda, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200381;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 1er février 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa demande ;

- la décision méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- ayant formé un recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour nationale du droit d'asile, le préfet ne pouvait pas prendre une obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 542-1 et L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas bénéficié du droit à un recours effectif ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est disproportionnée et injustifiée au regard de la vulnérabilité de son épouse ;

- il n'a pas été informé des modalités de suppression du signalement effectué.

II - Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2022 sous le n° 22LY02904, Mme A..., représentée par Me Shveda, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2200380;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 1er février 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa demande ;

- la décision méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- ayant formé un recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour nationale du droit d'asile, le préfet ne pouvait pas prendre une obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 542-1 et L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle n'a pas bénéficié du droit à un recours effectif ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est disproportionnée et injustifiée au regard de la vulnérabilité de son épouse ;

- elle n'a pas été informée des modalités de suppression du signalement effectué.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, les requêtes ont été dispensées d'instruction.

M. C... A... et Mme B... D... épouse A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2022.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Caraës, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... et Mme B... D... épouse A... ressortissants arméniens nés respectivement le 28 janvier 1959 et le 6 novembre 1961, sont entrés en France le 24 juillet 2021. Le 6 septembre 2021, ils ont sollicité le bénéfice de l'asile. Leurs demandes, traitées selon la procédure accélérée, ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 novembre 2021. Par des arrêtés du 1er février 2022, le préfet du Puy-de-Dôme les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. et Mme A... relèvent appel, chacun en ce qui le concerne, des jugements du 29 mars 2022 par lesquels le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. Les requêtes susvisées présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

3. Il ressort des termes des décisions contestées que le préfet du Puy-de-Dôme a obligé M. et Mme A... à quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

4. M. et Mme A... reprennent en appel, dans les mêmes termes, les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance tirés de l'incompétence de l'auteur de l'obligation de quitter le territoire français, de l'insuffisance de motivation de cette décision et du défaut d'examen particulier de leur situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

5. Aux termes de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 531-24 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens de l'article L. 531-25 ; (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'un ressortissant étranger issu d'un pays sûr dont la demande d'asile a été rejetée selon la procédure accélérée ne bénéficie pas du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a procédé à l'examen de la demande d'asile présentée par M. et Mme A... selon la procédure accélérée en application du d) du 1° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. et Mme A... ne disposaient plus du droit de se maintenir sur le territoire français à la date de notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant leurs demandes et pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement sans que le préfet soit tenu d'attendre que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur le recours introduit par les intéressés.

7. Par ailleurs, le droit à un recours effectif n'implique pas que l'étranger, dont la demande d'asile a fait l'objet d'un examen en procédure accélérée puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile et ce alors qu'il peut se faire représenter devant cette juridiction. Le moyen tiré de ce que le préfet du Puy-de-Dôme en ne leur permettant pas de se maintenir que le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue sur leur recours les aurait privés d'un droit au recours effectif doit donc être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "

9. Si les requérants font valoir que Mme A... souffre d'une pathologie néoplasique d'une durée indéterminée et qu'elle bénéficie d'un traitement par chimiothérapie ainsi qu'en atteste les certificats médicaux produits, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A..., qui n'allègue ni n'établit qu'elle a déposé une demande de titre de séjour en raison de son état de santé, ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en les obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Puy-de-Dôme aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur leur situation personnelle.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

10. M. et Mme A... reprennent en appel, dans les mêmes termes, le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance tiré de l'insuffisance de motivation des décisions fixant le pays de destination. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que les décisions désignant le pays de destination méconnaitraient l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité des interdictions de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

13. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-8 du code précité : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. "

14. Ainsi que l'a indiqué le magistrat désigné du tribunal administratif, M. et Mme A... ne peuvent utilement se prévaloir d'une méconnaissance de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne constitue pas le fondement légal des interdictions de retour sur le territoire français prises à leur encontre.

15. Pour prononcer les interdictions de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet du Puy-de-Dôme a fait état de l'entrée récente en France de M. et Mme A... et de l'absence de liens personnels et familiaux anciens, intenses et stables sur le territoire français de M. A.... Par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement approprié à l'état de santé de Mme A... ne serait pas indisponible en Arménie, les décisions en litige prises pour la durée d'un an n'apparaissent pas disproportionnées.

16. M. et Mme A... soutiennent qu'ils n'ont pas été informés de ce qu'ils faisaient l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, la méconnaissance de cette obligation d'information qui n'a trait qu'à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de leurs données à caractère personnel, à la supposer même établie, est sans incidence sur la légalité des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'an.

17. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et Mme B... D... épouse A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mars 2023.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

Nos 22LY02899 - 22LY02904


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02899
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SHVEDA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-16;22ly02899 ?
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