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16/03/2023 | FRANCE | N°22LY00913

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 16 mars 2023, 22LY00913


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 2009116, Mme C... E... épouse B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision tacite par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Sous le n° 2009117, M. D... B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision tacite par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2009116-2009117 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rej

eté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2022, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 2009116, Mme C... E... épouse B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision tacite par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Sous le n° 2009117, M. D... B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision tacite par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2009116-2009117 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2022, M. D... B... A... et Mme C... E... épouse B... A..., représentés par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2009116-2009117 du 10 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions tacites par lesquelles le préfet du Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à tout le moins de réexaminer leurs demandes, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme B... A... soutiennent que :

* c'est à tort que le tribunal a regardé leurs demandes comme tardives, alors que leurs demandes de communication des motifs des décisions tacites ont interrompu le délai de recours ;

* les motifs des décisions ne leur ont pas été communiqués en méconnaissance de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration ;

* les refus de séjour méconnaissent le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* ils méconnaissent le 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Le préfet du Rhône, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

* la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

* l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* le code des relations entre le public et l'administration ;

* l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

* l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

* le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience, à laquelle elles n'étaient ni présentes ni représentées.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... A..., tous deux de nationalité algérienne, ont demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions tacites par lesquelles le préfet du Rhône a refusé à chacun d'eux la délivrance d'un titre de séjour. Par le jugement attaqué du 10 mars 2022, le tribunal a rejeté leurs demandes comme tardives.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, devenu l'article R. 432-1 : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article R. 311-12-1 du même code, alors applicable, devenu l'article R. 432-2 : " La décision implicite mentionnée à l'article R.* 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ".

3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

4. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " I. ' Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus (...) ". Aux termes de l'article 7 de la même ordonnance : " Sous réserve des obligations qui découlent d'un engagement international ou du droit de l'Union européenne, les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er ". Aux termes de l'article 2 de la même ordonnance : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois (...) ". Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " I.- Les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période sont applicables aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif (...) ".

5. Enfin, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

6. Il ressort des pièces des dossiers que tant M. B... A... que son épouse ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès des services de la préfecture du Rhône, qui en a accusé réception à chacun d'eux le 6 février 2020, en précisant le délai de formation d'une décision tacite de rejet ainsi que les voies et délais de recours. Du silence gardé quatre mois sur ces demandes devaient naître des décisions tacites de rejet le 6 juin 2020. Toutefois, par application des dispositions précitées relatives au report des délais durant la période de la crise sanitaire du covid-19, ce délai a été suspendu durant la période courant du 12 mars 2020 au 23 juin 2020 inclus. Les décisions tacites de rejet ne sont, en conséquence, nées que le 18 septembre 2020. Par courriers datés du 29 octobre 2020 et effectivement reçus le 5 novembre 2020, chacun des requérants a sollicité la communication des motifs de ces décisions tacites. A cette date, le délai de recours n'était pas expiré et a, en conséquence, été prorogé. Ainsi, les demandes, qui ont été enregistrées le 15 décembre 2020, n'étaient pas tardives. Les requérants sont en conséquence fondés à soutenir que le jugement attaqué, qui rejette leurs demandes comme tardives, est irrégulier et doit être annulé.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. et Mme B... A....

Sur la légalité des refus de titre de séjour :

8. Il est constant que le préfet n'a pas communiqué aux époux B... A... dans le délai d'un mois les motifs des décisions tacites leur refusant à chacun la délivrance d'un titre de séjour. Ceux-ci sont en conséquence fondés à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration et que ces décisions doivent, en conséquence, être annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard au motif sur lesquelles elles se fondent, les annulations prononcées par le présent arrêt impliquent uniquement que le préfet procède au réexamen des demandes de titre de séjour des requérants. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2009116-2009117 du 10 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les décisions tacites par lesquelles le préfet du Rhône a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. B... A... et à Mme B... A... sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer les demandes de titre de séjour présentées par M. et Mme B... A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme B... A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... A..., à Mme C... E... épouse B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 23 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY00913


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00913
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Interruption et prolongation des délais - Prolongation par des textes spéciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-16;22ly00913 ?
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