Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Dirty Used a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014, 2015 et 2016, des rappels de taxe sur la valeur mis à sa charge au titre de la période du 1er mai 2012 au 30 avril 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1805881 du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2021 et un mémoire, enregistré le 21 juillet 2022, la SARL Dirty Used, représentée par Me Talon Chapelle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. A... n'a pas exercé une activité occulte d'agent commercial au titre de l'activité liée au contrat conclu avec la société Cléon, de sorte que cette activité doit être rattachée à son résultat et que la déductibilité des charges liées à cette activité doit être admise ;
- à titre subsidiaire, l'administration ne démontre pas que les dépenses engagées ne l'ont pas été dans l'intérêt de la société et n'auraient pas relevé d'une gestion commerciale normale ;
- les dépenses d'énergie dont elle s'est acquittée prenait en compte une répartition des pièces utilisées à des fins professionnelles dans la maison de M. A... ;
- le montant des recettes omises au titre des exercices clos en 2013 et 2014, qui s'entendent des bénéfices retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, correspond au montant des recettes hors taxes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Dirty Used ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Dirty Used, dont M. A... est gérant et associé à parts égales avec son épouse, qui a pour activité la vente, commercialisation et distribution de vêtements de prêt-à-porter, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mai 2012 au 30 avril 2016 à l'issue de laquelle le service, après avoir écarté la comptabilité présentée comme étant dépourvue de caractère probant et de sincérité, a reconstitué une partie de ses recettes et remis en cause le caractère déductible de certaines charges au motif qu'elles n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. En conséquence de ces rectifications, la SARL Dirty Used a été assujettie, selon la procédure contradictoire, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er mai 2012 au 30 avril 2016 et à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos au cours de la même période, auxquels ont été appliqués des intérêts de retard et des majorations pour manquement délibéré. La SARL Dirty Used relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur l'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne les charges non justifiées par l'intérêt de la société :
S'agissant du caractère déductible des charges :
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".
3. Il résulte des propositions de rectification des 15 décembre 2016 et 15 février 2017 que, d'une part, la SARL Dirty Used commercialise des vêtements de la marque Redskins en vertu d'un contrat conclu le 30 juillet 2007 avec la SA Territoire Redskins et, d'autre part, que M. A..., gérant et associé de la société, a conclu, en son nom propre, le 29 août 2007, un contrat avec la société Cléon, laquelle dispose d'une licence d'exploitation pour fabriquer et distribuer les chaussures de la marque Redskins, aux fins de vendre des chaussures de cette marque. L'administration a estimé que cette activité de vente de chaussures, qui n'avait fait l'objet d'aucune déclaration et dont les recettes n'avaient pas été comptabilisées, était réalisée à titre individuel par M. A.... A cet égard, il est constant que M. A... a encaissé les commissions qui lui ont été versées par chèques par la société Cléon sur son compte bancaire personnel. En outre, il résulte du contrat du 29 août 2007 que M. A... a été personnellement engagé par la société Cléon " en tant qu'agent commercial pour la collection Redskins chaussures ". Si la SARL Dirty Used fait valoir que l'activité d'agent commercial exercée pour le compte de la société Cléon est domiciliée à l'adresse de son siège social, il résulte de l'instruction que cette adresse est celle du logement du gérant de la société. De même, l'activité individuelle d'agent commercial de M. A... ne nécessite pas d'autres moyens humains. Si la société requérante fait valoir que le contrat qu'elle a conclu avec la SA Territoire Redskins comportait une clause de non-concurrence excluant qu'elle représente d'autres mandants et soutient que M. A... a conclu un contrat avec la société Cléon pour échapper à cette clause, il ne résulte pas de ces circonstances que l'activité de vente de chaussures pour le compte de la société Cléon a été accomplie par la SARL Dirty Used. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et quand bien même l'activité d'agent commercial de M. A... entre dans les prévisions de l'objet social de la SARL Dirty Used, c'est à bon droit que l'administration a considéré que M. A... avait exercé à titre individuel une activité d'agent commercial distincte de celle de la société dont les résultats devaient être imposés séparément.
4. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.
5. Le service a réintégré dans le résultat imposable de la SARL Dirty Used les frais d'utilisation d'un espace d'exposition, dit showroom, ainsi que les frais de déplacement, de voyage et de réception exposés par le gérant pour les besoins de son activité à titre individuel. Si la société fait valoir que l'activité de son gérant n'a engendré aucun frais supplémentaire pour elle, l'administration établit que les produits commercialisés par M. A... en vertu du contrat d'agent commercial qu'il a conclu avec la société Cléon sont différents des produits commercialisés par la SARL Dirty Used et que le contrat conclu entre la SARL Dirty Used et la SA Territoire Redskins exclut les grands magasins spécialisés qui font partie des clients de M. A.... Ainsi, dès lors qu'il est établi que l'activité personnelle de M. A... ne s'adresse pas nécessairement aux mêmes distributeurs, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, que la prise en charge par la SARL Dirty Used procède, en l'absence de toute contrepartie, d'un acte anormal de gestion.
S'agissant de l'évaluation des dépenses d'énergie :
6. Il est constant qu'une pièce d'une superficie de 70 m², au sein de la maison d'habitation de M. A... est dédiée à la présentation des produits commercialisés par la SARL Dirty Used et par M. A.... L'administration a estimé, ce que ne conteste pas la société, que M. A... occupait 15 m² de cet espace. La société soutient que, compte tenu de l'espace qu'elle utilise pour la présentation de ces produits et de la présence d'un bureau, les frais de chauffage et d'électricité imputables à sa propre activité représentent la moitié des dépenses de fonctionnement de la maison d'habitation. Toutefois, pour retenir que les dépenses d'énergie affectées à l'usage professionnel de l'appelante représentaient 19,64 % des dépenses acquittées par M. A..., l'administration s'est fondée à la fois sur la superficie utilisée par la SARL Dirty Used par rapport à la superficie totale habitable, sur la circonstance, non contestée, que les besoins en chauffage et électricité de la société n'étaient pas équivalents à ceux de l'habitation et sur les propres déclarations du gérant de la société, lequel a admis que les dépenses afférentes à l'activité de la société et de son entreprise individuelle représentaient, au plus, un quart des factures d'énergie. La SARL n'apporte aucun élément de nature à contredire ces constatations opérées par le service. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a limité la part des dépenses de chauffage et d'électricité déduites par la SARL Dirty Used à 19,64 % du montant des dépenses de la maison d'habitation de M. A... et a, en conséquence, réintégré la différence dans les résultats imposables de la société
En ce qui concerne les omissions de recettes :
7. La SARL Dirty Used ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que l'assiette des revenus distribués à son gérant sur le fondement de l'article 109, 1-1° du code général des impôts correspond au montant hors taxes des recettes omises au titre des exercices clos en 2013 et 2014.
Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
8. La SARL Dirty Used ne soulève aucun moyen à l'encontre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge. Ses conclusions en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
9. Il résulte de ce qui précède que la SARL Dirty Used n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Dirty Used est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Dirty Used et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 2 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02591