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02/03/2023 | FRANCE | N°21LY02810

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 02 mars 2023, 21LY02810


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2000706 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 août 2021, et un mémoire complémentaire, enregistr

le 2 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2000706 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 août 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 2 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal administratif s'est à tort prononcé sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition qui n'avait pas été soulevé devant les premiers juges ; il a statué au-delà des conclusions dont il était saisi ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation des faits ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- la proposition de rectification méconnaît l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et la doctrine administrative BOI-CF-IOR-10-40 ;

- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- s'agissant des revenus imposés au titre de l'exercice d'une activité occulte, l'administration ne l'a pas mis en demeure de souscrire une déclaration de revenus au titre des bénéfices non commerciaux ; les impositions en litige ont été mises à sa charge à la suite d'une procédure d'évaluation d'office irrégulière ; son activité ne présente pas un caractère professionnel qui nécessitait une inscription auprès d'un centre de formalités des entreprises et, par suite, un caractère occulte ; il ne pouvait faire l'objet d'une évaluation d'office de ses revenus ; ses revenus ne ressortent pas d'une activité d'entreprise au sens de la doctrine BOI-BNC-BASE-60 n° 110 ; son activité n'est pas illicite ;

Sur le bien-fondé des impositions :

- l'administration ne pouvait l'imposer au titre de revenus distribués sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts compte tenu de ce que la SA Editions Ambre n'est pas établie en France et n'est pas assujettie à l'impôt sur les sociétés français ; l'administration n'établit pas que les distributions auraient été réalisées par le supposé établissement stable de cette société située en France et non par la société suisse elle-même ; la comptabilité de la SA Editions Ambre fait état de l'inscription des sommes en litige ; l'administration n'établit pas que les avantages supposés avoir été accordés à M. A... auraient porté sa rémunération à un niveau exagéré ni qu'ils n'auraient pas été mentionnés explicitement en comptabilité en méconnaissance de l'article 54 bis du code général des impôts ni que leur comptabilisation révèlerait un acte anormal de gestion ;

- les sommes versées par la SA Editions Ambre à son administrateur constituaient une rémunération allouée pour des services spéciaux dans le cadre de ses fonctions dans l'entreprise et relevaient de la catégorie des traitements et salaires et non pas de celle des bénéfices non commerciaux ; si l'imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux était maintenue, il doit être imposé sur un bénéfice évalué forfaitairement à 66 % de ses recettes.

Par un mémoire, enregistré le 14 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- si la cour considérait que l'activité de mise en page de livres édités par la SA Editions Ambre ne peut être qualifiée de professionnelle et en conséquence d'occulte, elle entre néanmoins dans la catégorie des occupations, exploitations lucratives et sources de profit ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou revenus visée à l'article 92-1 du code général des impôts et les résultats de cette activité pouvaient, en application du 2° de l'article L. 73 bis a du livre des procédures fiscales être évalués d'office sans mise en demeure préalable ;

- si la cour considérait que les sommes litigieuses doivent être imposées selon le régime des micro-bénéfices industriels et commerciaux, il y aurait lieu de substituer à la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par le a. de l'article 1720 celle de 80 % prévue par le c. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Le mémoire, enregistré le 20 janvier 2023, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SA Editions Ambre, société de droit suisse, qui exerçait une activité d'édition d'ouvrages et disposait de bureaux pris en location au Touvet (Isère) dont M. A... était dirigeant et détenait 60 % du capital, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercice clos le 31 décembre 2014 et le 31 décembre 2015 à l'issue de laquelle l'administration a estimé qu'elle disposait en France d'un établissement stable justifiant son assujettissement à l'impôt sur les sociétés En conséquence de ce contrôle et d'un contrôle sur pièces, M. et Mme A... ont été assujettis, au titre des années 2014 et 2015, à des compléments d'impôt sur le revenu résultant de l'inclusion dans leurs revenus imposables, d'une part, de remboursements de frais et de dépenses comptabilisées en charges par la SA Editions Ambre dont l'administration a estimé qu'elles n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de la société et qu'elle a imposées entre les mains de M. A... en tant que revenus distribués par l'établissement stable sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts et, d'autre part, de sommes facturées par celui-ci à la société au titre de travaux de mise en page que l'administration a imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux selon la procédure d'évaluation d'office de l'article L. 73-2° du livre des procédures fiscales. L'administration a appliqué la majoration de 40 %, pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts aux compléments d'impôt sur le revenu et aux contributions sociales établis au titre des revenus de capitaux mobiliers et la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1728-1 du code prévue en cas de découverte d'une activité occulte aux compléments d'impôt sur le revenu et aux contributions sociales établis au titre de l'activité non commerciale. Par un jugement du 17 juin 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du dossier de première instance qu'après avoir critiqué la qualification retenue par l'administration du caractère occulte de son activité de mise en page, M. A... a fait valoir que " le recours à la taxation d'office était irrégulier dans les circonstances de l'espèce ". Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges, qui ont écarté ce moyen, ne l'ont pas relevé d'office. Quant au fait que les premiers juges aurait commis une erreur de qualification juridique ou une erreur de droit, il n'est susceptible d'affecter que le bien-fondé du jugement attaqué et demeure sans incidence sur sa régularité.

Sur l'imposition des revenus distribués :

En ce qui concerne l'imposition en France de la SA Editions Ambre :

3. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 108 à 117, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Aux termes de l'article 7 de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune : " Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable ". Aux termes de l'article 5 de cette convention : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment :/ a) Un siège de direction / (...) c) Un bureau (...) ".

4. Ainsi qu'il a été dit, la SA Editions Ambre, société de droit suisse ayant son siège social à Genève, dont M. A... était le dirigeant et détenait 60 % du capital, exerçait une activité d'édition, de conception, de réalisation et de distribution d'ouvrages imprimés. Au cours de la période d'imposition en litige, la SA Editions Ambre disposait en France d'un bureau doté de mobiliers et matériels informatiques au Touvet (Isère) dans des locaux appartenant à M. A... jouxtant son domicile, loués pour partie à la SARL Ambre éditions à laquelle la SA Editions Ambre avait confié, par un contrat conclu en 2006, la vente par correspondance et aux réseaux spécialisés, la représentation sur les foires et salons et la fabrication des ouvrage et catalogues. Il résulte de l'instruction que les ouvrages étaient commandés par la SARL Ambre éditions auprès d'imprimeurs généralement situés en Espagne, payés par elle et refacturés à la SA Editions Ambre qui les revendaient à la SARL Ambre éditions ainsi qu'à l'autre société française à laquelle elle avait confié la distribution de son fonds sans que les ouvrages ne quittent physiquement le territoire français. Il est constant enfin que M. A... participait à la sélection des livres et des imprimeurs ainsi qu'aux négociations des contrats de la SA Editions Ambre avec les auteurs et les imprimeurs et qu'il a ouvert le compte bancaire de la société suisse dans un établissement en France. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, dont la matérialité n'est pas contestée par M. A..., que la SA Editions Ambre disposait en France d'un établissement autonome en France et doit être regardée comme une entreprise exploitée en France au sens et pour l'application des dispositions précitées du I de l'article 209 du code général des impôts.

5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, la SA Editions Ambre doit être regardée comme disposant en France d'une installation fixe d'affaires au sens des stipulations des articles 5 et 7 de la convention fiscale franco-suisse, et par suite, d'un établissement stable au sens de ladite convention. Il s'ensuit que, conformément aux stipulations de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse, les bénéfices de la SA Editions Ambre tirés de l'activité de son établissement stable en France devaient être imposés en France au titre de l'impôt sur les sociétés.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition des revenus distribués :

6. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs. Le caractère suffisant de la motivation d'une proposition de rectification doit être apprécié distinctement par chef de redressement.

7. La proposition de rectification du 6 décembre 2017 adressée à M. et Mme A... mentionne le montant des revenus distribués, la catégorie d'imposition et les années d'imposition concernées. Elle indique que les rehaussements envisagés font suite à la vérification de comptabilité de la société SA Editions Ambre, société de droit suisse, qu'ils sont notifiés dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers et fondés sur l'article 111 c. du code général des impôts, que les copies des relevés bancaires, le détail des relevés de carte bancaire et les factures de l'agence de voyage à partir desquels ont été mises en évidence les dépenses personnelles prises en charge par la société ont été obtenues dans l'exercice clos d'un droit de communication auprès de la banque et de l'agence de voyage. Elle donne le tableau du détail des remboursements de frais et des retraits en espèces, indique que les remboursements de frais identifiés sur les comptes sont exclus des charges déductibles, expose les motifs pour lesquels les paiements et retraits en espèces sont considérés comme des dépenses personnelles selon le lieu des retraits et la nature des dépenses acquittées et indique qu'un voyage facturé à la société n'a pas été réalisé dans l'intérêt de l'exploitation. L'administration a ainsi exposé avec une précision suffisante les motifs sur lesquels elle s'est fondé pour soumettre à l'impôt sur le revenu les distributions occultes. Contrairement à ce que soutient M. A..., l'administration n'avait pas à faire état, dans cette proposition de rectification, des éléments caractérisant l'existence d'un établissement stable en France de la SA Editions Ambre, justifiant son assujettissement à l'impôt sur les sociétés dès lors qu'il s'agit d'un contribuable distinct du contribuable imposé à l'impôt sur le revenu à raison de distributions provenant de l'établissement stable soumis à une imposition différente. Il s'ensuit que les éléments portés à la connaissance de M. A... dans la proposition de rectification étaient suffisants pour le mettre à même de discuter utilement le bien-fondé des rappels d'impôt sur le revenu envisagés dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, ce qu'il a d'ailleurs fait en adressant au service, le 2 janvier 2018, des observations auxquelles il a été répondu le 2 mai 2018. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette proposition de rectification doit être écarté.

8. M. A... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-40, laquelle est relative à la procédure d'imposition et ne saurait, dès lors, comporter une interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration.

9. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". L'administration est tenue d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus de tiers et qu'elle a utilisés pour établir les impositions, afin de le mettre en mesure de demander la communication des documents en cause avant la mise en recouvrement des impositions.

10. Si M. A... soutient qu'il n'a pas été informé de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus au cours de la vérification de comptabilité de la SA Editions Ambre, il résulte de l'instruction que l'administration a précisé, dans la proposition de rectification du 6 décembre 2017, avoir exercé son droit de communication auprès, d'une part, de l'établissement bancaire en charge du compte de la SA Editions Ambre et obtenu la copie des relevés bancaires et mentionnant les retraits effectués au moyen de la carte bancaire de la société et, d'autre part, de la SARL Les voyages d'Alfred et obtenu la copie de la facture délivrée le 1er décembre 2015 et du contrat de vente relatif à cette facture et a joint l'ensemble de ces documents à la proposition de rectification. Par suite, ces informations étaient suffisamment précises quant aux éléments recueillis par l'administration ayant servi à fonder les revenus distribués. Il s'ensuit que l'obligation d'information prévue par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'a pas été méconnue.

11. M. A... soutient que l'administration ne lui a pas communiqué les factures consultées lors de la vérification de comptabilité de la SA Editions Ambre et les éléments de faits relatifs à l'existence d'un établissement stable en France. A la suite de sa demande du 2 janvier 2018, M. A... a obtenu la communication des documents qui avaient déjà été joints initialement à la proposition de rectification et qui ont été utilisés par l'administration pour fonder les rectifications dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers. Il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait utilisé, pour établir ces impositions, les factures consultées lors de la vérification de comptabilité de la SA Editions Ambre à l'exception de la facture établie par la SARL Les Voyages d'Alfred qui a été communiquée à M. A... ainsi qu'il a été dit au point 10, ni les éléments dont elle s'est servi pour établir l'existence d'un établissement stable en France de la SA Editions Ambre.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition des revenus distribués :

12. Aux termes du premier alinéa de l'article 53 A du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " (...) les contribuables (...) sont tenus de souscrire chaque année, dans les conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration permettant de déterminer et de contrôler le résultat imposable de l'année ou de l'exercice précédent ". Aux termes de l'article 54 du même code : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. / Si la comptabilité est tenue en langue étrangère, une traduction certifiée par un traducteur juré doit être représentée à toute réquisition de l'administration ". Il résulte de ces dispositions que si les établissements stables de sociétés étrangères ne sont pas soumises à l'obligation de tenir une comptabilité selon les modalités prévues par les dispositions des articles L. 123-12 et suivants du code du commerce, elles doivent présenter à l'administration, sur demande de celle-ci, les documents comptables et pièces mentionnés à l'article 54 du code général des impôts de nature à justifier de l'exactitude des résultats indiqués dans les déclarations qu'elles sont tenus de souscrire.

13. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". Il résulte de ces dispositions que les avantages en nature accordés par une société à son personnel, y compris ses dirigeants, doivent être, conformément aux prescriptions de l'article 54 bis du code général des impôts qui dispose que : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel " inscrits explicitement comme tels en comptabilité. A défaut, ils constituent des avantages occultes au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts, imposables entre les mains du bénéficiaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et non déductibles des bénéfices de la société.

14. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 6 décembre 2017 adressée à M. et Mme A..., que s'agissant des rehaussements procédant de l'imposition des revenus distribués par l'établissement stable de la SA Editions Ambre notifiés sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, l'administration a relevé, d'une part, que M. A... avait perçu à titre de remboursements de frais des sommes d'un montant total de 2 426,83 euros au titre de l'année 2014 et de 4 308 euros au titre de l'année 2015, d'autre part que la SA Editions Ambre avait réglé, par deux virements du 11 novembre et 1er décembre 2015, pour un montant total de 7 000 euros les frais d'un voyage à New-York que M. A... a réalisé sans qu'il soit établi que ce voyage avait été réalisé dans l'intérêt de la SA Editions Ambre et, enfin, au vu du relevé détaillé des paiements effectués à partir de la carte bancaire de la société à la disposition exclusive de M. A..., a constaté que les retraits correspondaient à des paiement au centre commercial de Cogolin, à des frais de transport en France (Paris, Chambéry, Saint-Priest, Marmoutier, Riquewihr, Cannes, Gassin, Isles Les Meld, Laragne, Le Cannet, Ribeauville, Grimaud, Saint-Tropez), à des opérations de commerce électronique (Amazon...), à des voyages à l'étranger (Barcelone, Hong-Kong, Lisbonne) et à l'achat d'articles de marques de luxe pour des montants de 2 495,92 euros à Genève, de 700 euros à Saint-Tropez et de 1 158,04 euros à Hong-Kong sans qu'il soit établi que ces frais avaient été engagés dans l'intérêt de la société. Pour considérer que ces sommes étaient constitutives d'une rémunération ou d'un avantage occulte au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts, l'administration a relevé que ces dépenses n'avaient pas été inscrites en comptabilité et n'étaient assorties d'aucune pièce justificative permettant d'identifier leur caractère professionnel. Dans ces conditions et en l'absence de toute justification, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que les frais en litige, qui présentent le caractère de dépenses personnelles, n'ont pas été engagés dans l'intérêt de l'établissement stable de la SA Editions Ambre. Il est constant enfin que ces frais n'ont pas été comptabilisées conformément aux dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts. C'est par suite à bon droit que l'administration a réintégrés les sommes en litige dans les revenus imposables des années 2014 et 2015 de M. et Mme A... sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts sans que fasse obstacle à l'imposition la circonstance que le compte bancaire soit détenu par une société de droit suisse.

15. Il résulte de l'instruction que la SA Editions Ambre a déclaré des chiffres d'affaires au titre des exercices clos en 2014 et 2015 dont les montants correspondent quasiment à ceux reconstitués de son établissement stable au titre des mêmes exercices. M. A... n'allègue pas que la société de droit suisse aurait une autre activité ailleurs qu'en France. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration a taxé les revenus distribués provenant de l'établissement stable de la société de droit suisse.

Sur les revenus imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux :

En ce qui concerne l'activité occulte et la régularité de la procédure d'imposition des bénéfices non commerciaux :

16. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices (...) de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) ".

17. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment des éléments recueillis dans le cadre d'un droit de communication exercé auprès de l'établissement bancaire teneur du compte de la SA Editions Ambre que M. A... a perçu de cette société des honoraires de 3 000 euros en 2014 et de 8 392 euros en 2015, enregistrés sous un libellé " honor fact ", correspondant à des travaux de mise en page d'ouvrages facturés par l'intéressé à la société. Si M. A... fait valoir qu'il s'agit de missions occasionnelles s'inscrivant dans le cadre d'un mandat d'administrateur en application de l'article L. 225-46 du code du commerce dont les rémunérations sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires, il ne résulte d'aucun élément du dossier qu'il aurait été placé à l'égard de la SA Editions Ambre dans un rapport juridique caractérisé par un lien de subordination. La seule circonstance que cette source de profit, qui n'est pas, par nature, insusceptible de se renouveler, a été occasionnelle ne fait pas obstacle à la qualification de bénéfice non commercial, le revenu en cause n'étant par ailleurs rattachable à aucune autre catégorie. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a considéré que les gains provenant de l'activité de mise en page de M. A... pour le compte de la société constituaient un revenu et les a imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et non dans celle des traitements et salaires ainsi qu'il le demande.

18. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la doctrine référencée BOI-BNC-BASE-60 n° 110 aux termes de laquelle " Le caractère lucratif de l'activité peut résulter de la perception effective de revenus d'un montant appréciable mais également de la mise en œuvre de moyens ou de méthodes analogues à ceux d'un professionnel et caractérisant la recherche effective d'une clientèle. La recherche d'un gain doit être un objectif poursuivi de manière évidente. " qui ne fait pas de la loi fiscale une interprétation autre que celle dont il est fait application au point 25.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre dans sa rédaction applicable : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...). Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à une mise en demeure : (...) / Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 (...) " Aux termes du troisième alinéa de ce dernier article, dans sa rédaction applicable : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. "

20. Aux termes de l'article 371 AJ de l'annexe II du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, " Les organismes chargés de la création et de la gestion des centres de formalités des entreprises ainsi que la répartition des compétences entre les centres sont définis conformément aux articles R. 123-3 et R. 123-4 du code de commerce. " et aux termes de l'article R. 123-3 du code du commerce, dans sa rédaction alors applicable, : " (...) 7° Les services des impôts créent et gèrent les centres compétents pour les personnes suivantes dès lors qu'elles exercent leur activité à titre de profession habituelle, qu'elles ne relèvent pas des dispositions des 1° à 6° et qu'elles n'ont pas d'autres obligations déclaratives que statistiques et fiscales : (...) c) Les redevables de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux ; (...) ".

21. Il résulte des dispositions citées au point 17 que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

22. Ainsi qu'il a dit au point 15, M. A... exerçait une activité habituelle de mise en page pour le compte de la SA Editions Ambre à laquelle il a facturé ses prestations. Par suite, il était tenu de souscrire une déclaration de résultats. Il est constant qu'il ne l'a pas fait ni n'a fait connaître son activité au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. M. A... n'établit ni même n'allègue que cette omission de déclaration relevait d'une erreur. Par suite, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte par l'intéressé de cette activité. M. A... était ainsi en situation de voir les bénéfices non commerciaux tirés de cette activité évalués d'office sans mise en demeure préalable en application des dispositions combinées du 2° de L. 73 et de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales.

23. M. A..., dont les bénéfices non commerciaux ont été régulièrement imposés selon une procédure d'office, ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dont les dispositions relatives aux propositions de rectification adressées dans le cadre de la procédure contradictoire ne lui étaient pas applicables.

24. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

25. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification adressée à M. et Mme A... le 6 décembre 2017, que l'administration a exercé un droit de communication, au cours du contrôle, auprès de l'établissement bancaire teneur du compte bancaire de la SA Editions Ambre et obtenu la copie de relevés bancaires portant le libellé " fact Hono " identifiant les honoraires versés à M. A.... L'administration a joint à la proposition de rectification la copie de ces documents. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de sa demande de communication du 2 janvier 2018, elle a lui a de nouveau transmis les documents qui figuraient en annexe de la proposition de rectification à savoir les demandes faites concernant le compte courant bancaire de la SA Editions Ambre et les réponses de la banque. Il n'est pas établi que l'administration s'est fondée sur d'autres documents que ceux qu'elle a obtenus de l'établissement bancaire de la SA Editions Ambre pour fonder les impositions notifiées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Par suite, alors que M. A... a été suffisamment informé ²de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice du droit de communication pour être en mesure d'y avoir accès avant la mise en recouvrement de l'imposition, l'administration a pu valablement s'abstenir de lui communiquer les factures consultées au cours de la vérification de comptabilité de la SA Editions Ambre qui n'ont pas servi pour rappeler les bénéfices non commerciaux.

26. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie prévue par les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition des bénéfices non commerciaux :

27. M. A... reprend en appel dans les mêmes termes le moyen soulevé en première instance tiré de ce que les revenus relevaient du régime d'imposition des micro-entreprises. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif.

28. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02810


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02810
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-02;21ly02810 ?
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