Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite du 19 octobre 2019 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a confirmé la décision implicite du 26 juin 2019 rejetant sa demande de restitution de son autorisation d'accès aux centres nucléaires de production d'électricité et d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer une autorisation d'accès aux centres nucléaires de production d'électricité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 350 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1903490 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Lamamra, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1903490 du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler la décision implicite du 19 octobre 2019 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a confirmé la décision implicite du 26 juin 2019 rejetant sa demande de restitution de son autorisation d'accès aux centres nucléaires de production d'électricité ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer une autorisation d'accès aux centres nucléaires de production d'électricité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 350 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 600 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée n'est pas motivée au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration alors que les motifs de cette décision ne portent pas atteinte à la sûreté de l'Etat ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et se fonde sur des faits non établis.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2022, la ministre de la transition énergétique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 2007-914 du 15 mai 2007 ;
- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bentéjac, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., technicien coordinateur de niveau 2, a été recruté le 15 avril 2013 par la société Advance Engineering, sous-traitant de la société EDF, pour intervenir au sein de la centrale nucléaire de production d'électricité (CNPE) de Flamanville. Le 14 avril 2016, le directeur de la centrale a mis fin, avec effet immédiat, et sur avis défavorable du préfet de la Manche, à l'autorisation d'accès dont il bénéficiait. M. A... qui a sollicité la communication des motifs de l'avis défavorable du préfet de la Manche s'est vu opposer un refus au regard de ce que le document contenant les motivations de l'interdiction d'accès était classifié et non communicable. M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant de cet avis défavorable. Par décision n° 1700189 du 5 avril 2018, le tribunal a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 24 366 euros en réparation des préjudices subis avec intérêts et capitalisation des intérêts.
2. M. A... a sollicité, le 27 juillet 2018, la restitution de son autorisation d'accès au CNPE de Flamanville, demande qui a été implicitement rejetée. Le recours contre cette dernière décision a été rejeté comme irrecevable faute de recours administratif préalable obligatoire par le tribunal administratif de Dijon. M. A... a sollicité, le 26 avril 2019, le réexamen de cette décision. En l'absence de réponse expresse à cette demande, il a formé, le 19 août 2019, un recours auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire auquel il n'a pas davantage été expressément répondu. Après avoir sollicité la communication des motifs de la décision implicite du 19 octobre 2019 rejetant son recours administratif préalable obligatoire, la ministre l'a informé, le 20 janvier 2020, que les motifs de cette décision n'étaient pas communicables comme pouvant porter atteinte à la sûreté de l'Etat, la sécurité publique, la sécurité des personnes ou la sécurité des systèmes d'information des administrations. M. A... qui a demandé l'annulation de cette décision implicite de rejet du 19 octobre 2019, relève appel du jugement n° 1903490 du 26 octobre 2021 qui a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, d'une part, les centres nucléaires de production d'électricité constituent, selon les dispositions combinées des articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense et L. 593-1 du code de l'environnement, des installations et ouvrages d'importance vitale dont l'accès est, en vertu des dispositions de l'article L. 1332-2-1 du code de la défense, soumis à une autorisation préalable de l'opérateur, délivrée dans les conditions et selon les modalités définies à l'article R. 1332-22-1 du même code. Aux termes de l'article R. 1332-22-1 du code de la défense, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Avant d'autoriser l'accès d'une personne à tout ou partie d'un point d'importance vitale qu'il gère ou utilise, l'opérateur d'importance vitale peut demander par écrit, selon le cas, l'avis : / 1° Du préfet du département dans le ressort duquel se situe le point d'importance vitale ; / 2° De l'autorité désignée par le ministre de l'intérieur pour les opérateurs d'importance vitale du sous-secteur nucléaire ou pour les opérateurs d'importance vitale exploitant les installations nucléaires intéressant la dissuasion ne relevant pas du ministre de la défense au sens de l'article R. 1411-9 ; (...). / Cette demande peut justifier que soit diligentée sous le contrôle de l'autorité concernée une enquête administrative destinée à vérifier que les caractéristiques de la personne physique ou morale intéressée ne sont pas incompatibles avec l'accès envisagé et pouvant donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 (...) ". Le d) du 2° de l'article L. 311-5 auquel il est ainsi renvoyé vise : " 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (...) / d) A la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d'information des administrations (...) ".
5. Il résulte des dispositions mentionnées aux points 3 et 4 ci-dessus que la décision par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire, à la suite d'un recours administratif préalable obligatoire, confirme un refus d'autoriser l'accès à un centre nucléaire de production d'électricité, constitue un refus d'autorisation au sens du 7° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, sauf à ce que la communication de ses motifs soit de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 du même code, une telle décision doit être motivée.
6. Aux termes de l'article 1er du décret du 15 mai 2007 pris pour l'application du I de l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " Relèvent des dispositions du dernier alinéa du I de l'article 30 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée les traitements automatisés de données à caractère personnel intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique autorisés par les actes réglementaires suivants : (...) 12. Décret portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé FSPRT ; (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées : " (...) III. - Peuvent être inscrits dans le fichier à la demande des autorités administratives compétentes (...) 8° Les personnes faisant l'objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard ;(...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que, pour prendre la décision attaquée, la ministre de la transition écologique et solidaire s'est fondée sur une enquête administrative diligentée par le commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire dont il ressort que M. A... est inscrit dans le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste ainsi que dans le fichier des personnes recherchées sur le fondement des dispositions précitées du 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010. Eu égard aux finalités de ces traitements automatisés telles qu'elles résultent des dispositions réglementaires citées au point 6 et à la nature des mentions qu'ils comportent, la communication des motifs de la décision contestée est de nature à porter atteinte aux intérêts liés à la sûreté de l'Etat et à la sécurité publique, protégés par les dispositions du d) du 2° de l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors, la décision contestée n'avait pas à être motivée.
8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'enquête administrative réalisée par le commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire, d'une note blanche du 14 février 2019 du service central du renseignement territorial ainsi que des conclusions du Haut fonctionnaire de défense et de sécurité du 20 février 2019, produites en première instance par le ministre de la transition écologique et solidaire, que M. A... a fait preuve d'actes de prosélytisme religieux sur son lieu de travail et a entretenu, jusqu'en 2017, des liens et a travaillé pour l'association " Qatar Charity " durant son séjour au Qatar en 2016 et 2017. En outre, M. A... est inscrit au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste et au fichier des personnes recherchées pour des données intéressant la sûreté de l'Etat. Les éléments mentionnés dans ces documents ne sont pas utilement contredits par les seules allégations de M. A... qui indique s'être rendu au Qatar en 2016 uniquement pour préparer l'inscription de sa fille en études supérieures en août 2018 et qui se prévaut des attestations de ses voisins attestant de son honorabilité et de sa pratique d'un islam tolérant et non radical. Dans ces conditions, les faits relatés dans ces notes et conclusions sont suffisamment précis pour caractériser l'incompatibilité du comportement de M. A..., qui exerce les fonctions de technicien coordinateur au sein de la société Advance Engineering, sous-traitante de la société Electricité de France nécessitant d'accéder notamment au centre nucléaire de production d'électricité de Flamanville. Par suite, la ministre de la transition écologique et solidaire n'a pas entaché sa décision refusant l'accès de M. A... au centre nucléaire de production d'électricité de Flamanville d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celle relatives aux frais de l'instance doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de la transition énergétique.
Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Bentéjac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 février 2023.
La rapporteure,
C. Bentéjac
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne à la ministre de la transition énergétique, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY04080