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21/02/2023 | FRANCE | N°22LY01128

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 21 février 2023, 22LY01128


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2105359 du 19 novembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 avril 2022, Mme B... C..., représent

e par Me Fréry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2021 ;

2°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2105359 du 19 novembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 avril 2022, Mme B... C..., représentée par Me Fréry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour " mention vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation, il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Mme B... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- et les observations de Me Tronquet substituant Me Fréry, représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante arménienne, née le 11 septembre 1988 à Karahunj (Arménie), est entrée en France le 29 juin 2017 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Après le rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA le 20 février 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, qui lui a été délivré du 3 janvier 2019 au 2 janvier 2020. Suite à sa demande de renouvellement de titre de séjour, le préfet du Rhône, par arrêté du 8 avril 2021, a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 19 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

3. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme C..., le préfet du Rhône s'est fondé sur l'avis rendu le 11 juin 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que l'intéressée peut bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme C... présente une léiomyomatose intravasculaire disséminée, qui a nécessité des interventions en Arménie en 2014 et 2016 et une troisième intervention en France en novembre 2017 en raison d'une récidive affectant cette fois un rein et qui a induit plusieurs complications. Elle souffre de douleurs importantes, nécessitant la prise de médicaments lourds, et une surveillance annuelle, ou bi-annuelle, est exigée avec des examens pointus par imagerie par résonance magnétique, ainsi qu'une prise en charge interdisciplinaire particulière associant des spécialistes en oncologie, gynécologie, chirurgie vasculaire, rhumatologie et néphrologie, et l'indisponibilité en Arménie d'une telle prise en charge n'est pas contestée par le préfet. Mme C... produit un certificat du ministère de la santé de la République d'Arménie du 16 décembre 2021 qui atteste notamment que l'Arimidex (anastrazole) n'est pas enregistré en République d'Arménie et ne peut ainsi être délivré, ni même circuler dans le pays, et cette absence est confirmée par un certificat du directeur général d'un centre médical en Arménie du 30 décembre 2021 et un certificat du 29 décembre 2021 d'une pharmacie en Arménie. Par ailleurs, Mme C... démontre également, par la production de pièces en appel, qui sont postérieures à la décision en litige mais qui se rapportent à la disponibilité des médicaments nécessaires à son état de santé à la date de la décision en litige, que le médicament Arimidex, traitement d'hormonothérapie nécessaire à son état de santé et qui permet de limiter l'évolution de sa pathologie, ne peut, selon un certificat du 31 mars 2022 du docteur A..., spécialiste, être remplacé par une classe médicamenteuse. Compte tenu de ces éléments, produits pour la première fois en appel et non contestés par le préfet en défense, Mme C... démontre que les soins nécessaires à son état de santé ne sont pas disponibles en Arménie. Elle est par suite fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade en raison de la disponibilité effective d'un traitement dans son pays d'origine, le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour ainsi que, par voie de conséquence, de la décision faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix-jours et de la décision fixant le pays de destination.

Sur l'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique que le préfet du Rhône délivre à Mme C... un titre de séjour en raison de son état de santé. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais d'instance :

6. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Fréry, avocate de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Fréry de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 19 novembre 2021 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme C... un titre de séjour en raison de son état de santé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer, dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 4 : L'État versera une somme de 1 500 euros à Me Fréry, conseil de Mme C... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Fréry.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. D...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N°22LY01128 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01128
Date de la décision : 21/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-21;22ly01128 ?
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