La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2023 | FRANCE | N°22LY00758

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 février 2023, 22LY00758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 2108625 du 11 février 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.r>
Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mars et 4 mai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 2108625 du 11 février 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mars et 4 mai 2022, M. B..., représenté par Me Paquet, demande à la cour :

1°) de l'admette au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Loire du 23 juillet 2021 ;

4°) d'enjoindre au préfet du Rhône :

- à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois, et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé constatant le dépôt d'une demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, révélée par les erreurs de fait qu'elle contient ;

- cette décision méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 de ce même code ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité des décisions qui la fondent ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit, dès lors que sa formulation ne permet pas de comprendre si un délai de départ volontaire de trente jours lui a ou non été accordé ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- la guerre engagée par la Russie contre l'Ukraine fait obstacle à son retour dans son pays d'origine ;

- la décision lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant trois mois est illégale et présente un caractère disproportionné.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

La demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été rejetée par une décision du 6 juillet 2022, confirmée par le rejet de son recours prononcé par ordonnance du 6 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les observations de Me Vray, substituant Me Paquet, représentant M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe né le 30 septembre 1996, est entré en France avec ses parents, en avril 2013, alors qu'il était mineur. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 février 2015, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 28 septembre 2015. Il a ensuite fait l'objet, le 5 juillet 2016, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juin 2017. Par un arrêté du 10 avril 2019, dont la légalité a également été confirmée par un jugement du même tribunal du 15 octobre 2019, M. B... a fait l'objet d'un refus d'admission exceptionnelle au séjour assorti d'une mesure d'éloignement. Le 20 avril 2021, il a, à nouveau, sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 23 juillet 2021, la préfète de la Loire a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois mois. M. B... relève appel du jugement du 11 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des pièces du dossier, que la préfète de la Loire n'a pas procédé à un examen complet de la situation personnelle du requérant, la mention inexacte d'une entrée en France à l'âge de dix-sept ans au lieu de seize ans n'étant pas, en soi, de nature à établir un tel défaut d'examen, ce d'autant que la décision fait bien état d'une entrée sur le territoire en avril 2013.

3. En deuxième lieu, si la décision contestée indique que M. B... est entré irrégulièrement en France, cette mention, qui figure dans la présentation de la situation du requérant, ne constitue pas un motif de la décision de refus de séjour. Dans ces conditions, à supposer même que la préfète ait commis une erreur sur ce point, cette erreur est sans incidence sur la légalité du refus de séjour et n'est pas davantage de nature à caractériser un défaut d'examen de sa situation.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

5. M. B... se prévaut de la durée de son séjour en France où il est entré mineur, de la scolarité qu'il y a suivie, de ses perspectives d'intégration par le travail et de la présence de sa famille. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ses parents et son frère majeur sont en situation irrégulière sur le territoire national, où ils n'ont donc pas vocation à demeurer et que son mariage avec une ressortissante française, le 21 juin 2021, est très récent à la date de la décision contestée, alors qu'il n'est justifié d'aucune communauté de vie antérieure. Si M. B... a obtenu, en France, plusieurs diplômes, dont un certificat d'aptitude professionnelle et un baccalauréat professionnel de réparateur en carrosserie et justifie d'une promesse d'embauche dans ce secteur d'activité, au demeurant antérieure de trois ans à la date de la décision en litige, ces circonstances ne suffisent pas à lui ouvrir un droit au séjour en France. Il a par ailleurs, fait l'objet de deux décisions de refus de séjour assorties de mesures d'éloignement, qu'il a n'a pas exécutées. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision de refus de titre de séjour contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 ci-dessus, M. B... ne peut être regardé comme justifiant de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à lui ouvrir un droit au séjour sur le fondement de ces dispositions. Par suite, en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour, la préfète de la Loire n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, la préfète de la Loire aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet de motiver spécifiquement l'octroi du délai de départ volontaire quand celui-ci correspond à la durée légale de trente jours et que l'étranger n'a présenté aucune demande afin d'obtenir un délai supérieur. Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire ne peut, dès lors, qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire.

12. En troisième lieu, si la préfète de la Loire a indiqué, à l'article 2 de l'arrêté du 23 juillet 2021, qu'un délai de départ de trente jours était accordé à M. B..., " sous réserve qu'un voyage vers le pays de destination soit matériellement possible ", cette mention n'introduit, contrairement à ce qui est allégué, aucune ambiguïté quant au délai imparti à l'intéressé pour quitter le territoire français, l'autorité administrative ayant seulement entendu, par la formulation en cause, prendre en compte le contexte sanitaire et les contraintes qu'il peut induire en termes d'exécution des décisions de retour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation et de l'erreur de droit doit être écarté.

Sur la décision désignant le pays de destination :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi.

14. En second lieu, le conflit armé engagé par la Russie en Ukraine, à l'extérieur de son territoire, n'est pas, en tant que tel, de nature à faire obstacle au retour de M. B... en Russie.

Sur la décision portant interdiction de retour pour une durée de trois mois :

15. Le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'erreur d'appréciation et présenterait un caractère disproportionné, repris dans les mêmes termes qu'en première instance, sans être assorti d'éléments nouveaux, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 13 de leur décision.

16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00758


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00758
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-16;22ly00758 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award