Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1900484 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 juin 2021 et 18 février 2022, M. A..., représenté par Me Fleuriot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la réduction de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Il soutient que :
- il convient d'admettre en déduction du résultat imposable du groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) A... Frères la somme de 7 494 euros pour chacun des deux exercices, correspondant à l'amortissement d'un tracteur acheté en 2012 au prix de 37 468 euros ; l'administration ne peut, à cet égard, se fonder sur l'absence d'inscription en comptabilité, dès lors qu'elle a écarté la comptabilité comme non probante ;
- les recettes du groupement foncier agricole (GFA) du Tolis s'élèvent à 46 102 euros en 2013, ainsi que cela ressort de ses relevés bancaires, somme dont il faut déduire les charges correspondant à la taxe foncière, aux assurances et aux intérêts d'emprunt, pour un total de 23 001,50 euros ;
- les recettes du GFA du Tolis ne sont que de 110 euros en 2012, peu important, à cet égard, que le résultat du GAEC lui eût permis de payer tout ou partie du loyer de 50 000 euros ;
- l'absence de recettes de la SCI A... en 2012 ne justifie pas l'absence de toute prise en compte de charges ; la taxe foncière et les frais d'assurance doivent être admis en déduction tant en 2012 qu'en 2013 ;
- sont produits aux débats les relevés des comptes du GAEC A... Frères ouverts auprès des banques Crédit Agricole, Chaix et Delubac pour les années 2012 et 2013, permettant de vérifier les mouvements de fonds entre le GAEC et le GFA.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,
- et les observations de Me Pequignot substituant Me Fleuriot, représentant M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... et son frère M. C... A... sont associés du GAEC A... Frères, qui exerce une activité de récolte et de commercialisation de produits issus de la vigne, ainsi que de la SCI A... et du GFA du Tolis, dont ils détiennent chacun la moitié des parts. Leurs épouses détiennent chacune la moitié des parts de la SARL Cave A..., société ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, qui exerce une activité commerciale de vente au détail de vins, spiritueux et boissons. En 2015, le GAEC A... Frères et la SARL Cave A... ont fait l'objet de vérifications de comptabilité à l'issue desquelles l'administration, après avoir écarté les comptabilités présentées, a reconstitué leurs chiffres d'affaires des exercices clos en 2012 et 2013, et fixé leurs résultats. En parallèle, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, l'administration a également reconstitué les résultats de la SCI A... et du GFA du Tolis des années 2012 et 2013. S'agissant de sociétés relevant du régime de l'article 8 du code général des impôts dont les résultats sont imposables à l'impôt sur le revenu au nom des associés, les résultats reconstitués ont été imposés au nom de M. et Mme A..., à proportion de leurs droits dans ces sociétés, dans la catégorie des bénéfices agricoles pour le GAEC A... Frères, dans celle des bénéfices industriels et commerciaux pour la SARL Cave A... et dans celle des revenus fonciers pour la SCI A... et le GFA du Tolis. M. A... relève appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, en application de la procédure de taxation d'office, des prélèvements sociaux mis à la charge du foyer fiscal et des pénalités correspondantes.
2. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".
3. Les impositions en litige ayant été établies selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, faute pour M. et Mme A... d'avoir déposé leurs déclarations d'ensemble des revenus des années 2012 et 2013 malgré l'envoi de mises en demeure, il appartient à M. A... de démontrer leur caractère exagéré.
4. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) / Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées à l'article 206-1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; ".
Sur les bénéfices agricoles en provenance du GAEC A... Frères :
5. Aux termes du premier alinéa de l'article 63 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices de l'exploitation agricole pour l'application de l'impôt sur le revenu, les revenus que l'exploitation de biens ruraux procure soit aux fermiers, métayers, soit aux propriétaires exploitant eux-mêmes. (...) ". Aux termes de l'article 72 du même code : " (...) le bénéfice réel de l'exploitation agricole est déterminé et imposé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales, conformément à toutes les dispositions législatives et à leurs textes d'application, sans restriction ni réserve notamment de vocabulaire, applicables aux industriels ou commerçants ayant opté pour le régime réel mais avec des règles et modalités adaptées aux contraintes et caractéristiques particulières de la production agricole, et de leur incidence sur la gestion (...) ". Aux termes de l'article 38 de ce code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Aux termes de l'article 39 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation et compte tenu des dispositions de l'article 39 A, sous réserve des dispositions de l'article 39 B. (...) ".
6. Il résulte des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts que ne peuvent être déduits du bénéfice imposable que les amortissements qui ont été effectivement inscrits dans les écritures comptables à la clôture de chacun des exercices concernés. Il appartient, à cet égard, au contribuable de justifier que cette inscription a été effectuée avant l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration des résultats annuels de l'entreprise. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'amortissement de 7 494 euros afférent à l'achat d'un tracteur au prix de 37 468 euros n'a pas été inscrit dans la comptabilité du GAEC A... Frères au titre des exercices clos en 2012 et 2013. Par suite, et alors même que la comptabilité du GAEC a été écartée par l'administration comme non probante, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre ces amortissements en déduction des résultats imposables de ce groupement.
Sur les revenus fonciers :
7. Aux termes de l'article 28 du code général des impôts : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ". Aux termes de l'article 29 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. (...) ". Aux termes de l'article 31 de ce code : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / (...) / a bis) les primes d'assurance ; / (...) / c) Les impositions, autres que celles incombant normalement à l'occupant, perçues, à raison desdites propriétés, au profit des collectivités territoriales, de certains établissements publics ou d'organismes divers (...) ; / d) Les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés (...) ; e) Les frais de gestion, fixés à 20 € par local, majorés, lorsque ces dépenses sont effectivement supportées par le propriétaire, des frais de rémunération des gardes et concierges, des frais de procédure et des frais de rémunération, honoraire et commission versés à un tiers pour la gestion des immeubles ; ".
En ce qui concerne la SCI A... :
8. Il résulte de l'instruction qu'en l'absence de dépôt des déclarations de résultats de la SCI A... des années 2012 et 2013, en dépit des mises en demeure qui lui été adressées les 25 septembre 2013 et 25 septembre 2014, l'administration fiscale a procédé à une estimation des résultats nets de celle-ci à partir du résultat net déclaré en 2011 de 9 487 euros, qui correspondait à des recettes d'un montant de 10 340 euros et des charges d'un montant de 853 euros. Le résultat net de l'année 2012 a ainsi été fixé à 10 000 euros et celui de l'année 2013 à 10 500 euros.
9. Si M. A... sollicite la déduction de charges, au vu de divers justificatifs portant sur des frais d'assurance et de taxe foncière, pour un montant de 1 695,34 euros au titre de 2012 et de 1 733,40 euros au titre de 2013, il résulte de ce qui a été dit au point 8 ci-dessus que l'administration a procédé à une estimation du résultat net de la SCI A..., ce qui implique la prise en compte tant des recettes perçues que des charges supportées par l'intéressée. Ainsi, et alors qu'il ne justifie pas des recettes de la SCI au titre des deux années en litige, M. A... ne démontre pas que le résultat foncier net retenu par l'administration, sur la base des éléments déclarés par la SCI en 2011, serait surévalué. Ainsi, M. A... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré de l'imposition mise à sa charge au titre de sa participation dans la SCI A....
En ce qui concerne le GFA du Tolis :
10. Il résulte de l'instruction qu'à défaut de présentation de déclaration de résultats pour le groupement au titre des années 2012 et 2013, malgré les mises en demeure adressées les 25 septembre 2013 et 25 septembre 2014, l'administration fiscale a procédé à une estimation des résultats du groupement résultant de la location de terres agricoles au GAEC A... Frères, à partir du résultat net de 48 047 euros déclaré par le GAEC en 2011 sans faire état du détail des recettes et des charges, étant précisé qu'en 2010, le résultat net déclaré était de 42 191 euros, correspondant à 74 499 euros de recettes et 32 308 euros de charges. Le résultat net du GFA a ainsi été fixé par l'administration à 49 000 euros pour l'année 2012 et à 49 500 euros pour l'année 2013.
11. M. A... fait valoir qu'en 2012, le GFA du Tolis n'a encaissé que 110 euros de recettes, résultant d'un paiement du GAEC A... Frères du 13 octobre 2012, et que les charges du groupement, constituées de cotisations d'assurance, de taxe foncière et d'intérêts d'emprunt, se sont élevées à 25 650,61 euros. Il soutient par ailleurs qu'en 2013, les recettes ont été de 46 102 euros, correspondant à deux virements des 21 mars et 23 mai 2013 émis par le GAEC A... Frères et les charges de 23 001,50 euros. Il produit, à l'appui de ses allégations, des pièces justificatives de charges, à savoir le tableau d'amortissement d'un emprunt de 457 356 euros souscrit en 2003, les avis de taxes foncières et les appels de cotisation de la société Groupama afférents aux années 2012 et 2013. Il produit également, pour justifier des recettes du GFA, les relevés bancaires annuels des comptes ouverts au Crédit Agricole par le GAEC et le GFA, faisant apparaitre les sommes précitées, encaissées par ce dernier en provenance du GAEC au cours de ces deux années, ainsi que les relevés annuels de trois autres comptes bancaires du GAEC ouverts auprès des banques Crédit Agricole, Delubac et Chaix. Alors que l'administration fiscale fait valoir, sans être contredite, que tant le GAEC A... Frères que le GFA du Tolis disposent de plusieurs autres comptes bancaires, les relevés ainsi produits ne permettent pas de justifier de l'exhaustivité des recettes perçues par le GFA au titre des deux années en litige. En tout état de cause, à supposer que les recettes du GFA se soient élevées aux sommes invoquées par M. A..., ce dernier ne justifie pas des difficultés financières alléguées du GAEC qui auraient fait obstacle au versement, par celui-ci, de la totalité des loyers dus et, par conséquent, de l'existence de circonstances indépendantes de la volonté du GFA du Tolis ayant contraint ce dernier à renoncer à leur perception. Il n'est pas davantage démontré une insuffisante prise en compte des charges du GFA, dès lors que l'administration a procédé, ainsi qu'il a été dit au point 10 ci-dessus, à une évaluation du résultat net, lequel comprend, nécessairement, des recettes et des charges. Dans ces conditions, M. A... n'apporte pas la preuve de la surévaluation qu'il invoque du résultat net du GFA, et par conséquent, du caractère exagéré du revenu foncier mis à sa charge à concurrence de sa participation au capital de ce groupement.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2023.
La rapporteure,
A. Courbon
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY01977