La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2023 | FRANCE | N°21LY01430

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 février 2023, 21LY01430


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Insted France a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1802011 du 5 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2021 et un mémoire, enregistré le 28 octobre 2021, l'EURL Inste

d France, représentée par Me Daly, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de pron...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Insted France a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1802011 du 5 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2021 et un mémoire, enregistré le 28 octobre 2021, l'EURL Insted France, représentée par Me Daly, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les prestations d'enseignement et d'hébergement qu'elle propose à ses clients dans le cadre de séjours linguistiques constituent des prestations qui relèvent, en application de l'article 306 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et du e de l'article 266-1 du code général des impôts, du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, de sorte que les rappels de taxe mis à sa charge reposent sur une base légale erronée ;

- les prestations relatives à la formation professionnelle continue, qui sont identifiées dans sa comptabilité, doivent être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL Insted France ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a été enregistré le 7 décembre 2022 et n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Insted France, dont la société de droit suédois AB Insted institute of foreign education est l'unique associée, a pour objet l'enseignement des langues vivantes ainsi que l'organisation d'échanges et de séjours linguistiques. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2014, l'administration a remis en cause l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée, d'une part, aux prestations d'enseignement de langues vivantes réalisées pour le compte de la société AB Insted institute of foreign education dans la mesure où cette société n'a pas fourni son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en Suède et, d'autre part, aux prestations de formation professionnelle continue en raison de l'absence de comptabilisation distincte de ces recettes. L'EURL Insted France relève appel du jugement du 5 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés de ce fait.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 306 de la directive du 28 novembre 2006 : " Les Etats membres appliquent un régime particulier de la taxe sur la valeur ajoutée aux opérations des agences de voyages conformément au présent chapitre, dans la mesure où ces agences agissent en leur nom propre à l'égard du voyageur et lorsqu'elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d'autres assujettis. Le présent régime particulier n'est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d'intermédiaire et auxquelles s'applique, pour calculer la base d'imposition, l'article 79, premier alinéa, point c) ". Aux termes de l'article 307 de cette même directive : " Les opérations effectuées, dans les conditions prévues à l'article 306, par l'agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique de l'agence de voyages au voyageur. / La prestation unique est imposée dans l'État membre dans lequel l'agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services ". Aux termes de l'article 308 de cette même directive : " Pour la prestation de services unique fournie par l'agence de voyages, est considérée comme base d'imposition et comme prix hors TVA, au sens de l'article 226, point 8), la marge de l'agence de voyages, c'est-à-dire la différence entre le montant total, hors TVA, à payer par le voyageur et le coût effectif supporté par l'agence de voyages pour les livraisons de biens et les prestations de services d'autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur ". Cette disposition a été transposée au e du 1 de l'article 266 du code général des impôts, selon lequel, dans sa rédaction applicable au litige, la base d'imposition est constituée " Pour les opérations d'entremise effectuées par les agences de voyages et les organisateurs de circuits touristiques, par la différence entre le prix total payé par le client et le prix effectif facturé à l'agence ou à l'organisateur par les entrepreneurs de transports, les hôteliers, les restaurateurs, les entrepreneurs de spectacles et les autres assujettis qui exécutent matériellement les services utilisés par le client ". L'article 206 de l'annexe II au même code dispose, en outre : " (...) 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 9° Pour les biens acquis ou construits ainsi que les services acquis dont la valeur d'achat, de construction ou de livraison à soi-même est prise en compte pour l'application des dispositions du e du 1 de l'article 266 du code général des impôts ainsi que de l'article 297 A du code général des impôts ; (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le régime particulier de taxe sur la valeur ajoutée prévu pour les agences de voyages et pour les organisateurs de circuits touristiques s'applique aux opérateurs économiques qui, même s'ils ne bénéficient pas formellement de la qualité d'agent de voyages ou d'organisateur de circuits touristiques, organisent en leur nom propre une ou des prestations de services généralement attachées à la réalisation d'un voyage et qui, pour fournir ces prestations, recourent à des tiers assujettis.

4. L'EURL Insted France fait valoir, pour la première fois en appel, qu'elle fournit, en son nom propre, des prestations d'enseignement, mais également d'hébergement et de nourriture, aux élèves qu'elle reçoit en France dans le cadre de séjours linguistiques et qu'elle a recours à des prestataires extérieurs pour l'hébergement de ses clients. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier des propositions de rectification du 18 décembre 2015 et du 26 février 2016 que l'activité exercée par l'EURL Insted France au cours de la période vérifiée a uniquement consisté en l'enseignement des langues vivantes et que les séjours linguistiques dont fait état la requérante étaient organisés par la société AB Insted institute of foreign education. Au demeurant, l'EURL Insted France relève elle-même dans sa requête d'appel que les appartements dans lesquels sont logés les élèves auxquels elle dispense des enseignements sont pris en location par la société de droit suédois. Si elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, qu'elle a néanmoins exposé des dépenses d'hébergement dont le détail figure dans les factures annexées à la proposition de rectification du 26 février 2016, elle ne précise pas lesquelles de ces factures correspondraient à de telles dépenses d'hébergement, et non à des charges liées aux locaux dont elle dispose pour son activité d'enseignement. Dans ces conditions, l'EURL Insted France, qui n'a pas la qualité d'agent de voyages ou d'organisateur de circuit touristique, ne peut être regardée comme un opérateur économique organisant, en son nom propre, une prestation d'hébergement. Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne relevait pas du régime d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée prévu au e du 1 de l'article 266 du code général des impôts.

5. En second lieu, aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4. (Professions libérales et activités diverses) : 4° a. les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées dans le cadre : (...) de la formation professionnelle continue, telle qu'elle est définie par les dispositions législatives et réglementaires qui la régissent, assurée soit par des personnes morales de droit public, soit par des personnes de droit privé titulaires d'une attestation délivrée par l'autorité administrative compétente reconnaissant qu'elles remplissent les conditions fixées pour exercer leur activité dans le cadre de la formation professionnelle continue. (...) ".

6. L'EURL Insted France soutient qu'en application de ces dispositions, les prestations de formation professionnelle continue qu'elle dispense devaient être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, lorsqu'un contribuable perçoit des recettes qui, pour une part, relèvent et, pour une autre part, ne relèvent pas d'une activité commerciale au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, les secondes ne peuvent être effectivement soustraites à la taxe que si elles ont été distinctement comptabilisées. Il résulte des constatations opérées par le vérificateur, tirées l'examen de la comptabilité de l'EURL Insted France, que les prestations qu'elle réalise sont comptabilisés dans un compte 706000 " Prestations de services " pour l'ensemble de l'activité réalisée dans le cadre d'un contrat de prestations de services conclu avec la société AB Insted institute of foreign education, et, pour toutes les autres prestations, dans un compte 706900 " Formation professionnelle continue exo de TVA ". La société requérante ne conteste pas qu'au sein de ce second compte figurent, outre des prestations dispensées dans le cadre de la formation professionnelle continue, des prestations d'enseignement ne relevant pas de la formation professionnelle continue. Faute de disposer d'une comptabilisation distincte permettant d'isoler les recettes provenant, d'une part, de son activité d'enseignement dans le cadre de la formation professionnelle continue et, d'autre part, de ses autres activités d'enseignement, c'est à bon droit qu'elle a été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée à raison des recettes tirées de l'ensemble de son activité. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait bénéficier de l'exonération prévue au a. du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts.

7. Il résulte de ce qui précède que l'EURL Insted France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Insted France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Insted France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2023.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01430


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01430
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : JURISOPHIA SAVOIE - BUREAU D'ANNECY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-16;21ly01430 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award