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16/02/2023 | FRANCE | N°21LY01244

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 février 2023, 21LY01244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS La maison de Thérèse a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2014 et en 2015, et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901973 du 16 février 2021, le tr

ibunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS La maison de Thérèse a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2014 et en 2015, et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901973 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2021, SAS La maison de Thérèse, représentée par Me Grimpret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la prestation de seconde veille de nuit réalisée par la société JBF est réelle et distincte des fonctions de directeur d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;

- les dépenses qu'elle a engagées, et dont le tarif a été fixé par le prestataire, l'ont été dans l'intérêt de son exploitation ;

- si l'administration conteste le montant de la rémunération de la prestation fournie par la société JBF, elle ne saurait s'immiscer dans sa gestion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS La maison de Thérèse ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté pour la SAS La maison de Thérèse a été enregistré le 5 décembre 2022 et n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS La maison de Thérèse, qui exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à Aisey-sur-Seine (Côte-d'Or) et dont M. et Mme A... étaient les associés et M. Abord-Hugon le président, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. A l'issue de ce contrôle, l'administration a notamment refusé d'admettre en déduction de ses résultats imposables les charges comptabilisées au titre d'une prestation de veille de nuit facturées par la SAS JBF, dont les intéressés étaient les dirigeants et seuls associés, ainsi que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette prestation. Elle relève appel du jugement du 16 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 du chef de la réintégration de ces charges dans ses résultats, des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 par suite du refus de déduction de la taxe grevant ces factures et des majorations appliquées à ces rappels d'impôt.

Sur l'impôt sur les sociétés :

2. En application des dispositions de l'article 39 du code général des impôts, applicable en vertu de l'article 209 du même code pour la détermination de l'impôt sur les sociétés, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment les frais généraux de toute nature. La déduction de tels frais n'est cependant admise que s'ils constituent une charge effective, ont été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise et sont appuyés par des justifications suffisantes.

3. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

4. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

5. L'administration, ayant constaté, au cours de la vérification de comptabilité, que la SAS La maison de Thérèse avait déduit des charges afférentes à une prestation de services de " seconde veille de nuit " fournie par la SAS JBF, pour des montants de 86 040 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et de 86 796 euros au titre de l'exercice clos en 2015, les a réintégrées dans les résultats imposables de la société au motif que la réalité de la prestation fournie n'était pas établie.

6. Pour justifier de la réalité des charges déduites, la SAS La maison de Thérèse fait valoir qu'en exécution d'une prescription formulée en 2006 par le service départemental d'incendie et de secours de la Côte-d'Or tendant à ce que l'établissement se dote de moyens humains supplémentaires pour procéder à l'évacuation du bâtiment en cas d'incendie, elle a conclu, en 2014 et 2015, des conventions pour déléguer une prestation de seconde veille de nuit à la SAS JBF consistant en une astreinte quotidienne entre 21 heures et 6 heures confiée à M. et Mme A..., lesquels disposaient d'un logement au sein de l'établissement, et qu'au titre de cette astreinte, ils ont été conduits à intervenir, en urgence, à de nombreuses reprises au cours de la période vérifiée, ces interventions ne relevant pas des fonctions de directeur de l'EPHAD qu'assurait par ailleurs M. A....

7. Toutefois, le ministre relève en appel qu'aux dates de signature des conventions de prestations de services, l'activité de la SAS JBF consistait dans la vente de gazon synthétique, ce que ne contredit pas la société requérante en se bornant à produire des statuts modifiés en 2019. Si la prestation a fait l'objet de contrats conclus entre les deux sociétés, les conventions de " prestation pour une seconde veille de nuit " du 6 janvier 2014 et du 8 janvier 2015, conclues plus de huit ans après la prescription du départemental d'incendie et de secours, qui sont signées par Mme A..., en qualité de représentante de la SAS La maison de Thérèse et par son époux, en qualité de président de la SAS JBF, ne détaillent pas la nature de l'astreinte dévolue au prestataire. Il ne résulte pas de l'instruction que le logement de fonction appartenant à la SAS La maison de Thérèse occupé par les intéressés a été mis à la disposition de la SAS JBF pour les besoins d'une seconde veille de nuit. Si la SAS La maison de Thérèse soutient que l'état récapitulatif des soins apportés aux résidents en 2014 et 2015 justifie de la réalité des prestations d'astreinte effectuées par la SAS JBF, il ne résulte pas du fait que le visa de M. A... apparaît à plusieurs reprises sur ce document, qui au demeurant détaille les soins apportés tant de jour que de nuit, que l'intéressé, gérant de l'établissement, serait intervenu dans le cadre d'une seconde veille de nuit. Si la SAS La maison de Thérèse fait valoir que M. et Mme A... sont également intervenus à plusieurs reprises auprès de résidents en fin de vie ou pour pratiquer des toilettes mortuaires ou encore pour remédier à des problèmes techniques, il ne résulte pas de l'instruction que leurs interventions, à les supposer établies, se seraient déroulées dans le cadre de cette astreinte, ni même de nuit. Enfin, la circonstance que la SAS La maison de Thérèse a, en 2019, soit postérieurement à la période d'imposition en litige, engagé deux veilleurs de nuit pour assurer une seconde veille n'est pas davantage, en soi, de nature à justifier de la réalité des prestations effectuées par la SAS JBF au cours des exercices vérifiés.

8. Dans ces conditions, eu égard aux éléments et explications respectivement fournies par l'administration et par le contribuable, l'administration, qui ne s'est pas immiscée dans la gestion de la SAS La maison de Thérèse mais s'est bornée à apprécier une situation de fait dont elle a tiré les conséquences en matière d'impôt sur les sociétés, doit être regardée comme établissant que les charges en cause étaient dépourvues de contrepartie réelle. Dès lors, c'est à bon droit qu'elle a remis en cause la déduction en charges des montants comptabilisés au titre de la prestation de seconde veille de nuit.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

9. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". L'article 206 de la même annexe prévoit que : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission (...) IV. - 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants :/ 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise (...) ".

10. Lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en œuvre la procédure de rectification contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis était utilisé à plus de 90 % à des fins étrangères à l'entreprise.

11. L'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses correspondant à la prestation de seconde veille de nuit facturée par la SAS JBF. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, que les dépenses relatives aux prestations de services facturées par la SAS JBF correspondent à des services utilisés par la SAS La maison de Thérèse à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise, l'intéressée ne développant, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, aucune argumentation propre. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette prestation de service, déduite à tort.

12. Il résulte de ce qui précède que la SAS La maison de Thérèse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS La maison de Thérèse est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS La maison de Thérèse et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2023.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01244


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01244
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-16;21ly01244 ?
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