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15/02/2023 | FRANCE | N°21LY02303

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 février 2023, 21LY02303


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Capral a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a mise en demeure de régulariser sa situation administrative en obtenant l'agrément ministériel prévu à l'article R. 557-6-13 du code de l'environnement et de cesser sous 48 heures toute activité de formation en vue de délivrer les certificats de formation ou habilitations pour l'utilisation et la manipulation d'articles pyrotechniques de catégorie P2.

Par un j

ugement n° 1902203 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Capral a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a mise en demeure de régulariser sa situation administrative en obtenant l'agrément ministériel prévu à l'article R. 557-6-13 du code de l'environnement et de cesser sous 48 heures toute activité de formation en vue de délivrer les certificats de formation ou habilitations pour l'utilisation et la manipulation d'articles pyrotechniques de catégorie P2.

Par un jugement n° 1902203 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 22 novembre 2022, la SARL Capral, représentée par Me Paloux, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 15 mars 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal administratif n'a pas statué sur le moyen, soulevé par voie d'exception, tiré de l'inconventionnalité des articles R. 557-6-13 et R. 557-6-14 du code de l'environnement au regard de l'article 57 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le pôle des installations classées pour la protection de l'environnement n'était pas compétent pour instruire l'arrêté litigieux, dès lors que son activité ne relève pas de la législation relative à ces établissements ;

- les agents ayant effectué le contrôle du 19 juin 2018 n'étaient pas habilités à le faire, en méconnaissance de l'article L. 172-2 du code de l'environnement ;

- le rapport du 7 mars 2019 ne lui a pas été préalablement transmis, en méconnaissance de l'article L. 171-6 du code de l'environnement ;

- le procureur de la République n'a pas été préalablement informé de l'intervention du 19 juin 2018, en méconnaissance de l'article L. 171-5 du code de l'environnement ;

- l'arrêté méconnaît les articles R. 557-6-13 et R. 557-6-14 du code de l'environnement, son activité se limitant à dispenser des formations sans délivrer de certificats ou d'habilitations ;

- les articles R. 557-6-13 et R. 557-6-14 du code de l'environnement et l'arrêté du 1er juillet 2015, sur lesquels se fonde l'arrêté litigieux, sont contraires à l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en instaurant une entrave à la libre prestation des services.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés, qui soit sont inopérants, soit ne sont pas fondés, doivent être écartés.

Par ordonnance du 22 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 7 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 1er juillet 2015 relatif à la mise sur le marché des produits explosifs ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Capral relève appel du jugement du 18 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 15 mars 2019 la mettant en demeure de régulariser sa situation administrative, en obtenant l'agrément ministériel prévu par l'article R. 557-6-13 du code de l'environnement, et de cesser, sous 48 heures, toute activité de formation en vue de délivrer les certificats de formation ou habilitations pour l'utilisation et la manipulation d'articles pyrotechniques de catégorie P2.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges ont, aux points 21 et 22 du jugement attaqué, écarté comme inopérant le moyen, soulevé par voie d'exception par la SARL Capral dans son mémoire en réplique, tiré de l'inconventionnalité des articles R. 557-6-13 et R. 557-6-14 du code de l'environnement en ce qu'ils instaureraient une entrave à la libre prestation de service contraire aux articles 56 et 57 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il ne ressort pas de ses écritures de première instance que ce moyen différait de celui intitulé " défaut de base légale et violation de la libre prestation de service dans l'Union européenne ", soulevé dans son précédent mémoire. Par suite, et contrairement à ce que prétend la SARL Capral, le jugement attaqué ne souffre d'aucune omission à statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 557-46 du code de l'environnement : " Les agents mentionnés à l'article L. 172-1 ainsi que les agents des douanes et de l'autorité administrative compétente sont habilités à procéder aux contrôles nécessaires en vue de vérifier le respect des exigences du présent chapitre et des textes pris pour son application ". L'article L. 172-1 de ce code dispose que : " (...) sont habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application (...) les fonctionnaires et agents publics affectés dans les services de l'Etat chargés de la mise en œuvre de ces dispositions (...). Ces agents reçoivent l'appellation d'inspecteurs de l'environnement. II. - Pour exercer les missions prévues au I, les inspecteurs de l'environnement reçoivent des attributions réparties en deux catégories : 1° Les attributions relatives à l'eau et à la nature (...) ; 2° Les attributions relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement qui leur donnent compétence pour rechercher et constater les infractions prévues par les titres II, VI et VII du présent livre, le livre II et les titres Ier, II, III, IV, V et VII du livre V du présent code et les textes pris pour leur application (...) ". La réglementation relative aux produits explosifs, dont font partie les articles pyrotechniques, relève du chapitre VII du titre V du livre V du code de l'environnement.

4. La société Capral ne conteste pas que les agents intervenus dans le cadre du contrôle étaient des inspecteurs de l'environnement habilités dans la catégorie " installations classées pour la protection de l'environnement ". Il résulte des dispositions rappelées ci-dessus que cette habilitation leur conférait compétence pour procéder aux contrôles nécessaires en vue de vérifier le respect des exigences du chapitre VII du titre V du livre V du code de l'environnement dont relève la réglementation relative aux produits pyrotechniques. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence et du défaut d'habilitation des agents en charge de l'instruction de la décision litigieuse doivent, en tout état de cause, être écartés.

5. En deuxième lieu, par la décision litigieuse, le préfet de la Haute-Savoie s'est borné, au terme d'un contrôle administratif, à adopter une mesure administrative, sur le fondement de l'article L. 171-7 du code de l'environnement. Aucun pouvoir de police judiciaire n'ayant ainsi été mis en œuvre, la SARL Capral ne saurait utilement se prévaloir de l'article L. 172-5 du code de l'environnement relatif aux opérations de recherche et de constatation d'infractions dans l'exercice de pouvoirs de police judiciaire.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 514-5 du code de l'environnement : " L'exploitant est informé par l'inspecteur des installations classées des suites du contrôle. L'inspecteur des installations classées transmet son rapport de contrôle au préfet et en fait copie simultanément à l'exploitant. Celui-ci peut faire part au préfet de ses observations ".

7. Il résulte de l'instruction que la note de l'inspecteur de l'environnement datée du 7 mars 2019 n'a été rédigée qu'en réponse aux observations formulées pour la SARL Capral sur le rapport d'inspection du 14 août 2018 établi au terme du contrôle mené le 19 juin 2018. Ne faisant pas elle-même suite à un nouveau contrôle, cette note ne constitue pas un rapport de contrôle au sens des dispositions précitées. Par suite, et alors même que cette note a été qualifiée de " rapport ", notamment dans les visas de la décision litigieuse, le préfet n'était dès lors nullement tenu de la communiquer préalablement à la société intéressée. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit ainsi être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes du II de l'article R. 557-6-13 du code de l'environnement : " Sans préjudice des autres réglementations applicables concernant la formation relative à la mise en œuvre des produits explosifs, ne sont autorisées à manipuler ou utiliser les articles pyrotechniques des catégories (...) P2 (...) que les personnes physiques titulaires d'un certificat de formation ou d'une habilitation délivrés par un organisme agréé par le ministre chargé de la sécurité industrielle (...) ". L'article R. 557-6-14 du même code dispose que : " I. - L'organisme qui souhaite être agréé pour délivrer les certificats de formation et habilitations mentionnés au II de l'article R. 557-6-13 soumet une demande au ministre chargé de la sécurité industrielle. Pour être agréé, l'organisme doit respecter des critères relatifs à son organisation et ses compétences. Ces critères ainsi que le contenu du dossier de demande sont définis par arrêté du même ministre. L'agrément est délivré pour une période d'au plus cinq ans renouvelable, après examen du dossier par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, sur la base d'un cahier des charges validé par le ministre chargé de la sécurité industrielle. II. (...) Les organismes agréés dans les conditions prévues par toute autre réglementation relative à l'acquisition, la détention, la manipulation ou l'utilisation d'articles pyrotechniques des catégories (...) P2 (...), pour délivrer le certificat de formation prévu au I, sont également agréés au titre du présent article (...) ". En application de ces dispositions, l'arrêté de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 1er juillet 2015 relatif à la mise sur le marché des produits explosifs prévoit, en son article 10, que l'organisme souhaitant être agréé dépose un dossier qui tient lieu de demande auprès du ministre chargé de la sécurité industrielle et en fixe le contenu. Enfin, le cahier des charges mentionné à l'article R. 557-6-14 du code de l'environnement a été approuvé par décision de la ministre en charge de l'écologie du 31 juillet 2015.

9. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, eu égard à l'objet des formations ainsi visées et aux moyens qu'elles supposent, notamment pour en assurer la sécurité, que seuls les organismes agréés pour délivrer les certificats de formation et habilitations visés à l'article R. 557-6-14 du code de l'environnement peuvent dispenser les formations aboutissant à la délivrance de ces certificats et habilitations. Ainsi, et contrairement à ce que prétend la société Capral, la seule circonstance qu'elle ne délivre pas elle-même de certificats de formation ou d'habilitations au terme des formations qu'elle assure ne saurait la dispenser d'être elle-même préalablement agréée. Il est constant qu'elle n'est pas elle-même titulaire d'un tel agrément. Par suite, nonobstant le contrat qu'elle avait conclu avec une société agréée par les autorités allemandes, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse méconnaît les articles R. 557-6-13 et R. 557-6-14 du code de l'environnement.

10. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation (...) ". Selon l'article 57 de ce traité : " Au sens des traités, sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes (...) ".

11. Pour contester la décision litigieuse, la SARL Capral soutient que les dispositions réglementaires du code de l'environnement constituent une entrave contraire à la libre prestation de service garantie par les stipulations précitées, en exigeant que le prestataire soit titulaire d'un agrément délivré par les autorités françaises, sans reconnaître l'équivalence d'agréments délivrés par les autorités des autres Etats membres. Toutefois, la décision litigieuse, motivée par l'absence de tout agrément de la SARL Capral, n'est pas fondée sur la nécessité de disposer d'un agrément des autorités françaises. Dès lors, le moyen tiré de l'inconventionnalité d'une telle exigence, étranger au motif de la décision litigieuse, s'avère inopérant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Capral n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la SARL Capral.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Capral est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Capral et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2023.

La rapporteure,

Sophie CorvellecLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02303
Date de la décision : 15/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : PALOUX LOUIS-JÉRÔME

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-15;21ly02303 ?
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