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15/02/2023 | FRANCE | N°21LY01500

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 février 2023, 21LY01500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 6 janvier 2021 par laquelle le préfet de la Savoie a décidé de sa remise aux autorités italiennes et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2100744 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de L

yon a annulé la décision du 6 janvier 2021 et a enjoint au préfet de la Savoie de transmettre le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 6 janvier 2021 par laquelle le préfet de la Savoie a décidé de sa remise aux autorités italiennes et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2100744 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 6 janvier 2021 et a enjoint au préfet de la Savoie de transmettre le dossier de M. A... B... au préfet territorialement compétent pour que ce dernier procède au réexamen de la situation de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 mai 2021, le préfet de la Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement du 29 avril 2021 du tribunal administratif de Lyon.

Il soutient :

- qu'il n'a commis aucune erreur de droit en décidant de la remise aux autorités italiennes et de l'interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an ;

- que M. A... B... n'a pas apporté la preuve durant la procédure de retenue administrative qu'il bénéficiait d'une indemnité au titre d'une incapacité permanente de 30 % ;

- que M. A... B... n'a jamais sollicité en France la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-9 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que lors de son interpellation, il n'a manifesté aucune intention de solliciter un titre de séjour, alors qu'il séjourne sur le territoire français depuis 2016 ;

- que si les preuves apportées par l'intéressé pouvaient lui permettre l'obtention d'un titre de séjour, il devait en effectuer la demande ;

- que condamner ses services au paiement de la somme de 1 000 euros apparait disproportionné, dès lors qu'il n'avait connaissance ni du taux d'incapacité, ni de la délivrance d'une rente à la date de l'interpellation de l'intéressé ;

- que M. A... B... n'établit pas disposer d'une vie privée et familiale en France où il travaille sans autorisation, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches au Maroc où résident ses cinq sœurs, son enfant et sa concubine ou en Italie, où il se trouve en situation régulière ;

- qu'il est connu défavorablement des services de police dès lors qu'il a été signalé le 30 septembre 2014 pour détention de produits stupéfiants, puis le 26 mars 2018, pour usage illicite de stupéfiants ;

- qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en faisant interdiction à M. A... B... de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an, alors que la loi lui permet de fixer cette durée à trois années.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 juin 2021, M. A... B..., représenté par Me Lefevre-Duval demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision du 6 janvier 2021 par laquelle le préfet de la Savoie a décidé de sa remise aux autorités italiennes et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A... B... fait valoir que les moyens présentés par le préfet de la Savoie ne sont pas fondés.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 2 septembre 1983, a séjourné sur le territoire français, après avoir été admis à séjourner en Italie, où il a bénéficié de titres de séjour. Par une décision du 6 janvier 2021, le préfet de la Savoie a décidé de sa remise aux autorités italiennes et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet de la Savoie relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 avril 2021 qui a annulé la décision du 6 janvier 2021 et lui a enjoint de transmettre le dossier de M. A... B... au préfet territorialement compétent pour que ce dernier procède au réexamen de la situation de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il résulte des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que " I. - Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. / II. - L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision de remise prise en application du premier alinéa du I à l'encontre d'un étranger titulaire d'un titre de séjour dans un autre Etat membre de l'Union européenne d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. (...) Le prononcé et la durée de l'interdiction de circulation sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Les dispositions du 9° de l'article L. 313-11 du même code prévoient toutefois que " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 9° A l'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; ".

3. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. A... B... a été interpellé en gare de Chambéry le 6 janvier 2021 par les services de la police et qu'à l'issue de son audition par un officier de police judiciaire, le préfet de la Savoie a décidé de sa remise aux autorités italiennes, pays dans lequel M. A... B... bénéfice d'un titre de séjour et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, que M. A... B..., qui a été victime d'un accident du travail en France le 3 août 2016, bénéficie, au titre du caractère professionnel de cet accident, d'une rente servie par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, au taux d'incapacité permanente de 30 %, depuis le 25 juin 2019. Toutefois, pour critiquer le moyen tiré de l'erreur de droit retenu par le tribunal administratif de Lyon, le préfet de la Savoie ne peut utilement soutenir que M. A... B... n'a pas apporté la preuve durant la procédure de retenue administrative qu'il bénéficiait d'une indemnité au titre d'une incapacité permanente de 30 % ou que ce dernier n'a jamais sollicité en France la délivrance du titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-9 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que lors de son interpellation, il n'a manifesté aucune intention de solliciter un titre de séjour alors qu'il séjourne sur le territoire français depuis 2016. De même, la triple circonstance, que M. A... B... n'établisse pas disposer d'une vie privée et familiale en France, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches au Maroc où résident ses cinq sœurs, son enfant et sa concubine ou en Italie où il se trouve en situation régulière, ou encore qu'il serait connu défavorablement des services de police dès lors qu'il a été signalé le 30 septembre 2014 pour détention de produits stupéfiants puis le 26 mars 2018 pour usage illicite de stupéfiants, reste sans incidence sur la solution du litige. Dans ces conditions, eu égard à la circonstance que la matérialité de l'accident de travail dont a été victime l'intéressé et la réalité des séquelles en résultant ne sont pas contestées par le préfet de la Savoie, M. A... B... doit être regardé comme étant admissible en France, de plein droit au titre des dispositions précitées du 9° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont décidé d'une part, que le préfet de la Savoie avait commis une erreur de droit en décidant la remise aux autorités italiennes de M. A... B..., d'autre part, d'annuler cette décision, ainsi que par voie de conséquence, la décision lui faisant interdiction de circuler sur le territoire français, prise en application de la décision de remise. La seule circonstance, que le préfet de la Savoie n'avait connaissance ni du taux d'incapacité, ni de la délivrance d'une rente à la date de l'interpellation de l'intéressé, n'est pas de nature à établir que la somme de 1 000 euros mise à la charge de l'Etat, en application l'article L. 761-1 du code de justice administrative, serait disproportionnée.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 6 janvier 2021 et lui a enjoint de transmettre le dossier de M. A... B... au préfet territorialement compétent pour que ce dernier procède au réexamen de la situation de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

5. M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Me Lefevre-Duval, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Savoie est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Lefevre-Duval une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que cette dernière renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2023.

Le rapporteur,

Gilles Fédi

Le président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01500
Date de la décision : 15/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

15-05-045-03 Communautés européennes et Union européenne. - Règles applicables.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : LEFEVRE-DUVAL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-15;21ly01500 ?
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