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15/02/2023 | FRANCE | N°20LY01495

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 février 2023, 20LY01495


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 21 septembre 2018 par laquelle le président du conseil d'administration du Service départemental-métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) a rejeté sa demande tendant à l'application pour l'avenir de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;

2°) de condamner le SDMIS à lui verser une somme égale au traitement correspondant aux 19 089 heures de gardes ou astreintes effectuées en sa qualité de sap

eur-pompier volontaire pendant les années 2014 à 2017 déduction faite des indemnités pe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 21 septembre 2018 par laquelle le président du conseil d'administration du Service départemental-métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) a rejeté sa demande tendant à l'application pour l'avenir de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;

2°) de condamner le SDMIS à lui verser une somme égale au traitement correspondant aux 19 089 heures de gardes ou astreintes effectuées en sa qualité de sapeur-pompier volontaire pendant les années 2014 à 2017 déduction faite des indemnités perçues à ce titre, assortie des intérêts capitalisés ou, à titre subsidiaire, à lui verser une indemnité représentative de cette perte de rémunération assortie des intérêts capitalisés ;

3°) de condamner le SDMIS à l'indemniser des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'organisation de son travail, représentant 20 % des sommes allouées au principal et assortie des intérêts capitalisés ;

4°) de mettre à la charge du SDMIS la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1808159 du 27 février 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mai 2020 et 30 janvier 2022, M. B... représenté par Me Arnould, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures:

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 février 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 21 septembre 2018 par laquelle le président du conseil d'administration du Service départemental-métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'application pour l'avenir de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, d'autre part, au versement d'une indemnité en réparation des préjudices causés par la non application de cette directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 et enfin au versement d'un différentiel de rémunération ou, subsidiairement, d'une indemnité représentative de cette perte de rémunération ;

3°) d'enjoindre au SDMIS, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'édicter toutes mesures de nature à assurer la mise en application de cette directive ;

4°) de condamner le SDMIS à lui verser une somme de 165 000 euros en réparation des préjudices résultant du non-respect des règles de la directive 2003/88 et notamment du dépassement de la durée moyenne hebdomadaire du travail qu'elle fixe, outre intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable et capitalisation desdits intérêts ;

5°) de condamner le SDMIS à lui verser le traitement correspondant aux 19 089 heures de gardes ou astreintes effectuées en sa qualité de sapeur-pompier volontaire pendant les années 2014 à 2017 déduction faite des indemnités perçues à ce titre, assortie des intérêts capitalisés ;

6°) à titre subsidiaire, de condamner le SDMIS à lui verser une indemnité représentative de cette perte de rémunération, outre intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable et capitalisation desdits intérêts, et à ce qu'il soit enjoint au SDMIS de procéder à la liquidation et au versement de ladite somme ;

7°) de mettre à la charge du SDMIS une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur la partie des conclusions de la requête concernant la demande tendant à l'application pour l'avenir des dispositions de la directive 2003/88/CE ;

- les règles d'organisation du travail résultant de la directive 2003/88/CE lui sont applicables, dès lors qu'il est travailleur au sens du droit européen ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que l'article 22 de la directive permettait de le regarder comme ayant consenti, par son engagement comme sapeur-pompier volontaire, à d'autres dépassements que celui de la durée maximale hebdomadaire du travail ;

- il existe une inégalité entre les sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, dès lors qu'il doit être regardé comme un travailleur, d'une manière générale et que le principe d'égalité de traitement avec les sapeurs-pompiers professionnels a été méconnu, les deux catégories de sapeurs-pompiers exerçant des fonctions qui correspondent à des besoins permanents.

Par deux mémoires enregistrés les 23 décembre 2021 et 13 janvier 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le service départemental-métropolitain d'incendie et de secours du département du Rhône et de la Métropole de Lyon (SDMIS) représenté par Me Prouvez, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le SDMIS fait valoir que les conclusions indemnitaires ne sont pas recevables, faute d'être chiffrées et que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Par deux mémoires enregistrés le 28 mai 2020 et 30 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Arnould, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1808159 du 27 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a décidé qu'il n'y a pas lieu de transmettre sa question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des articles L. 723-5, L. 723-8 et L. 723-9 du code de la sécurité intérieure aux droits et libertés garantis par la Constitution ;

2°) de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des articles L. 723-5, L. 723-8 et L. 723-9 du code de la sécurité intérieure aux droits et libertés garantis par la Constitution.

M. B... soutient que :

- les dispositions législatives en cause portent atteinte au principe d'égalité devant la loi, à savoir le principe d'égal accès à l'emploi public et le principe d'égalité devant les charges publiques ;

- elles méconnaissent le droit à la protection sociale découlant du Préambule de la Constitution de 1946 ;

- elles violent l'article 88-1 de la Constitution.

Par un mémoire enregistré le 23 décembre 2021, le SDMIS conclut au rejet des conclusions tendant à la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Il soutient que les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.

Par ordonnance du 29 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le décret n° 2009-1208 du 9 octobre 2009 relatif au recrutement de sapeurs-pompiers volontaires par contrat ;

- le décret n° 2012-492 du 16 avril 2012 relatif aux indemnités des sapeurs-pompiers volontaires ;

- le décret n° 2013-412 relatif aux sapeurs-pompiers volontaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Tardieu, représentant M. B... et celles de Me Prouvez, représentant le SDMIS.

Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 26 janvier 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Exerçant les fonctions de sapeur-pompier volontaire au service départemental-métropolitain d'incendie et de secours du département du Rhône et de la Métropole de Lyon (SDMIS), M. A... B..., a le 24 juillet 2018, adressé au directeur de cet établissement une demande tendant d'une part, et selon ses termes, à " l'application pendant tous ses temps de travail à venir au SDMIS " des dispositions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 relatives à la santé et la sécurité des travailleurs, d'autre part, au paiement ou à l'indemnisation, sur la base de la rémunération des sapeurs-pompiers professionnels, des heures de travail qu'il a effectuées au cours des années 2014 à 2017 et des congés afférents, ainsi qu'au versement d'une indemnité complémentaire, correspondant à 20 % du montant qui lui serait ainsi dû, en réparation du préjudice de santé résultant, selon lui, de la violation des règles européennes. M. B... a contesté le rejet opposé à cette demande et a demandé la condamnation du SDMIS à lui verser les sommes ainsi réclamées. Par un jugement du 27 février 2020 dont il relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. B....

Sur la régularité du jugement :

2. M. B... soutient que le tribunal administratif a omis de statuer sur la partie des conclusions de la requête concernant sa demande tendant à l'application pour l'avenir des dispositions de la directive 2003/88/CE. Toutefois, le jugement précise d'une part, que " M. B... a, le 17 mai 2018 et en se prévalant de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, adressé au directeur du conseil d'administration de cet établissement une demande tendant, d'une part et selon ses termes, à l'application pour l'avenir des dispositions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 relatives à la santé et la sécurité des travailleurs... " d'autre part, : " Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'eu égard à l'inconventionnalité du régime juridique qui lui est applicable, c'est à tort que le président du conseil d'administration du SDMIS a rejeté sa demande tendant à la modification des conditions de prise en compte et de rémunération de son activité de sapeur-pompier volontaire. " Ce faisant, et contrairement à ce qui est allégué, les premiers juges se sont effectivement prononcés sur l'ensemble des conclusions et des moyens présentés devant eux. Le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'omission à statuer sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". L'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 précité de la Constitution, dispose que : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat, (...) le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé (...) ". Enfin, aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat (...). Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat (...) Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ".

4. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la juridiction saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

5. Aux termes de l'article L. 723-5 du code de la sécurité intérieure : " L'activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres ". Aux termes de l'article L. 723-8 du même code : " (...) Ni le code du travail ni le statut de la fonction publique ne lui sont applicables, sauf dispositions législatives contraires, et notamment les articles 6-1 et 8 de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers. Les sapeurs-pompiers volontaires sont soumis aux mêmes règles d'hygiène et de sécurité que les sapeurs-pompiers professionnels ". Enfin, aux termes de l'article L. 723-9 dudit code : " L'activité de sapeur-pompier volontaire est à but non lucratif. Elle ouvre droit à des indemnités horaires ainsi qu'à des prestations sociales et de fin de service ".

6. D'une part, aux termes de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.". Aux termes de l'article 6 de cette déclaration : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Aux termes de l'article 13 de cette déclaration : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il soit dérogé à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

7. L'appelant soutient que les articles L. 723-5, L. 723-8 et L. 723-9 du code de la sécurité intérieure méconnaissent le principe d'égalité devant la loi, notamment le principe d'égal accès à l'emploi public et le principe d'égalité devant les charges publiques énoncés aux articles 1, 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, dès lors que les sapeurs-pompiers volontaires et les sapeurs-pompiers professionnels exercent les mêmes missions et les mêmes gardes, sans limite d'intervention, dans un cadre réglementaire et hiérarchique comparable et justifiant qu'un même régime juridique d'emploi, de congés et de rémunération soit mis en œuvre. Toutefois les sapeurs-pompiers professionnels et les sapeurs-pompiers volontaires sont placés dans des situations différentes, dès lors que les premiers exercent leurs missions à titre d'activité professionnelle principale et que les seconds participent au service public bénévolement et à titre accessoire. La double circonstance que les sapeurs-pompiers volontaires accomplissent leur mission avec " professionnalisme " et que l'exercice d'une activité professionnelle ne soit pas un préalable à la possibilité de servir comme sapeur-pompier volontaire reste sans incidence sur cette différence de situation. En traitant différemment ces deux situations, le législateur n'a pas, au regard de l'objet de la législation en cause, qui vise à répondre aux contraintes de continuité propres aux missions des services d'incendie et de secours et à la diversité des situations dans lesquelles ceux-ci sont amenés à intervenir, porté atteinte au principe d'égalité devant la loi ou fait peser sur les sapeurs-pompiers volontaires des sujétions méconnaissant le principe d'égalité devant les charges publiques. Par suite, la question de la conformité des dispositions en litige au principe d'égalité ne présente pas un caractère sérieux.

8. D'autre part, aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : " [La Nation] garantit à tous (...) la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ".

9. Il est soutenu que le régime du volontariat résultant du code de la sécurité intérieure ne prévoit aucun droit à l'assurance maladie, ni à l'assurance vieillesse, alors que les sapeurs-pompiers volontaires répondent pourtant à la qualification de travailleurs. L'appelant fait valoir également d'une part, que la protection ne concerne que les accidents ou les maladies contractées en service et repose sur le régime d'assurance de l'activité principale de l'agent d'autre part, que s'agissant de l'assurance vieillesse, l'allocation de vétérance et la prestation de fidélisation et de reconnaissance, ne sont versées que si le sapeur-pompier volontaire justifie d'au moins de vingt années d'engagement. Toutefois les dispositions en litige, qui indiquent que l'activité de sapeur-pompier volontaire ouvre droit à des indemnités ainsi qu'à des prestations sociales et de fin de service, n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de priver de garanties légales les exigences découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Par suite, la question de la conformité des dispositions législatives en cause au regard de ces exigences ne présente pas de caractère sérieux.

10. Enfin, aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : " La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ".

11. Si l'appelant soutient que les dispositions de l'article 88-1 de la Constitution ont été méconnues, dès lors qu'en définissant un régime de volontariat non rémunéré pour les sapeurs-pompiers volontaires, le législateur leur refuse la qualité de travailleur en contradiction avec la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, toutefois, et alors même que l'exigence constitutionnelle de transposition des directives ne figure pas au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit, au sens de l'article 61-1 de la Constitution, l'intéressé doit être regardé comme invoquant une question de conventionnalité de la loi et non de conformité de celle-ci à une règle ou un principe à valeur constitutionnelle. Par suite, la question de la conformité des dispositions en litige à l'article 88-1 de la Constitution ne présente pas un caractère sérieux.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, qui n'ont pas méconnu l'étendue de leur office, ont refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre les articles L. 723-5, L. 723-8 et L. 723-9 du code de la sécurité intérieure.

En ce qui concerne la demande de l'agent :

S'agissant de l'application de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 :

13. Aux termes de l'article 2 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Aux fins de la présente directive, on entend par : / 1. " temps de travail " : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ; / 2. " période de repos " : toute période qui n'est pas du temps de travail (...)". Aux termes de l'article 6 de la même directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : / (...) b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires ".

14. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 22 la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Un État membre a la faculté de ne pas appliquer l'article 6 tout en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et à condition qu'il assure, par les mesures nécessaires prises à cet effet, que : a) aucun employeur ne demande à un travailleur de travailler plus de quarante-huit heures au cours d'une période de sept jours (...), à moins qu'il ait obtenu l'accord du travailleur pour effectuer un tel travail (...) ".

15. Doit être considérée comme " travailleur " toute personne qui exerce, dans le cadre d'une relation de travail, des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. Une relation de travail se caractérise également par l'accomplissement par une personne pendant un certain temps, en faveur d'une autre personne et sous la direction de celle-ci, de prestations en contrepartie desquelles elle perçoit une rémunération.

16. M. B... soutient que les règles d'organisation du travail résultant de la directive 2003/88/CE lui sont applicables, dès lors qu'en sa qualité de sapeur-pompier volontaire, il doit être regardé comme un " travailleur " au sens du droit européen et qu'il devrait à ce titre bénéficier, comme les sapeurs-pompiers professionnels, d'une rémunération et d'un encadrement de son temps de travail. Il demande également à être indemnisé des troubles dans les conditions d'existence qu'il estime avoir subis entre 2014 et 2017, dès lors que le dépassement de la durée maximale de travail prévue par les dispositions de la directive 2003/88/CE est susceptible de porter atteinte à sa sécurité et à sa santé en ce qu'il le prive du repos auquel il a droit et de lui causer de ce fait un préjudice.

17. En premier lieu, comme le rappelle la CJUE aux points 49 et 50 de sa décision C-518/15, la directive 2003/88/CE ne règle pas la question de la rémunération des travailleurs, cet aspect échappant à la compétence de l'Union, de sorte que les Etats membres ne sont pas contraints de fixer la rémunération des travailleurs en fonction de la définition des notions de " temps de travail " et de " période de repos " figurant à l'article 2 de cette directive. Par suite, M. B... ne saurait utilement se prévaloir de cette directive pour demander à être rémunéré à raison de son temps de travail en qualité de sapeur-pompier volontaire.

18. En deuxième lieu, M. B... est devenu sapeur-pompier volontaire à la suite d'un engagement librement et volontairement souscrit pour l'exercice d'une activité accessoire, dont les modalités sont organisées selon ses propres disponibilités, et après avoir signé une charte d'engagement lui rappelant qu'il lui appartient de maintenir un équilibre entre ses activités professionnelles, personnelles et sociales et son engagement de sapeur-pompier volontaire. Il ne démontre pas que cet engagement se traduirait à lui seul par un dépassement des plafonds horaires de travail définis par les dispositions de la directive en cause, et ne saurait utilement invoquer le cumul des heures de travail effectuées dans le cadre de son activité principale et dans celui de son activité au service du SDMIS. Par suite, il ne saurait revendiquer ni le bénéfice du temps de travail applicable aux sapeurs-pompiers professionnels, ni une quelconque indemnisation à raison des préjudices qu'il indique avoir subis du fait des heures effectuées en qualité de sapeur-pompiers volontaire.

19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le SDMIS a rejeté sa demande d'indemnisation à raison du non-respect, au titre des années 2014 à 2017, de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 et celle tendant à l'application, pour les temps de travail à venir, de ladite directive.

S'agissant de la demande d'indemnisation du différentiel de rémunération fondée sur la méconnaissance du principe d'égalité de traitement :

20. Les sapeurs-pompiers volontaires, qui interviennent, ainsi qu'il a été précédemment indiqué, dans un cadre volontaire et bénévole, ne se trouvent pas, au regard des sujétions qui résultent des conditions d'exercice de leurs fonctions, notamment en ce qui concerne leur engagement, dans une situation identique, même s'ils sont susceptibles d'être appelés pour des missions analogues, aux sapeurs-pompiers professionnels, lesquels occupent à titre professionnel un emploi permanent de sapeur-pompier et relèvent du statut de la fonction publique territoriale, se traduisant notamment par le principe du recrutement par concours, un emploi du temps imposé ou encore le droit de percevoir un traitement. La différence entre les régimes d'emploi, de congés et de rémunération de ces deux catégories de sapeurs-pompiers est fondée sur un critère objectif en rapport avec cette différence de situation et les buts poursuivis. Par suite, les moyens tirés d'une part, de la violation du principe de non-discrimination résultant des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'autre part, de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement, ne peuvent qu'être écartés.

21. Il résulte du point précédent que les conclusions pécuniaires , ainsi que celles, présentées à titre subsidiaire, tendant à condamner le SDMIS à verser à M. B... une indemnité correspondant au différentiel de rémunération entre sapeurs-pompiers volontaires et sapeurs-pompiers professionnels et représentative de cette perte de rémunération, avec intérêts au taux légal et capitalisation desdits intérêts, et à ce qu'il soit enjoint au SDMIS de procéder à la liquidation et au versement de ladite somme, doivent être rejetées.

22. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDMIS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 000 euros à verser au SDMIS, au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera au SDMIS une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service départemental-métropolitain d'incendie et de secours du département du Rhône et de la Métropole de Lyon.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2023.

Le rapporteur,

Gilles FédiLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY01495


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Services publics locaux - Dispositions particulières - Services d'incendie et secours.

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : ARNOULD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 15/02/2023
Date de l'import : 19/02/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY01495
Numéro NOR : CETATEXT000047189352 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-15;20ly01495 ?
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