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14/02/2023 | FRANCE | N°22LY00198

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 14 février 2023, 22LY00198


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée à défaut de se conformer à cette obligation.

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Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2022, Mme A... B..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée à défaut de se conformer à cette obligation.

Par un jugement n° 2102283 du 20 décembre 2021, le magistrat délégué par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2022, Mme A... B..., représentée par Me Bourg, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai de trente jours, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de trente jours et de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- à titre principal, le jugement est irrégulier en ce qu'il a été rendu par un juge unique alors que seule la formation collégiale du tribunal était compétente s'agissant des conclusions d'annulation de la décision de refus d'admission au séjour ; il méconnaît également le principe du contradictoire ;

- le refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; les certificats médicaux circonstanciés produits démontrent que l'absence de soins peut avoir des conséquences très graves et que sa pathologie est liée à un syndrome post-traumatique survenu suite à des agressions subies dans son pays d'origine et liées à son engagement politique ;

- l'obligation de quitter le territoire français sera annulée en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire et cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 22 novembre 2022 la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2022

Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., épouse B..., ressortissante congolaise née à Brazzaville le 13 août 1985, est entrée régulièrement sur le territoire français le 11 juillet 2018 sous couvert d'un visa de court séjour. Suite au rejet définitif de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 2 janvier 2020, elle a déposé une demande de titre de séjour, le 23 janvier 2020, en raison de son état de santé. Par des décisions du 19 juillet 2021, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Elle relève appel du jugement n° 2102283 du 20 décembre 2021, par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : /(...) /3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ;4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; /(...) ". Aux termes de l'article L. 614-5 du même code : "Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision./(...)/Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine./(...)/L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, (...). Lorsque l'étranger conteste une décision portant obligation de quitter le territoire fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations. ".

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une décision relative au séjour est intervenue concomitamment et a fait l'objet d'une contestation à l'occasion d'un recours dirigé contre une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1, cette contestation suit le régime contentieux applicable à l'obligation de quitter le territoire, alors même qu'elle a pu être prise également sur le fondement du 3° du cet article. Dès lors, les dispositions de l'article L. 614-5 ainsi, notamment, que celles de l'article R. 776-26 du code de justice administrative sont applicables à l'ensemble des conclusions présentées devant le juge administratif dans le cadre de ce litige, y compris celles tendant à l'annulation de la décision relative au séjour.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français opposée à Mme B... a été prise sur le fondement des dispositions précitées des 3° et 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le magistrat désigné du tribunal était par suite compétent pour se prononcer sur l'ensemble des conclusions présentées, y compris celle tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, en suivant le régime contentieux applicable à cette procédure. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée ou son conseil aurait sollicité, auprès du magistrat désigné, un report d'audience afin de produire différentes pièces, notamment médicales. Il en résulte que Mme B... n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 19 juillet 2021 :

En ce qui concerne le refus de séjour :

5. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de l'arrêté en litige : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) / (...)".

6. En premier lieu, le préfet du Puy-de-Dôme a pu légalement examiner la situation de Mme B... au regard de ces dispositions, qui reprennent à droit constant les dispositions précédemment codifiées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la date de la demande de l'intéressée.

7. En second lieu et d'une part, il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, par un avis du 2 mars 2021 rendu après convocation pour examen de l'intéressée par le médecin-rapporteur, que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le préfet du Puy-de-Dôme, pour refuser de délivrer un titre de séjour à l'intéressée sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pu, après un examen de sa situation comme l'indique la décision en litige, s'approprier les termes de cet avis pour refuser de lui délivrer un titre de séjour, sans entacher sa décision d'un défaut d'examen.

8. D'autre part, Mme B... n'a pas répondu à la demande de la Cour tendant à savoir si elle entendait lever le secret médical. Les seuls certificats médicaux des 26 août et 19 novembre 2021 d'un médecin coordinateur du centre hospitalier Sainte-Marie de Clermont-Ferrand qu'elle produits se bornent à indiquer qu'elle " présente une pathologie psychiatrique sévère dont l'absence de soins peut avoir des conséquences très graves " et qu'elle " met en lien les symptômes présentés avec les sévices dont elle aurait été victime dans son pays d'origine (...) la symptomatologie psychotraumatique mise en évidence par l'examen psychiatrique est compatible avec les éléments rapportés par la patiente ", ou encore les ordonnances prescrivant un traitement médicamenteux, n'établissent pas que l'absence de traitement emporterait, pour Mme B..., des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens des dispositions précitées, ni même ne permettent d'établir un lien suffisant entre son état de santé et des sévices qu'elle ou des proches auraient subis dans son pays d'origine, d'ailleurs insuffisamment établis par les pièces produites. Les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que le préfet aurait commis une erreur de fait s'agissant des éléments médicaux concernant l'intéressée. Mme B... n'est dès lors pas fondée à soutenir que le refus de séjour en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. L'exception d'illégalité du refus de séjour dirigée contre l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée par les motifs retenus aux points 6 à 8.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée par les motifs retenus aux points 6 à 9.

11. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 724-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprend les anciennes dispositions de l'article L. 513-2 du même code : " / (...)/ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". En l'espèce, les certificats médicaux précités ou encore les témoignages, peu circonstanciés, que Mme B... produit, ne permettent pas d'établir la réalité des risques qu'elle allègue personnellement encourir en cas de retour dans son pays d'origine à raison de ses actions au sein d'un parti d'opposition. Il suit de là que Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait à des risques de traitements inhumains ou dégradants.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2021 du préfet du Puy-de-Dôme refusant de l'admettre au séjour, l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, ainsi que sa demande d'injonction. Par voie de conséquence, ses conclusions en injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. E...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY00198 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00198
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

35-01 Famille. - Institutions familiales (loi du 11 juillet 1975).


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-14;22ly00198 ?
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