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09/02/2023 | FRANCE | N°22LY01864

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 09 février 2023, 22LY01864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler le rapport d'inspection du 3 décembre 2015, la décision du 18 décembre 2015 par laquelle le proviseur du lycée ... à ...a modifié ses enseignements de l'année scolaire 2015-2016 à compter du 4 janvier 2016, et les décisions des 12 février et 18 mars 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de ... a rejeté ses recours hiérarchiques dirigés contre la décision du 18 décembre 2015 et, d'autre part, de condamner l'Éta

t à l'indemniser à hauteur de 8 000 euros, outre intérêts au taux légal et capit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler le rapport d'inspection du 3 décembre 2015, la décision du 18 décembre 2015 par laquelle le proviseur du lycée ... à ...a modifié ses enseignements de l'année scolaire 2015-2016 à compter du 4 janvier 2016, et les décisions des 12 février et 18 mars 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de ... a rejeté ses recours hiérarchiques dirigés contre la décision du 18 décembre 2015 et, d'autre part, de condamner l'État à l'indemniser à hauteur de 8 000 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation.

Par un jugement n° 1602263 du 21 mars 2018, le tribunal administratif de ... a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 18LY01882 du 30 janvier 2020, la Cour a, d'une part, annulé la décision du 18 décembre 2015 par laquelle le proviseur du lycée ... a modifié l'affectation de Mme A... ainsi que les décisions des 12 février et 18 mars 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de ... a rejeté ses recours hiérarchiques, d'autre part, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par une décisionn° 440778 du 20 juin 2022, le Conseil d'Etat a annulé les articles 1er à 3 de l'arrêt n° 18LY01882 du 30 janvier 2020 de la Cour en tant seulement que la Cour a annulé la décision du 18 décembre 2015 du proviseur du lycée ... ainsi que, par voie de conséquence, les décisions des 12 février et 18 mars 2016 de la rectrice de l'académie de ..., et en tant que la Cour a statué sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire à la Cour dans la mesure de cette annulation.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire enregistré le 23 août 2022, Mme C... A..., représentée par Me Bosquet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602263 du 21 mars 2018 du tribunal administratif de ... ;

2°) d'annuler le rapport d'inspection du 3 décembre 2015, la décision du 18 décembre 2015 par laquelle le proviseur du lycée ... à ... a modifié ses enseignements de l'année scolaire 2015-2016 à compter du 4 janvier 2016, et les décisions des 12 février et 18 mars 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de ... a rejeté ses recours hiérarchiques dirigés contre la décision du 18 décembre 2015 ;

3°) de condamner l'Etat à l'indemniser à hauteur de la somme de 32 507 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 15 février 2016 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

4°) d'enjoindre au recteur de l'académie de ... de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... soutient que :

* les décisions en litige ne sont pas des mesures d'ordre intérieur ;

* la décision du 18 décembre 2015 et les décisions prises sur recours hiérarchique ne sont pas entachées d'incompétence, ce moyen étant en conséquence abandonné ; elles méconnaissent en revanche l'intérêt du service et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; elles sont également entachées de détournement de pouvoir ;

* elle justifie d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence, pour un montant total de 8 000 euros ;

* elle a également exposé des frais d'avocat pour un montant total de 12 730 euros ;

* elle a enfin subi une perte de traitement à hauteur d'un montant total de 11 777 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2022, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse soutient que :

* les conclusions indemnitaires ont été définitivement rejetées ; au surplus, les frais de conseil sont réputés réglés en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

* pour le surplus, les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 18 novembre 2022 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* le code de l'éducation ;

* le décret n° 50-581 du 25 mai 1950 ;

* le décret n° 68-503 du 30 mai 1968 ;

* le décret n° 89-833 du 9 novembre 1989, ensemble le décret n° 2019-1001 du 27 septembre 2019 et notamment son article 29 ;

* l'arrêté du 9 août 2004 portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation aux recteurs d'académie en matière de gestion des personnels enseignants, d'éducation, d'information et d'orientation de l'enseignement du second degré ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

* les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

* les observations de Me Bosquet, représentant Mme A...,

* et les observations de M. B..., représentant le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., professeure agrégée de sciences industrielles de l'ingénieur, est devenue professeure de chaire supérieure le 1er octobre 2015. Elle avait été affectée au lycée ... à ... à compter du 1er septembre 2015 par un arrêté du 15 juin 2015 de la rectrice de l'académie de ... afin d'assurer un service d'enseignement en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE). Au vu notamment des conclusions d'un rapport d'inspection relatif aux enseignements dispensés par Mme A..., le proviseur du lycée ... a, par une décision du 18 décembre 2015, modifié le service d'enseignement assuré par l'intéressée à compter du 4 janvier 2016, en lui attribuant des enseignements de sa discipline en classe préparatoire de première année de physique et sciences de l'ingénieur (PSI) et en lui retirant certains des enseignements qu'elle assurait en classe de deuxième année de physique et sciences de l'ingénieur " étoile " (2PSI*). Cette décision a eu pour effet de réduire les heures d'enseignement accomplies par Mme A... au-delà de ses obligations statutaires et ainsi sa rémunération effective. Par un jugement du 21 mars 2018, le tribunal administratif de ... a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation du rapport d'inspection, de la décision du 18 décembre 2015 et des décisions des 12 février et 18 mars 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de ... a rejeté ses recours hiérarchiques, ainsi que ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis. Par un arrêt du 30 janvier 2020, la Cour a annulé les décisions des 18 décembre 2015, 12 février 2016 et 18 mars 2016, annulé partiellement le jugement dans cette mesure, et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La Cour a rejeté l'ensemble des autres conclusions. Par une décision du 20 juin 2022, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour en tant seulement que la Cour a annulé les décisions des 18 décembre 2015, 12 février et 18 mars 2016, et en tant qu'elle a statué sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire à la Cour dans la mesure de cette cassation.

Sur les conclusions à fin d'annulation dont l'examen a été renvoyé devant la Cour :

2. Ainsi que l'exposent les parties, les classes " 2PSI* " sont des classes préparatoires de deuxième année, destinées aux meilleurs élèves envisageant notamment les carrières de l'enseignement supérieur, de la recherche et des grands corps techniques de l'Etat. Ce sont ainsi des filières d'excellence et la classe du lycée ... de ... fait partie des meilleures au plan national. Le niveau d'exigence des enseignements y est donc particulièrement élevé.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'établissement a été alerté, dès le 13 octobre 2015, par un courrier commun des fédérations de parents d'élèves, d'un manque total de confiance des élèves dans la préparation 2PSI* assurée par Mme A.... Le 14 octobre, les deux délégués de la classe et plus d'une vingtaine d'élèves ont rédigé une pétition faisant état de leur intention de boycotter le cours, en reprochant un manque de dialogue, une absence de progression suffisante et des explications peu claires et structurées en réponse aux questions. Les associations de parents d'élèves ont également alerté le rectorat par plusieurs courriers, en faisant état de craintes sur la qualité de la préparation aux concours. Une première inspection a alors été diligentée. Les inspecteurs ont rencontré les deux délégués des élèves et un autre élève, ainsi que Mme A.... Leur rapport, daté du 12 novembre 2015, confirme la tension dans les relations avec les élèves et les parents d'élèves. Il relève la qualité scientifique de Mme A..., mais note que les élèves contestent notamment les corrections, jugées trop rapides et insuffisamment détaillées, et craignent pour la qualité de leur préparation. A ce stade, le rapport souhaite un rétablissement de la sérénité. Il prévoit toutefois qu'une inspection en situation devra être réalisée de façon rapprochée. Un nouveau courrier du 22 novembre des deux délégués de la classe et de plus d'une vingtaine d'élèves, tout en constatant quelques évolutions dans les enseignements de Mme A... à la suite de ce rapport, les estime toutefois insuffisantes et indique que la confiance ne se rétablira pas et qu'une nouvelle grève des cours pourrait être décidée. La situation ne s'apaisant pas, le chef d'établissement a sollicité la réalisation rapide d'une seconde inspection, en situation, conformément aux préconisations du rapport précité. Ce second rapport, daté du 3 décembre 2015 et réalisé par le doyen des inspecteurs généraux de l'éducation nationale de la discipline sciences et techniques industrielles, reconnaît les qualités scientifiques de Mme A... et le sérieux de sa préparation. Il relève toutefois des réponses insuffisamment détaillées aux questions et une attention insuffisante à la compréhension par les élèves, en notant que ce reproche lui a déjà été adressé de façon constante lors d'inspections antérieures. Il relève également une dominante mathématique et physique et l'absence d'empreinte des sciences de l'ingénieur. Il souligne enfin l'insuffisante attention, dans les travaux pratiques, à l'équilibre entre analyse, manipulation et réflexion. Il estime que Mme A... n'a vraisemblablement pas suffisamment appréhendé le niveau d'exigence particulièrement élevé des élèves dans la formation 2PSI* en cause, qui ne peut se réduire à une simple transmission du contenu des programmes mais requiert en outre un effort important et spécifique d'approfondissement de la compréhension. Le rapport en déduit une adaptation insuffisante de Mme A... aux particularités de cette formation, et constate une rupture totale avec les élèves et une confiance qui ne reviendra pas. Le rapport recommande en conséquence son retrait de la classe 2PSI*. Le 9 décembre, les délégués de la classe ont à nouveau demandé au proviseur d'intervenir rapidement.

4. En premier lieu, la décision en litige du 18 décembre 2015 a été prise dans ce contexte, au vu des deux rapports précités et après deux entretiens avec Mme A.... Le proviseur du lycée ... a retiré à Mme A..., à compter du 4 janvier 2016 et pour le reste de l'année scolaire 2015/2016, les 7 heures d'enseignement de la classe 2PSI* en litige, mais a maintenu les 2 heures de travaux d'initiative personnelle encadrée (TIPE) dans cette classe et lui a attribué par ailleurs 2 heures de TIPE dans une classe PSI. En adoptant cette décision, qui tire les conséquences, à la date à laquelle elle a été prise, du blocage persistant des relations avec les élèves et les parents d'élèves et vise à mettre fin à une situation préjudiciable qui compromet la bonne réalisation des enseignements ainsi que la formation des élèves pour la promotion en cause, le proviseur du lycée ..., contrairement à ce que soutient Mme A..., a modifié sa charge d'enseignement dans l'intérêt du service. Il n'a, compte tenu notamment de la situation de tension qui perdurait à la date de sa décision et affectait le bon fonctionnement de la classe, commis aucune erreur manifeste d'appréciation. Il n'a pas davantage entaché sa décision de détournement de pouvoir. Les décisions des 12 février et 18 mars 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de ... a rejeté les recours hiérarchiques de Mme A... ne méconnaissent pas davantage l'intérêt du service ni ne sont entachées de détournement de pouvoir.

5. En second lieu, la seule circonstance que le proviseur du lycée ... a demandé que la seconde inspection soit réalisée par un autre inspecteur, ce qui peut se justifier par le souci d'avoir un nouveau regard extérieur sur une situation qui était difficile, ne peut sérieusement suffire à établir un manque d'impartialité de cette inspection, qui a au contraire été confiée à un inspecteur doté d'une autorité et d'une expérience particulières, et qui bénéficiait des garanties liées au statut de ce corps d'inspection. La circonstance que ce rapport, tout en reconnaissant les qualités scientifiques de Mme A..., ait émis des réserves sur ses enseignements dans la classe 2PSI*, ne suffit pas davantage à caractériser un défaut d'impartialité, alors que l'inspection était au demeurant justifiée par les tensions répétées qui affectaient ce cours. Mme A... n'est dès lors pas fondée à soutenir que les décisions précitées auraient été prises au vu d'un rapport réalisé dans des conditions irrégulières.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la modification de son service d'enseignement serait entachée d'illégalité.

Sur les autres conclusions à fin d'annulation et les conclusions indemnitaires :

7. Ainsi que le relève à juste titre le ministre, l'arrêt de la Cour du 30 janvier 2020 n'a été cassé qu'en ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation qui viennent d'être examinées. L'affaire n'a elle-même été renvoyée devant la Cour que dans la seule mesure de cette cassation. Mme A... n'est dès lors pas recevable à reprendre ses autres conclusions principales, qui ont été définitivement réglées et n'ont pas fait l'objet d'un renvoi.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de ... a rejeté les conclusions à fin d'annulation restant en litige de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées, de même que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à Mme C... A....

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2023.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. PournyLa greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01864


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01864
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

30-02-02-02 Enseignement et recherche. - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. - Enseignement du second degré. - Personnel enseignant.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BOSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-09;22ly01864 ?
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