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02/02/2023 | FRANCE | N°22LY01076

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 02 février 2023, 22LY01076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 novembre 2021 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a pris une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois.

Par jugement n° 2109283 du 4 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 avril 2022, M. A.

.., représenté par Me Moura, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 novembre 2021 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a pris une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois.

Par jugement n° 2109283 du 4 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 avril 2022, M. A..., représenté par Me Moura, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet du Rhône ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation et retirer son inscription du système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et après remise d'une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à défaut à verser à lui-même s'il n'était pas admis à l'aide juridictionnelle totale.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu aux différentes branches du moyen relatif à l'incompétence du signataire des décisions litigieuses ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la signataire des décisions ne disposait pas d'une délégation de signature régulière, puisque l'arrêté portant délégation de signature, qui ne vise pas les obligations de quitter le territoire français, est entré en vigueur le lendemain des décisions litigieuses et que ces décisions ne mentionnent pas l'empêchement ou l'absence du préfet ;

- les décisions litigieuses sont entachées d'un vice de forme dans la mesure où la date portée sur l'arrêté a été modifiée à la main par surcharge sans indentification de l'auteur de cette modification manuscrite ;

- elles sont entachées d'un vice de procédure car il a été privé du droit d'être entendu préalablement à l'édiction du refus d'accorder un délai de départ volontaire, de l'interdiction de retour sur le territoire et de la fixation du pays de renvoi ;

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;

- le préfet qui disposait d'éléments sur son état de santé aurait dû saisir le collège des médecins de l'OFII afin de recueillir son avis et s'assurer qu'il ne relevait pas du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de délai de départ volontaire est entaché d'un défaut de motivation ;

- il est illégal du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet n'a pas fait usage de son pouvoir d'appréciation pour décider de refuser d'accorder un délai de départ volontaire ;

- le refus d'accorder un délai de départ volontaire est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet du Rhône, auquel la requête a été communiquée, n'a pas présenté d'observations.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... a été classée sans suite par décision du 25 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Duguit-Larcher, première conseillère, ayant été entendue au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant biélorusse né le 23 avril 1990, est entré en France selon ses déclarations en avril 2014. Par un arrêté du 9 octobre 2015, confirmé par un jugement du tribunal du 6 octobre 2016, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Le 15 novembre 2021, M. A... a été interpellé à la suite de la commission d'une infraction. Par arrêté du 16 novembre 2021, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois. M. A... relève appel du jugement du 4 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 16 novembre 2021 du préfet du Rhône.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de ses conclusions devant le tribunal, le requérant a soutenu que la signataire de l'arrêté était incompétent. Le tribunal, qui a visé le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté, l'a écarté au motif qu'elle disposait d'une délégation de signature à l'effet de signer les décisions litigieuses qui avait été régulièrement publiée. Ce faisant, le tribunal a répondu à la branche du moyen tiré de ce que la délégation de signature n'était pas suffisamment précise. Il n'était pas tenu de répondre à la branche du moyen, qui était inopérante, tirée de ce que la signature était dépourvue de la mention d'absence ou d'empêchement. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait omis de statuer sur les différentes branches du moyen relatif à l'incompétence du signataire des décisions litigieuses doit être écarté.

3. En second lieu, le jugement est suffisamment motivé.

Sur la légalité des décisions litigieuses :

4. En premier lieu, si la date de l'arrêté litigieux résulte d'une mention manuscrite corrigeant la date initialement dactylographiée, une telle mention n'est pas de nature à entacher, par elle-même, l'arrêté d'un vice de forme. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les décisions litigieuses, qui ont été notifiées le 16 novembre 2021, n'auraient pas été adoptées à cette date ainsi que l'indique cette mention manuscrite. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité en la forme de l'arrêté doit être écarté.

5. En deuxième lieu, les décisions attaquées ont été signées par Mme C... B..., cheffe du bureau de l'éloignement de la direction des migrations et de l'intégration, qui a reçu, par arrêté du préfet du Rhône du 15 novembre 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, délégation à l'effet de signer en cas d'absence ou d'empêchement de la directrice des migrations la totalité des actes de la direction dont elle dépend à l'exception des actes à caractère réglementaire, des circulaires, des instructions générales et des correspondances destinées aux élus. Cette délégation de signature est suffisamment précise. La circonstance que la signature de Mme B... n'ait pas été assortie d'une mention d'absence ou d'empêchement est sans incidence sur la légalité des décisions. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit être écarté.

6. En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.

7. Il ressort du procès-verbal d'audition du 15 novembre 2021 que M. A... a été mis à même de présenter ses observations sur la mise en œuvre par le préfet d'une mesure d'éloignement. S'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet l'aurait spécifiquement averti de ce qu'il était susceptible de refuser de lui accorder un délai de départ volontaire et de prendre à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, M. A..., qui a été mis en mesure de présenter tout élément relatif à sa situation personnelle, ne précise pas les éléments pertinents qu'il aurait pu faire valoir à l'encontre de ces décisions au-delà de ceux qu'il a été en mesure d'exposer.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

9. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le préfet du Rhône a pris à l'encontre de M. A... une obligation de quitter le territoire français, ce dernier l'avait informé de ce qu'il souffrait de problèmes de dos et qu'il était sous antidépresseurs. Le médecin psychiatre commis par le procureur de la République le 15 novembre 2021 avait conclu que l'intéressé présentait un trouble de la personnalité probablement de la série psychotique assorti d'un état anxio- dépressif. Toutefois aucun des éléments portés à la connaissance du préfet ne laissait penser que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû saisir le collège des médecins de l'OFII afin de recueillir son avis et s'assurer qu'il ne relevait pas du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code.

10. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'une méconnaissance des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

11. En dernier lieu, M. A... reprend en appel les moyens tirés de ce que les décisions litigieuses ne seraient pas suffisamment motivées, que l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation, que le préfet n'a pas fait usage de son pouvoir d'appréciation pour décider de refuser d'accorder un délai de départ volontaire, que le refus d'accorder un délai de départ volontaire est entaché d'erreur matérielle et d'erreur manifeste d'appréciation, que la fixation du pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'assortit ces moyens d'aucun nouveau élément pertinent. Il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, d'écarter ces moyens.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

Ph. Arbarétaz

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 22LY01076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01076
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : MOURA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-02;22ly01076 ?
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