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02/02/2023 | FRANCE | N°22LY00235

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 02 février 2023, 22LY00235


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 par lequel la préfète de la Drôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106189 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2022, M

me A..., représentée par Me Albertin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 par lequel la préfète de la Drôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106189 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Albertin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre à la préfète de la Drôme, si l'arrêté contesté est annulé pour un motif de fond, de lui délivrer un titre de séjour lui permettant d'exercer une activité salariée, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, si l'arrêté contesté est annulé pour un motif de forme, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat de l'Etat la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est intervenue en méconnaissance de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'est pas établi qu'un rapport médical ait été rédigé par le médecin instructeur conformément à l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni que ce rapport ait été établi conformément aux dispositions de l'article R. 425-12 de ce code ;

- l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2022, la préfète de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante congolaise née en 1967, est entrée en France le 3 décembre 2015. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé, valable du 13 novembre 2019 au 30 juin 2020, dont elle a sollicité le renouvellement le 3 juin 2020. Par un arrêté du 12 août 2021, la préfète de la Drôme a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Drôme a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme A... avant de refuser le renouvellement du titre de séjour qu'elle sollicitait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. (...) ".

4. Il ressort des pièces versées en première instance par la préfète de la Drôme, en particulier du bordereau de transmission des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 28 juin 2021, que le rapport médical sur l'état de santé de Mme A... prévu par l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi, le 18 juin 2021, par un médecin qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu un avis le 28 juin 2021. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 425-11 et R. 425-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

6. Pour refuser à Mme A... le renouvellement de son titre de séjour, la préfète de la Drôme s'est fondée, notamment, sur l'avis du collège de médecins de l'OFII, émis le 28 juin 2021, estimant que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque. Selon les certificats médicaux versés au dossier, Mme A... souffre de troubles psychiatriques nécessitant l'administration de plusieurs médicaments. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions précitées, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical du 31 mai 2021, qu'à la date de la décision attaquée, le traitement administré à Mme A... était composé d'un hypnotique (Zopiclone) et d'un anti-psychotique (Halopéridol). Si la requérante produit une attestation d'un laboratoire indiquant qu'il ne commercialise pas l'un de ces deux médicaments au Congo, cette circonstance ne suffit pas à établir sur ce médicament ne serait pas disponible sous d'autres dénominations commerciales dans son pays d'origine ni même que des molécules équivalentes n'y seraient pas disponibles. Mme A... n'établit pas, ni même ne soutient, que le traitement qui lui est administré ne pourrait pas être remplacé par des médicaments de substitution équivalents, disponibles dans son pays d'origine. Enfin, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de l'aggravation de son état de santé postérieure à la décision attaquée. Dès lors, le moyen tiré de ce que le refus de séjour contesté aurait été pris en méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme A..., qui est entrée en France en décembre 2015 à l'âge de quarante-huit ans, n'établit pas ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Si la requérante se prévaut de la présence en France de sa fille, née en 1984 et titulaire d'une carte de résident, elle ne justifie pas, par les seules pièces qu'elle produit, de la réalité des liens qu'elle entretient avec sa fille, laquelle avait été confiée à l'aide à l'enfance en 2001 après avoir déclaré ne plus avoir de nouvelles de ses parents depuis 1998. Mme A... n'établit pas davantage entretenir des liens particuliers avec les membres de sa famille présents en France. Enfin, alors même qu'elle a exercé ponctuellement une activité salariée en 2020 et 2021, elle ne justifie pas d'une intégration sociale et professionnelle particulière. Dans ces conditions, et compte-tenu de ce qui a été dit au point 6 quant à son état de santé, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été édictée en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 425-9 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les articles précités auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Mme A... ne satisfaisant pas, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, aux conditions posées par les dispositions de l'article L. 42-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Drôme n'était pas tenue de saisir préalablement à sa décision, la commission du titre de séjour. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure pourra être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intervention de cette décision n'ait pas été précédée de l'examen particulier de la situation de Mme A....

12. En troisième lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée, doivent être écartés.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00235


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00235
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-02;22ly00235 ?
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