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02/02/2023 | FRANCE | N°21LY02744

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 02 février 2023, 21LY02744


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102609 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 août 2021, Mme B..., représenté

e par Me Coutaz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102609 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 août 2021, Mme B..., représentée par Me Coutaz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 18 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 20 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quarante-huit heures sous astreinte définitive de 20 euros par jour de retard et, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet s'est abstenu de saisir la commission du titre de séjour.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme A... ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., ressortissante du Kosovo née le 7 août 1988, est entrée en France, accompagnée de son époux et de ses enfants, le 13 février 2011 selon ses déclarations. Le 24 février 2011, elle a sollicité le bénéfice de l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par une décision du 22 novembre 2011, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 octobre 2012. Le 22 octobre et le 21 décembre 2012, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour et un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 28 août 2014, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble le 19 décembre 2014, le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. A la suite de son interpellation par la gendarmerie nationale, le préfet de la Haute-Savoie a, par un arrêté du 8 février 2016, refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le 3 juin 2016, Mme B... a été éloignée à destination de son pays d'origine. Le 13 septembre 2016, elle est entrée à nouveau en France et a sollicité, le 7 octobre 2016, le réexamen de sa demande d'asile. Par un arrêté du 7 octobre 2016, le préfet a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile et, par un arrêté du 12 octobre 2016, l'a assignée à résidence et a prolongé d'une année l'interdiction de retour sur le territoire français prise le 8 février 2016. Le 17 avril 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 mars 2021, le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 9 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour du droit des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

3. Mme B... fait valoir la durée de sa présence et la scolarisation de ses enfants en France. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. En l'espèce, si Mme B... fait valoir qu'elle réside en France depuis plus de dix ans, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée en France pour la dernière fois le 13 septembre 2016 après avoir été éloignée à destination de son pays d'origine le 3 juin 2016 en exécution de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 8 février 2016. Par ailleurs, elle a fait l'objet le 12 octobre 2016 d'une assignation à résidence qu'elle n'a pas respectée en refusant de se soumettre à l'obligation de présentation à la direction départementale de la sécurité publique de la Haute-Savoie d'Annecy. En outre, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales au Kosovo. Rien ne s'oppose à ce que la vie familiale de Mme B... et de ses enfants mineurs se poursuive ailleurs qu'en France et notamment au Kosovo, où ses enfants pourront être scolarisés. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour de l'intéressée, la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée ne porte pas au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. "

5. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés, le préfet de la Haute-Savoie n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de son pouvoir de régularisation.

6. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, (...) l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Les décisions contestées n'impliquent pas la séparation des enfants et de leur mère, dès lors que la cellule familiale peut se reconstituer au Kosovo, pays dans lequel les enfants pourront poursuivre leur scolarité et où réside leur père. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La commission du titre de séjour est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ".

9. Aux termes de l'article L. 313-14 du même code dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. "

10. Il résulte de ce qui été dit au point 3 que Mme B... ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'exécution le 3 juin 2016 de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 8 février de la même année. Par suite, le préfet de la Haute-Savoie n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

11. Pour les mêmes motifs que ceux retenus précédemment, l'obligation faite à Mme B... de quitter le territoire français ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Elle ne méconnaît pas davantage le 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

La rapporteure,

R. A...

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02744


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02744
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-02;21ly02744 ?
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