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02/02/2023 | FRANCE | N°21LY02597

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 02 février 2023, 21LY02597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti avec son épouse au titre de l'année 2015 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901550 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2021, M. A..., représenté par la SELARL

Lexan Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti avec son épouse au titre de l'année 2015 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901550 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2021, M. A..., représenté par la SELARL Lexan Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant des impositions supplémentaires au titre de la plus-value de cession d'actions placée en report d'imposition en 2013 :

- à défaut de précision contraire dans les textes, la plus-value telle qu'elle figure dans les dispositifs de faveur dérogatoires, doit s'entendre de la plus-value imposable à l'impôt sur le revenu qui correspond toujours à la plus-value calculée après application de l'abattement pour durée de détention ;

- en 2013, la doctrine privée rapportée dans une étude du cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, étude fiscale n° 16 du 31 décembre 2012, considérait que la notion de plus-value devait s'entendre de son montant net de l'abattement ;

S'agissant des impositions supplémentaires au titre de la plus-value de cession des titres de la société RG Holding en 2015 placée en sursis d'imposition :

- les factures d'honoraires étaient toutes inhérentes à l'opération de cession des actions dès lors que l'intervention des cabinets juridiques était justifiée par l'objectif d'aboutir à une monétisation de ses droits au travers de la vente de ses titres au meilleur prix ;

- selon la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-PVMI-20-10-10-10, la plus-value nette doit s'entendre du prix net des frais et taxes acquittés par le cédant et ces frais peuvent comprendre des commissions d'intermédiaires ou des honoraires versés aux experts chargés de l'évaluation des titres lorsque ces frais sont mis à la charge du vendeur ;

- les factures d'honoraires du cabinet STAS se rattachent indissociablement à la même opération ;

S'agissant des majorations pour manquement délibéré :

- l'administration n'établit pas son intention délibérée d'éluder l'imposition ;

- l'importance des sommes en jeu est étrangère à tout critère de majoration.

Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a, d'une part, remis en cause le bénéfice du report d'imposition, prévu à l'article 150-0 D bis du code général des impôts alors en vigueur, appliqué par M. A... à la plus-value de cession de valeurs mobilières réalisée par l'intéressé en 2013 à l'occasion de la cession de titres des sociétés SAS RG Safety, SAS Cévenole de protection et SAS Fibrotec qu'il détenait, et d'autre part, rectifié le montant de la plus-value d'échange de titres, placée en sursis d'imposition jusqu'en 2015, sur le fondement de l'article 150-0 B du même code. En conséquence de ces rectifications, M. et Mme A... ont été assujettis, au titre de l'année 2015, à des compléments d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ainsi qu'aux contributions sociales. Ces impositions ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. M. A... relève appel du jugement du 30 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des pénalités afférentes.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 150-0 D bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, " I.-1. L'imposition de la plus-value retirée de la cession à titre onéreux d'actions ou de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts peut être reportée si les conditions prévues au II sont remplies. / Le report est subordonné à la condition que le contribuable en fasse la demande et déclare le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l'article 170. (...) II.- Le bénéfice du report d'imposition prévu au 1 du I est subordonné au respect des conditions suivantes : (...) 3° Le report d'imposition est, en outre, subordonné au respect des conditions suivantes : a) Le cédant prend l'engagement d'investir le produit de la cession des titres ou droits, dans un délai de vingt-quatre mois et à hauteur d'au moins 50 % du montant de la plus-value net des prélèvements sociaux, (...). II bis. - Lorsque le cédant effectue son réinvestissement conformément à l'engagement pris en application du a du 3° du II, la plus-value en report d'imposition n'est imposable qu'à hauteur du montant de la plus-value net des prélèvements sociaux qui n'a pas fait l'objet d'un réinvestissement dans les vingt-quatre mois suivant la cession. L'impôt sur la plus-value exigible dans ces conditions est accompagné de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, décompté à partir de la date à laquelle cet impôt aurait dû être acquitté. La fraction de plus-value réinvestie reste en report d'imposition. / III. - (...) Le non-respect de l'une des conditions prévues au II entraîne l'exigibilité immédiate de l'impôt sur la plus-value, sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, décompté de la date à laquelle cet impôt aurait dû être acquitté (...) ".

3. Les abattements pour durée de détention prévus à l'article 150-0 D du code général des impôts ont pour seul objet de déterminer la fraction de la plus-value soumise à l'impôt sur le revenu et demeurent sans incidence sur les modalités de mise en œuvre des dispositions de l'article 150-0 D bis du code général des impôts.

4. La cession de ses titres par M. A... en 2013 a généré une plus-value de 1 453 705 euros. Pour le calcul de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux de l'année 2013, l'intéressé a appliqué à cette plus-value un abattement pour durée de détention de 65 % sur le fondement du 1 ter de l'article 150-0 D du code général des impôts, issu de l'article 17 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, applicable aux cessions d'actions réalisées à compter du 1er janvier 2013. Il en est résulté un montant taxable, après rectification par l'administration, de 508 797 euros. Si M. A... a réinvesti, en 2015, une somme de 599 530 euros, supérieure au montant de la plus-value après abattement, dans la société Access Crédits Pro Finances, il est constant qu'en l'espèce, le réinvestissement n'a pas porté sur 50 % au moins du montant de la plus-value net des prélèvements sociaux, lequel s'établissait à 1 228 381 euros conformément au a du II de l'article 150-0 D bis du code précité. C'est dès lors par une exacte application des dispositions citées ci-dessus que l'administration a, au titre de l'année 2015, imposé la plus-value en report, à concurrence d'un montant en base, après rectification, de 508 797 euros, sans que le requérant puisse utilement invoquer, pour faire échec à l'imposition, une étude du cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre donnant une interprétation différente de ces dispositions.

5. En second lieu, aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. "

6. Il résulte de l'instruction que M. A... a apporté, en 2013, 16 310 titres détenus en pleine propriété de la société RG Safety à la société RG Holding et a reçu, en contrepartie de cet apport, 5 340 375 titres de la société RG Holding. La plus-value d'apport constatée à cette occasion, d'un montant de 1 248 481 euros, a été placée sous le régime du sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts. Le 15 octobre 2015, la société RG Holding a décidé de réduire son capital par voie de rachat de ses propres titres en vue de leur annulation et a acquis 3 773 954 actions détenues par M. A... pour un montant de 4 940 070 euros. La plus-value de cession taxable en résultant n'a été déclarée par l'intéressé que le 22 mai 2017, à l'occasion du dépôt de déclarations rectificatives pour 2015, pour un montant de 1 085 777 euros après application d'un abattement de 65 % pour durée de détention. L'administration a remis en cause le montant de cette plus-value qu'elle a fixé à 1 220 550 euros après avoir refusé la prise en compte, au titre des frais de cession, des honoraires versés par l'intéressé à l'exception d'une facture de 162 000 euros du 27 octobre 2015 émise par un cabinet d'avocats pour des honoraires relatifs à la cession des actions détenues par M. A... dans le capital de la société RG Holding.

7. Si M. A... fait valoir que la cession de ses titres est intervenue en exécution d'un protocole d'accord transactionnel mis en œuvre sur les conseils de ses avocats, conclu sous l'égide du tribunal de commerce de Lyon pour mettre fin à un conflit l'ayant opposé aux actionnaires de la société RG Holding qu'il présidait alors rendant impossible la poursuite de son mandat de dirigeant, il indique avoir mandaté des cabinets d'avocats " dont la mission consistait, par voie transactionnelle ou judiciaire le cas échéant, à parvenir (...) à la vente de ses titres (...) et au paiement de l'indemnité ". Il résulte de ses explications que la mission de ses conseils ne se limitait pas à la cession des titres mais s'inscrivait plus globalement dans une mission de défense de ses intérêts dans le cadre de la situation conflictuelle avec les actionnaires majoritaires relatif à la gestion de la société qu'il dirigeait ayant abouti à sa démission du directoire de sorte que les frais d'avocats, d'huissiers, d'avoués, d'experts indépendants, dont il se borne d'ailleurs à donner une liste récapitulative sans produire les factures correspondantes, ne peuvent être regardés comme inhérents à la cession des titres la société RG Holding.

8. M. A... n'est pas fondé à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les paragraphes 260 et 280 de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-PVMI-20-10-10 lesquels précisent que " Conformément aux dispositions du premier alinéa du 1 de l'article 150-0 D du CGI, le prix de cession est diminué du montant des frais et taxes acquittés par le cédant à l'occasion de la cession. Pour les cessions de titres effectuées hors bourse, il peut s'agir par exemple des commissions d'intermédiaires ou des honoraires versés aux experts chargés de l'évaluation des titres, lorsque, bien entendu, ces frais sont mis à la charge du vendeur " qui ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

9. Aux termes de l'article 1729 du même code : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

10. Pour justifier la majoration pour manquement délibéré appliquée, l'administration a relevé que M. A... ne pouvait ignorer les obligations liées au report d'imposition qu'il avait expressément sollicité et mentionné dans ses déclarations de revenus de l'année 2013, 2014 et 2015, que l'article 150-0 D bis du code général des impôts spécifie clairement que les plus-values réalisées en 2013 doivent faire l'objet d'un réinvestissement de 50 % au moins de la plus-value nette des contributions sociales dans les 24 mois à compter de la date de cession et qu'en cas de défaut de réinvestissement dans les délais requis, il incombe au cédant de déclarer spontanément l'expiration du report de la plus-value sur la ligne 3 SC de la déclaration n° 2042 C, ce qu'il n'a pas été fait. Si le requérant explique qu'il n'a fait que suivre les prescriptions d'un cabinet de conseil fiscal selon lequel le quantum de réinvestissement devait être déterminé à hauteur de la plus-value après abattement pour durée de détention, les dispositions de l'article 150-0 D bis sont dépourvues d'ambiguïté et sont d'ailleurs rappelées dans la notice de l'imprimé modèle n° 2074-I relatif à la déclaration des plus-values en report d'imposition qui indique que " si lors de sa réalisation, la plus-value a été réduite d'un abattement pour durée de détention, vous devez retenir le montant de la plus-value avant abattement ". S'il conteste le caractère délibéré de l'omission de déclaration en faisant valoir qu'il a spontanément rectifié sa déclaration de revenus pour 2015 avant la demande de justifications faite par le service le 16 juin 2017, cette circonstance ne fait pas obstacle au prononcé de pénalités pour manquement délibéré dès lors que ce manquement est caractérisé à la date de sa commission. Dans ces conditions, en faisant état des éléments relevés ci-dessus l'administration établit le caractère intentionnel de l'omission de déclaration justifiant l'application de la majoration pour manquement délibéré de 40 %.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2023.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02597


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02597
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Plus-values de cession de droits sociaux, boni de liquidation.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : LEXAN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-02;21ly02597 ?
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