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02/02/2023 | FRANCE | N°21LY02508

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 02 février 2023, 21LY02508


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1903152 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregist

rée le 23 juillet 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 4 janvier 2023, M. et Mme C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1903152 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 4 janvier 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Moreu, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la réduction de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont soulevé d'office le moyen tiré de ce que le respect du secret fiscal justifie la communication non intégrale de la proposition de rectification adressée à la SAS BVT et qu'ils n'ont pas été mis en mesure d'en discuter le bien-fondé de manière contradictoire ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- les propositions de rectifications sont insuffisamment motivées quant à la méthode de reconstitution appliquées aux recettes de la SAS BVT en ce qu'elle ne permettent pas de connaître les modalités de calcul du prix moyen de vente du vin retenu pour reconstituer les produits non comptabilisés avec les seuls tableaux annexés ; les tableaux annexés à la proposition de rectification adressée à la société n'étaient pas joints et ne leur ont été transmis qu'avec la communication de la proposition de rectification destinée à la société, soit après la notification de leur propre proposition de rectification et la proposition de rectification de la société qui lui a été transmise comportait des passages occultés ;

- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle ne leur a pas communiqué l'intégralité de la proposition de rectification notifiée à la SAS BVT à la suite de leur demande, les passages nécessaires à la bonne compréhension des rectifications ayant été occultés ;

- l'administration n'a pas mis en œuvre son droit de communication auprès de différents clients et fournisseurs de la SAS BVT ;

Sur le bien-fondé des impositions :

- en ce qui concerne l'établissement des factures fictives, trois des douze factures établies en 2013 l'ont été afin de permettre un retrait en espèces destiné à payer les vendangeurs ; par suite, ces sommes n'ont pas été appréhendées par M. C... ;

- en ce qui concerne les sommes relatives aux ventes non comptabilisées : l'administration ne pouvait imposer M. C... qu'à hauteur des sommes réellement appréhendées en 2013 et en 2014 compte tenu de la date de clôture des exercices le 30 juin de chacune des années vérifiées et les règles de prescription de droit de reprise s'opposaient à la mise en recouvrement de ces sommes ; la méthode de reconstitution des ventes dans les caveaux et aux salariés est contestable ; dès lors que la société clôture ses exercices au 30 juin de l'année, la prescription n'a été interrompue que pour les sommes perçues ou mises à la disposition du contribuable entre le 1er janvier et le 30 juin de l'année de clôture de l'exercice; les redressements de taxe sur la valeur ajoutée opérés chez la SAS BVT doivent l'être sur la base du prix de vente réputés toutes taxes comprises et les redressements ne peuvent en aucun cas excéder le montant des sommes réellement appréhendées ;

- en ce qui concerne les distributions issues du contrôle sur pièces de la SCI Les Ancolies ; les locations meublées n'ont pas été effectuées par la SCI Les Ancolies mais par eux-mêmes à titre personnel ; la SCI Les Ancolies ont mis à leur disposition les appartements dont elle est propriétaire ; l'activité de la SCI est purement civile et les revenus tirés de ces locations meublées doivent être imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; les modalités de détermination de la période durant laquelle ils ont disposé des biens détenus par la SCI Les Ancolies sont contestables.

Par un mémoire, enregistré le 13 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête n'est recevable qu'à hauteur des rappels qui correspondent aux chefs de redressement contestés ;

- les moyen invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Moreu, représentant M. et Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Bejot Vins et Terroirs (BVT), qui a pour activité le négoce en vins, dont M. Sauvestre, président-directeur général jusqu'au 13 mai 2016, a détenu 96,58 % du capital jusqu'au 12 octobre 2016, date à laquelle il a cédé ses titres, a fait l'objet, entre juillet et décembre 2016, d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 juin 2013, 2014 et 2015 à l'issue de laquelle l'administration a reconstitué ses chiffres d'affaires et ses résultats, lui a assigné des compléments d'impôt sur les sociétés. A la suite de ce contrôle et d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2014 et 2015, M. et Mme C... ont été assujettis, au titre des années 2013, 2014 et 2015, à des compléments d'impôt sur le revenu résultant notamment de l'inclusion dans leurs bases imposables des revenus distribués par la SAS BVT, constitués, d'une part, de sommes correspondant à des factures fictives encaissées sur les comptes personnels de l'intéressé et, d'autre part, du produit correspondant aux ventes non comptabilisées par la société révélées par la vérification de comptabilité que l'administration a imposé entre les mains de M. C... sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces de la SCI Les Ancolies, dont M. et Mme C... détenaient ensemble 80 % des parts, l'administration, estimant que cette société, qui s'était placée sous le régime de l'article 8 du code général des impôts et avait déposé, au titre de 2014 et 2015, des déclarations n° 2072 mentionnant des revenus locatifs bruts de, respectivement, 16 194 euros et 15 000 euros, au titre de l'appartement de type T5 de 145 m² qu'elle possédait dans la station de Courchevel à Saint-Bon-Tarentaise (Savoie), et des déficits fonciers de, respectivement, 8 082 euros et 313 426 euros, repris dans les déclarations de revenus de M. et Mme C..., se livrait à une activité commerciale de location d'appartements meublés de tourisme au sens de l'article 34 du code général des impôts, l'a assujettie à l'impôt sur les sociétés et a réintégré dans le revenu imposable de M. et Mme C... de l'année 2015 le loyer théorique qu'aurait rapporté l'appartement à la SCI si elle l'avait donné en location à un tiers imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Les compléments d'impôt sur le revenu et les contributions sociales auxquels M. et Mme C... ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 en conséquence de ces rectifications notifiées suivant la procédure contradictoire ont été assortis de la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts en ce qui concerne les revenus distribués correspondant aux produits non comptabilisées par la SAS BVT et de la majoration pour manœuvres frauduleuses de 80 % prévue au c. de l'article 1729 en ce qui concerne les revenus distribués correspondant aux factures fictives comptabilisées par la SAS BVT. Les cotisations de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ont été assorties de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du même code. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions à l'impôt sur le revenu, des cotisations de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements sociaux en tant qu'ils résultent des rectifications opérées sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En jugeant au point 8 du jugement attaqué qu' " en vertu du secret fiscal et du principe d'indépendance des procédures, M. et Mme C..., contrairement à ce qu'ils affirment, ne disposaient d'aucun droit à obtenir la copie de l'intégralité de la proposition de rectification adressée à la SAS BVT ", les premiers juges n'ont pas soulevé d'office un moyen dès lors que l'administration a fait état dans ses écritures de première instance de ce qu'à la date des opérations de contrôle, M. C... n'était plus le représentant légal de la SAS BVT et qu'il ne pouvait avoir communication d'informations concernant la société sans rapport avec sa propre situation fiscale personnelle. Dès lors, le tribunal administratif n'a pas méconnu le principe du contradictoire.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " Aux termes de l'article R. 57-1 du même code : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de la catégorie d'imposition, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler de façon utile ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

4. S'agissant des rehaussements procédant de l'imposition des revenus distribués par la SAS BVT sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, les propositions de rectification du 21 décembre 2016 s'agissant de l'année 2013 et du 31 juillet 2017 s'agissant de l'année 2014 adressées à M. et Mme C... mentionnent, après avoir visé le c. de l'article 111 du code général des impôts, la nature des impôts concernés, les années d'imposition et le montant des bases imposables. Elles font état de la vérification de comptabilité conduite à l'égard de la SAS BVT, exposent les motifs pour lesquels M. C... a été regardé comme le bénéficiaire des revenus distribués et reproduisent, dans le paragraphe VII 32-2-2, la partie de la proposition de rectification du 22 décembre 2016 adressée à la SAS BVT dans laquelle le vérificateur expose, de façon détaillée, les motifs des rappels d'impôt sur les sociétés notifiés à la société au titre des ventes aux particuliers dans les caveaux et au titre des ventes aux salariés non comptabilisées, la méthode et les modalités de la reconstitution des recettes omises à partir du prix moyen annuel constaté par appellation et comporte des tableaux portant le libellé " mouvements complets " et " ventes caveaux ". Ces indications étaient suffisantes pour éclairer M. et Mme C... et leur permettre de discuter utilement le bien-fondé des rectifications envisagées. Si les tableaux intitulés " DGFIP mouvements complets " annexés à la proposition de rectification destinée à la société contenant les données utilisées par le vérificateur et la société pour déterminer les prix moyens par appellation des bouteilles revendues n'ont pas été joints aux proposition de rectification adressées à M. et Mme C..., il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que l'administration leur a transmis, le 18 septembre 2018, l'intégralité des fichiers Excel de mouvements de stock précisant la valorisation retenue selon le cépage, l'appellation, la couleur et le millésime à la suite de leur demande de communication sur le fondement de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales du 12 juillet 2018, ce qui les a mis à même de contester utilement cette valorisation. Enfin, si les requérants relèvent que le prix de vente moyen Clé 1 et Clé 2 d'un Côte de Provence diffère du prix finalement retenu et que des incohérences relatives au montant total de certaines ventes ou à quarante-cinq mouvements positifs dans les caveaux affectent la proposition de rectification du 31 juillet 2017 concernant l'année 2015, ces circonstances sont sans incidence sur l'appréciation du caractère suffisant de la motivation de la proposition de rectification qui ne dépend pas du bien-fondé des rectifications envisagées. Les propositions de rectification en litige satisfont ainsi à l'exigence de motivation posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...). Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

6. A la suite de leurs demandes du 12 juillet 2018 et du 5 octobre 2018, l'administration a communiqué à M. et Mme C... le 18 septembre 2018, l'ensemble des pièces obtenues auprès de tiers sur la base desquelles les rehaussement sont fondés et notamment les fichiers des mouvements complets 2013, 2014 et 2015 ayant servi à la reconstitution des ventes non comptabilisées réalisées dans les caveaux et des ventes non comptabilisées aux salariés. Le 17 octobre 2018, l'administration leur a également transmis une copie de la proposition de rectification du 22 décembre 2016 adressée à la SAS BVT en occultant certains passages à l'exception de ceux dans lesquels est exposée la reconstitution des ventes non comptabilisées. Si M. et Mme C... font valoir que cette proposition de rectification ne leur a pas été communiquée en intégralité, ce document élaboré par l'administration fiscale dans le cadre de la procédure d'imposition suivie avec un autre contribuable n'est pas au nombre des " documents obtenus de tiers " soumis à l'obligation de communication prévue à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

7. M. et Mme C... font enfin valoir, en troisième lieu, que l'administration n'a pas mis en œuvre son droit de communication auprès des différents clients et fournisseurs de la SAS BVT avant de procéder à la reconstitution des recettes. S'ils entendent ainsi critiquer la procédure d'imposition suivie, les éventuelles irrégularités de la procédure d'imposition suivie par l'administration avec la SAS BVT pour contrôler ses déclarations et établir les impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés dont elle a fait l'objet sont sans incidence sur l'imposition personnelle de M. et Mme C.... Par conséquent, le moyen tiré du défaut d'exercice du droit de communication par l'administration, qui au demeurant relève de sa seule initiative, ne peut qu'être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les distributions découlant de l'établissement de factures fictives par la SAS BVT :

8. L'administration a relevé, dans la proposition de rectification du 21 décembre 2016, que l'examen de la comptabilité de la SAS BVT avait mis en évidence que celle-ci avait comptabilisé des charges enregistrées au compte fournisseur Les Celliers du vent alors que les règlements, pour un montant total de 385 931,26 euros en 2013, étaient encaissés sur les comptes personnels de M. C... et que le caractère fictif des factures avait été confirmé par la mise en œuvre du droit de communication auprès de la SAS Les Celliers du vent et des établissements bancaires gestionnaires des comptes de la société. M. et Mme C... se bornent à alléguer, sans produire aucun élément justificatif, que trois des douze factures établies en 2013 l'ont été afin de permettre des retraits en espèces destinés à payer les vendangeurs. Dans ces conditions, et alors que les sommes en litige ont été encaissées sur les comptes personnels de M. C..., c'est par une exacte application des dispositions précitées que l'administration a imposé les montants en cause entre les mains de M. C....

En ce qui concerne les distributions découlant de produits non comptabilisés par la SAS BVT :

S'agissant de la charge de la preuve :

9. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées par une société, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé, sauf à démontrer qu'il peut être regardé comme le maître de l'affaire.

S'agissant de l'existence et du montant des distributions :

10. M. et Mme C... font valoir que la méthode retenue par l'administration ne tient pas compte des bouteilles servant aux dégustations et aux gratuités qui représentent environ 20 % des mouvements de type R.

11. Il résulte de l'instruction que, pour procéder à la reconstitution des chiffres d'affaires de la SAS BVT au titre des ventes non comptabilisées, l'administration a relevé que l'analyse de la comptabilité et les traitements informatiques avaient permis de mettre en évidence deux types de renonciation à recettes, celle relative à des écarts de stock positif non compensables ayant fait l'objet d'un dégrèvement, à savoir les ventes non comptabilisées dans les caveaux dédiés au public et les ventes aux salariés et les paiement des heures supplémentaires en nature.

12. S'agissant des ventes non comptabilisées dans les caveaux, l'administration, après avoir analysé le fichier des mouvements de stocks, a isolé les mouvements correspondant à des ventes non intégrées en comptabilité identifiés comme " mouvement R " (régularisation) correspondant à des opérations sans numéro de facture, et donc à des sorties de stocks n'ayant pas donné lieu à la comptabilisation d'une vente, a ensuite identifié, au sein de cette première liste, les lignes dont le nom du client était renseigné, puis a valorisé les quantités obtenues, distinguées par cépage/appellation/couleur/millésime, avec le prix moyen annuel constaté par le service sur l'exercice comptable en tenant compte d'un taux de pertes et d'offerts de 5 %. Si les requérants soutiennent que l'administration n'a pas suffisamment tenu compte des offerts qu'ils évaluent à un taux de 20 %, ils ne produisent aucun justificatif au soutien de leurs allégations.

13. S'agissant des ventes aux salariés non comptabilisées, cette catégorie de ventes a été déterminée par recoupement, d'une part, avec des données obtenus auprès du juge d'instruction dans le cadre du droit de communication mis en œuvre le 13 juillet 2016 qui ont permis d'identifier les ventes aux salariés sur un tableau de suivi interne tenu dans le cadre d'une double comptabilité et, d'autre part, avec les données issues de l'extraction des mouvements de stock de type régularisation pour l'exercice clos le 30 juin 2013 ou avec les données obtenues auprès du service des ressources humaines de la SAS BVT pour les exercices clos les 30 juin 2014 et 2015. L'administration a isolé ces opérations, les a valorisées en rapprochant les quantités distinguées par cépage/appellation/couleur/millésime du prix moyen annuel constaté par le service sur l'exercice comptable et a appliqué un coefficient de 0,60 au prix moyen annuel retenu pour tenir compte de la remise de 40 % accordée au personnel sur le prix de vente catalogue. Si M. et Mme C... font valoir qu'une partie de ces ventes correspond à la remise d'échantillons aux commerciaux, à des bouteilles offertes et à des dégustations, ils ne produisent au soutien de leur allégations aucun justificatif.

14. Par suite, la méthode utilisée par l'administration, qui repose sur les données propres à l'entreprise, n'est ni radicalement viciée dans son principe, ni entachée d'approximation qui la rendrait excessivement sommaire.

S'agissant de l'appréhension des distributions :

15. L'administration fiscale apporte la preuve de l'appréhension par M. C... des sommes distribuées par la SBT en faisant valoir que l'intéressé est le maître de l'affaire sans que cela soit contesté. En se bornant à soutenir sans produire de justificatifs, s'agissant des ventes réalisées dans les caveaux que les commerciaux ont perçu une rémunération non déclarée et qu'une partie des ventes a été payée en espèces et, s'agissant des ventes aux salariés, que certaines sorties du stock correspondent au paiement en nature d'heures supplémentaires aux salariés, M. et Mme C... ne renversent pas la présomption d'appréhension des revenus distribués résultant de la qualité de maitre de l'affaire de M. C....

S'agissant de la prescription du droit de reprise de l'administration :

16. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. " Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, (...) ".

17. M. et Mme C... soutiennent que dès lors que la SAS BVT clôture ses exercices comptables au 30 juin de l'année civile, l'administration ne pouvait valablement regarder les recettes omises afférentes aux ventes non comptabilisées perçues ou mises à la disposition de M. C... entre le 1er juillet et le 31 décembre 2012 et entre le 1er juillet et le 31 décembre 2013 comme des revenus distribués imposables entre ses mains au titre des années 2013 et 2014. Toutefois, une notification interrompt la prescription du droit de reprise à hauteur des redressements en base d'imposition qui sont portés à la connaissance du contribuable. Il résulte de l'instruction que les impositions mise en recouvrement au nom de M. et Mme C... ont été établies sur la base de montants qui n'excédaient pas ceux qui ont été notifiés de sorte que la circonstance que l'administration se serait méprise sur le montant des redressements en base notifié à M. et Mme C... au titre des années 2013 et 2014 est sans incidence sur l'effet interruptif des propositions de rectification du 21 décembre 2016 s'agissant de l'année 2013 et 31 juillet 2017 s'agissant de l'année 2014 qui leur ont été régulièrement notifiées dans le délai de reprise. Ainsi, les impositions en litige n'étaient pas atteintes par l'expiration du délai de reprise lorsqu'elles ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2018.

S'agissant de l'intégration de la taxe sur la valeur ajoutée collectée incluse dans les revenus distribués :

18. Si les requérants font valoir que les rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée adressées à la SAS BVT doivent l'être sur la base du prix de vente réputés toutes taxes comprises et que les redressements ne peuvent en aucun cas excéder le montant des sommes réellement appréhendées, ces moyens ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier la portée.

En ce qui concerne les distributions provenant de la SCI Les Ancolies :

19. Il résulte des énonciations de la proposition de rectification du 3 août 2017 adressée à la SCI Les Ancolies annexée à la proposition de rectification du 31 juillet 2017 adressée à M. et Mme C... que la SCI Les Ancolies, dont M. C... est le dirigeant et associé avec son épouse, était propriétaire dans une résidence de la station de Courchevel à Saint-Bon-Tarentaise (Savoie), d'une part, de deux appartements mitoyens de type T2 et T3, acquis respectivement en 2002 et 2014, qu'elle a regroupés en un seul logement après travaux et, d'autre part, d'un studio acquis en 2015, qu'elle s'est placée sous le régime de l'article 8 du code général des impôts et a déposé, au titre de 2014 et 2015, des déclarations n° 2072 mentionnant des revenus locatifs bruts et des déficits fonciers repris dans les déclarations de revenus de M. et Mme C.... La SCI Les Ancolies a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration a remis en cause le régime fiscal déclaré dans la catégorie des revenus fonciers et a soumis l'activité exercée par cette société à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016. Par ailleurs, l'administration a estimé, dans la proposition de rectification du 31 juillet 2017, que les loyers théoriques issus de la mise à disposition des appartements meublés par la SCI Les Ancolies à M. et Mme C... constituaient des avantages en nature imposables au titre des revenus de capitaux mobiliers à l'impôt sur les revenus entre les mains des bénéficiaires, M. et Mme C..., sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts au titre de l'année 2015.

20. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l'usufruitier est soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d'usufruitier. Le nu-propriétaire n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l'usufruitier. /Il en est de même, sous les mêmes conditions : /1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ;(...) ".

21. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. (...) / 2. (...) les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". Aux termes de l'article 34 du même code : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux (...) les bénéfices (...) provenant de l'exercice d'une profession commerciale (...) ".

22. Il résulte de ces dispositions, alors applicables, qu'une société civile donnant habituellement en location des locaux garnis de meubles doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts et, par suite, est passible de l'impôt sur les sociétés. La durée de la location des locaux est sans incidence sur le caractère habituel et non occasionnel de l'activité de location, lequel résulte de ce que les locaux meublés ont été loués à plusieurs reprises.

23. Il résulte de l'instruction que la SCI Les Ancolies était propriétaire de trois appartements à Courchevel acquis le 7 mai 2012, le 28 août 2014 et le 27 novembre 2015. Après des travaux de restructuration, la SCI Les Ancolies a réuni les appartements de type T2 et T3 et mis l'appartement de type T5 en location saisonnière dès la fin de l'année 2015. La SCI Les Ancolies a conclu avec la SAS Cimalpes des mandats d'administration de biens en vue de la location meublée et saisonnière de ces appartements. En réponse à un droit de communication exercé par l'administration auprès de la SAS Cimalpes, celle-ci a indiqué avoir encaissé, pour le compte de la SCI Les Ancolies, les sommes de 11 280,14 euros du 18 au 27 décembre 2014 et de 21 570,28 euros du 27 décembre 2014 au 10 janvier 2015 au titre de la location de l'appartement de type T5 et les sommes de 16 790 euros du 1er décembre 2015 au 30 avril 2016 et de 15 240 euros du 1er janvier 2016 au 30 avril 2017 pour la location de l'appartement de type T2. Par ailleurs, la SCI Les Ancolies a déclaré les recettes encaissées résultant de la location des appartements au titre des exercices clos en 2014 et 2015. Il en résulte que c'est par une exacte application des dispositions précitées que l'administration a considéré que la SCI Les Ancolies, en louant habituellement les locaux meublés dont elle était propriétaire, s'est livrée à une exploitation commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts, la rendant passible de l'impôt sur les sociétés en application du 2 de l'article 206 du code général des impôts sans que la société requérante puisse utilement soutenir, en s'appuyant sur les procès-verbaux d'assemblée générale, que ce régime d'application serait inapplicable au motif qu'elle a décidé de mettre gratuitement à la disposition de M. et Mme C... pour une durée indéterminée les appartements, ni que les meubles garnissant les appartements auraient été achetés par ces derniers. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a assujetti la SCI Les Ancolies à l'impôt sur les sociétés.

24. M. et Mme C... ne contestent pas avoir bénéficié d'un avantage résultant de la mise à leur disposition au titre de l'année 2015 d'un appartement de 145 m². Par suite, l'administration était fondée à imposer, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, cet avantage entre les mains de ses bénéficiaires dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

25. M. et Mme C... font valoir que les modalités de détermination de la période durant laquelle ils ont disposé des biens détenus par la SCI Les Ancolies sont contestables.

26. Selon la proposition de rectification du 3 août 2017, le service, après avoir relevé que M. et Mme C... avaient eu la jouissance des appartements, a déterminé le loyer théorique que l'appartement de type T5 de 145 m2 après travaux aurait rapporté à la SCI si elle l'avait donné en location à un tiers en se fondant sur les informations relatives aux dates de ménage et aux frais d'entretien à la suite des départs des propriétaires, sur le fait que cet appartement n'a pas été loué entre le 10 janvier 2015 et le début de la saison 2016/2017 et sur l'absence de chiffre d'affaires perçus sur cette période. Le service a retenu la période du 10 janvier au 30 avril 2015, fin de la saison des sports d'hiver, soit cent dix jours, comme correspondant à la mise à disposition au profit de M. et Mme C... de l'appartement et a appliqué une décote de 30 % pour tenir compte d'une occupation en haute saison hors des périodes de Noël et de Nouvel An.

27. Si les requérants contestent la durée de l'occupation, ils n'assortissent leur allégation d'aucune justification et la circonstance qu'ils seraient propriétaires des meubles garnissant les appartements n'est pas de nature à justifier l'application d'une décote supplémentaire de 30 % appliquée aux montants des loyers théoriques tels que calculés par l'administration. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du principe et de l'exactitude du montant des distributions imposées au titre de l'année 2015.

28. Si M. et Mme C... contestent également les modalités de détermination de la période durant laquelle les appartements de 145 m² et de 34,90 m² ont été mis à leur disposition au titre des années 2014 et 2016, il est constant que l'administration n'a imposé, dans la proposition de rectification du 31 juillet 2017, à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers que les distributions résultant de la mise à disposition de l'appartement de 145 m² au titre de l'année 2015.

29. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

La rapporteure,

R. A...

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02508


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02508
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Proposition de rectification (ou notification de redressement) - Motivation.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : MOREU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-02;21ly02508 ?
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