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02/02/2023 | FRANCE | N°21LY01990

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 02 février 2023, 21LY01990


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... épouse E... et M. B... E..., chacun en ce qui les concerne, ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 24 juillet 2020 par lesquels la préfète de la Loire a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement nos 2100282 et 2100293 du 17 mai 2021, le

tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... épouse E... et M. B... E..., chacun en ce qui les concerne, ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 24 juillet 2020 par lesquels la préfète de la Loire a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement nos 2100282 et 2100293 du 17 mai 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 juin 2021, Mme D... C... épouse E... et M. B... E..., représentés par Me Paquet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés de la préfète de la Loire du 24 juillet 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de leur délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans l'attente, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler et, à défaut, de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans l'attente, de leur délivrer un récépissé constatant le dépôt d'une demande de titre de séjour les autorisant à travailler ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Loire d'effacer leur signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 50 euros par jours de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement du tribunal administratif est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'une erreur d'appréciation des faits, d'une erreur de droit, d'un défaut de motivation et d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit entachant les décisions en litiges ;

Sur les moyens communs aux décisions contenues dans les arrêtés critiquées :

- les décisions sont entachées d'une erreur de fait ;

- les décisions sont entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation ;

Sur les moyens relatifs aux refus de délivrance d'un titre de séjour :

- les décisions méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- ils remplissent les conditions pour bénéficier d'une régularisation au regard des critères de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- les décisions méconnaissent l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; le préfet aurait dû faire usage de son pouvoir de régularisation ;

Sur les moyens relatifs aux obligations de quitter le territoire français :

- les décisions seront annulées en raison de l'illégalité affectant les refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. E... méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur le moyen relatif aux décisions fixant le pays de renvoi :

- ces décisions sont illégales en raison de l'illégalité affectant les refus de délivrance d'un titre de séjour ;

Sur les moyens relatifs aux décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

- ces décisions sont illégales dès lors qu'elles sont fondées sur des décisions illégales ;

- elles méconnaissent le droit d'être entendu et le principe général des droits de la défense ;

- elles méconnaissent le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la durée de l'interdiction de retour est disproportionnée.

Le mémoire, enregistré le 15 novembre 2022, présenté par la préfète de la Loire qui s'en remet au jugement attaqué, n'a pas été communiqué.

Le mémoire, enregistré le 30 novembre 2022, présenté pour Mme et M. E... n'a pas été communiqué.

Mme et M. E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Paquet, représentant M. et Mme E... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C... épouse E... et M. B... E..., ressortissants géorgiens nés respectivement le 25 décembre 1984 et le 1er mars 1984, sont entrés irrégulièrement en France le 19 avril 2011. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par des décisions du 28 septembre 2012, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 13 mars 2013. Ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'état de santé de M. E.... Par des arrêtés du 27 novembre 2014, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 juin 2015, la préfète de la Loire a rejeté leurs demandes et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 26 avril 2016, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant soit la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " soit la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-10, du 7° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 juillet 2020, la préfète de la Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 17 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Il est constant que Mme et M. E... sont entrés en France le 19 avril 2011 accompagnés de leurs deux enfants nés le 12 mars 2006 et le 3 septembre 2007. Un troisième enfant est né le 17 décembre 2012 en France. Si les intéressés ont fait l'objet, chacun en ce qui le concerne, d'un refus de délivrance d'un titre de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français le 27 novembre 2014, ils ont été munis de récépissés les autorisant à séjourner en France dans l'attente de l'instruction des demandes de titre de séjour qu'ils ont déposées le 26 avril 2016. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., s'investit bénévolement dans diverses associations à caractère social et dans la Croix-Rouge française dont elle a suivi les formations. Les deux enfants du couple nés en 2006 et en 2007 ont été scolarisés depuis la maternelle en France et poursuivent, à la date des arrêtés en litige, leur scolarité au collège. Dès lors, eu égard à ces éléments et à la durée anormalement longue de l'instruction de leurs demandes de titre de séjour, la préfète de la Loire, en leur refusant les titres de séjour sollicités, a, dans les circonstances particulières de l'espèce, commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle et familiale des intéressés.

3. L'annulation des refus de titre de séjour emporte, par voie de conséquence, l'annulation des décisions prises sur leur fondement. Dès lors, les obligations de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, prises sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être annulées. Il en va de même des décisions fixant le pays de renvoi et prononçant à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme et M. E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés de la préfète de la Loire du 24 juillet 2020 et à en demander l'annulation.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Eu égard aux motifs qui fondent l'annulation prononcée par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Loire de délivrer à Mme et M. E... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions désormais codifiées au L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de leur délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour. L'exécution du présent arrêt implique également que la préfète de la Loire fasse supprimer dans le système d'information Schengen le signalement de Mme et M. E... aux fins de non-admission résultant des interdictions de retour prononcées à leur encontre. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de faire procéder à cet effacement sans délai à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir ces injonctions d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme et M. E... étant bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, leur avocat peut prétendre au bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, l'État versera, en application de ces dispositions, la somme de 1 000 euros à Me Paquet, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mai 2021 et les arrêtés de la préfète de la Loire du 24 juillet 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Loire de délivrer à Mme et M. E... un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, dans l'attente, de leur délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de prendre sans délai toute mesure utile afin qu'il soit procédé à l'effacement du signalement de Mme et M. E... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Article 3 : L'Etat versera à Me Paquet, avocate de Mme et M. E..., une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... épouse E... et M. B... E..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Il en sera adressé copie au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en application de l'article R.751.11 du code de justice administrative ainsi qu'à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

La rapporteure,

R. A...

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01990


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01990
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-02;21ly01990 ?
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