Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'indivision A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 3 242 euros constaté au titre de la période du 1er juillet au 31 décembre 2017.
Par un jugement n° 1804599 du 5 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 avril 2021 et 16 septembre 2022, l'indivision A... B..., représentée par Me Duraffourd, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'ordonner le remboursement sollicité ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son activité n'est pas exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que les quatre prestations prévues par le 4° de l'article 261 D du code général des impôts sont fournies par la société Maeva aux clients : l'accueil est assuré, le linge de lit et de maison est fourni et peut être changé en cours de séjour, le nettoyage des locaux est systématiquement effectué en début et fin de séjour et un partenariat a été conclu entre la société Maeva et la brasserie située dans la résidence, où les clients peuvent prendre leur petit-déjeuner ;
- en estimant que ces prestations n'étaient pas délivrées dans des conditions identiques à celles d'un établissement hôtelier, le tribunal administratif a commis une erreur de droit, l'article 261 D comme la directive TVA exigeant seulement que ces conditions soient similaires ;
- dans certains établissements hôteliers, les lits ne sont pas faits tous les jours et le linge n'est pas renouvelé régulièrement sans supplément de prix ; il en va de même du nettoyage, qui n'intervient pas systématiquement quotidiennement ;
- étant en mesure de fournir un nettoyage, y compris quotidien, des locaux à la demande, elle est fondée à se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 du 12 septembre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. L'indivision A... B... est propriétaire d'un appartement situé dans une résidence de tourisme classée de la station Les Arcs 1950 à Bourg-Saint-Maurice (Savoie), qu'elle donne en location meublée par l'intermédiaire de la société Maeva, filiale du groupe Pierre et Vacances. Elle a présenté, le 30 avril 2018, une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 3 242 euros constaté au titre de la période du 1er juillet au 31 décembre 2017, que l'administration a rejetée au motif que l'activité de loueur en meublé exercée par l'intéressée était exonérée de taxe sur la valeur ajoutée. L'indivision A... B... relève appel du jugement du 5 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée.
2. D'une part, l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, reprenant les dispositions du b) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, prévoit au point l) de son paragraphe 1 que les Etats membres exonèrent " la location de biens immeubles ". Toutefois, en application de son 2, " 2. Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (...) ". Par un arrêt du 12 février 1998, Elisabeth Blasi c/ Finanzamt München, C-346/95, la Cour de justice des communautés européennes a jugé que les termes employés pour désigner les exonérations visées par l'article 13 de la sixième directive sont d'interprétation stricte, étant donné qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la taxe sur le chiffre d'affaires est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti. Elle en a déduit que le membre de phrase " à l'exception des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire ", figurant à l'article 13 B, sous b), point 1, de la sixième directive, introduit une exception à l'exonération prévue par ces dispositions pour la location de biens immeubles et qu'il place donc les opérations qu'il vise sous le régime général de cette directive, qui tend à soumettre à la taxe toutes les opérations imposables, sauf les dérogations expressément prévues et, qu'ainsi, cette clause ne saurait recevoir une interprétation stricte.
3. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts, d'autre part : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / (...) / b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. / c. Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties à l'exploitant d'un établissement d'hébergement qui remplit les conditions fixées aux a ou b (...) ". Ces dispositions, qui fixent les critères de la taxation des prestations de location de logements meublés, doivent être interprétées, pour le respect des objectifs énoncés par les dispositions de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, tels qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, de manière à garantir que ne soient exonérés du paiement de la taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière et qui ne sont donc pas en concurrence potentielle avec ces dernières entreprises.
4. La circonstance que le loueur d'un logement meublé délègue à un tiers la fourniture des prestations mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ne fait pas obstacle à ce qu'il soit soumis à la taxe sur la valeur ajoutée en application de ces dispositions lorsque la prestation est proposée dans des conditions similaires à celles proposées dans le secteur hôtelier et que l'exploitant demeure seul responsable de cette prestation vis-à-vis de ses clients.
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
6. Il résulte de l'instruction que l'indivision A... B... a confié la gestion de l'appartement dont elle est propriétaire dans une résidence de tourisme située dans la station Les Arcs 1950 à la société Maeva, avec laquelle elle a conclu un mandat de gestion exclusif le 25 avril 2017. Ce contrat prévoit que la société Maeva assure la préparation du logement, la réception et l'accueil de la clientèle, la vérification du ménage à la fin du séjour, ainsi que la fourniture et le blanchissage du linge. L'avenant à ce contrat, conclu le 18 juillet 2018, à effet du 1er mai 2017, ajoute la fourniture d'un " service de ménage régulier " et du linge " pendant toute la durée du séjour ". L'administration, qui ne conteste pas que la société Maeva assure la réception de la clientèle au sens des dispositions du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, fait toutefois valoir que cette dernière ne fournit pas la prestation de petit déjeuner et qu'elle ne délivre pas les prestations de nettoyage régulier des locaux et de fourniture du linge de maison dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle.
7. Il est constant que la prestation de petit déjeuner n'est prévue ni dans le contrat de gestion, ni dans l'avenant, ni même dans les annonces internet relatives au logement produites au dossier, au demeurant postérieures à la période d'imposition en litige. Si l'indivision A... B... fait valoir que les clients de la résidence peuvent prendre leur petit déjeuner dans une brasserie située au rez-de-chaussée, et, le cas échéant, effectuer leur réservation auprès de Maeva, elle se borne à produire un courriel rédigé a posteriori par cette société, en mai 2019, pour les besoins de la cause et n'établit pas, en tout état de cause, en l'absence de tout justificatif en ce sens, que cette prestation serait délivrée pour le compte et sous la responsabilité de la société Maeva, exploitante de l'établissement dans lequel se situe le logement.
8. Il ne résulte pas de l'instruction, en particulier du mandat de gestion du 25 avril 2017, qui prévoit une simple vérification du ménage effectué par les locataires et des annonces locatives, qui font état de la remise d'un kit de nettoyage à ces derniers et de l'inclusion, dans le prix global, de la seule prestation de ménage de fin de séjour " hors coin cuisine ", que la société Maeva proposait aux occupants du logement de l'indivision A... B..., au cours de la période d'imposition en litige, une prestation de ménage régulière pendant la durée du séjour, la seule mention ajoutée à ce titre dans l'avenant conclu en juillet 2018 étant insuffisante pour l'établir.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 ci-dessus, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fourniture du linge, que la société Maeva, exploitante de l'appartement de l'indivision A... B..., ne peut être regardée comme délivrant, en sus de l'hébergement, au moins trois des quatre prestations prévues au b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a, sur le terrain de la loi fiscale, considéré que l'activité de location meublée exercée par l'indivision A... B... par l'intermédiaire de cette société était exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, circonstance qui faisait obstacle au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée constaté au titre de la période du 1er juillet au 31 décembre 2017.
10. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ".
11. L'indivision A... B... n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de ces dispositions, le paragraphe 40 de l'instruction administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20, qui précise, en son troisième alinéa, que la condition tenant au nettoyage régulier des locaux " sera considérée comme établie lorsque, bien que ne fournissant pas effectivement un service régulier de nettoyage, l'exploitant dispose des moyens lui permettant de proposer un tel service au client durant son séjour, selon une périodicité régulière ", qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.
12. Il résulte de ce qui précède que l'indivision A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'indivision A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'indivision A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2023.
La rapporteure,
A. Courbon
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY01336