Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société France formation groupe a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 20 février 2020 par laquelle le préfet du Rhône a abrogé son agrément d'exploitation d'un établissement chargé d'animer les stages de sensibilisation à la sécurité routière.
Par un jugement n° 2002811 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 décembre 2021, la SA France formation groupe, anciennement société Sécuroute, représentée par la SELURL ECHO avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2002811 du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la décision du 20 février 2020 par laquelle le préfet du Rhône a abrogé son agrément d'exploitation d'un établissement chargé d'animer les stages de sensibilisation à la sécurité routière ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société requérante soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a distingué deux motifs, alors que les éléments retenus par le préfet sont liés ;
- la décision méconnait l'article 8 de l'arrêté du 26 juin 2012 et l'article R. 213-2 du code de la route, tels qu'interprétés par la circulaire du 14 septembre 2012, dès lors qu'il s'agissait uniquement de pallier à l'indisponibilité ponctuelle de la salle habituelle ;
- c'est pour le reste à juste titre que le tribunal a relevé l'illégalité de la prise en compte d'un retard à avertir les services préfectoraux.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- c'est à juste titre que le tribunal a identifié deux motifs distincts du retrait et a pu neutraliser l'un d'entre eux en estimant que l'autre suffisait à fonder la décision ;
- le moyen tiré de ce que le changement de salle ne pouvait être pris en compte est infondé et la circulaire invoquée n'est pas méconnue.
Par ordonnance du 17 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 17 novembre 2022 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration.
- le code de la route ;
- l'arrêté du 26 juin 2012 fixant les conditions d'exploitation des établissements chargés d'organiser les stages de sensibilisation à la sécurité routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 4 juillet 2017, le préfet du Rhône a délivré à la société Sécuroute, devenue la société France formation groupe, un agrément d'une durée de cinq ans pour la création d'un établissement chargé d'animer les stages de sensibilisation à la sécurité routière. Par un arrêté du 20 février 2020, le préfet du Rhône a procédé à l'abrogation de cet agrément. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société France formation groupe tendant à l'annulation de la décision du 20 février 2020.
2. D'une part, l'article L. 223-6 du code de la route définit les cas dans lesquels le titulaire du permis de conduire qui a commis une infraction ayant donné lieu à retrait de points peut être conduit, dans un objectif de sécurité routière, à suivre un stage de sensibilisation. Aux termes de l'article L. 213-1 du même code : " (...) l'animation des stages de sensibilisation à la sécurité routière mentionnés à l'article L. 223-6 ne [peut] être organi[sée] que dans le cadre d'un établissement dont l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par l'autorité administrative (...) ". Aux termes de l'article L. 213-8 du même code : " Les modalités d'application des articles L. 213-1 à L. 213-7 sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 213-1 du même code, qui concerne le régime des établissements d'animation des stages de sensibilisation à la sécurité routière : " Les agréments visés à l'article L. 213-1 sont délivrés pour une durée de cinq ans par le préfet du lieu d'implantation de l'établissement (...) ". Aux termes du paragraphe II de l'article R. 213-2 du même code : " II.- Pour les personnes assurant l'exploitation effective d'au moins un établissement organisant des stages de sensibilisation à la sécurité routière mentionnés aux articles L. 223-6 et R. 223-5 (...) l'agrément prévu à l'article L. 213-1 est délivré si celles-ci remplissent les conditions suivantes : / (...) / 5° Justifier des garanties minimales concernant les moyens de formation de l'établissement. Ces garanties concernent les locaux, les moyens matériels, les modalités d'organisation de la formation et, le cas échéant, les véhicules ; / (...) / Les conditions fixées au présent article sont précisées par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 26 juin 2012, pris sur ce fondement : " Les stages de sensibilisation à la sécurité routière mentionnés aux articles L. 223-6 et R. 223-5 du code de la route sont proposés, organisés et dispensés, à titre onéreux, par un établissement agréé par le préfet du département du lieu d'implantation de l'établissement, dans les conditions définies par le présent arrêté. / L'établissement est caractérisé par un exploitant, personne physique ou représentant légal d'une personne morale et des locaux d'activité (...) ". Aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Toute personne désirant obtenir un agrément pour l'exploitation d'un établissement chargé d'organiser des stages de sensibilisation à la sécurité routière doit adresser au préfet du département du lieu d'implantation de l'établissement une demande datée et signée accompagnée d'un dossier comportant les pièces suivantes : / (...) / 2° Pour les moyens de l'établissement : / (...) / b) Un plan et un descriptif des locaux d'activité (superficie et disposition des salles). Les locaux doivent comporter au minimum une salle pour la formation dans le département. / Si l'établissement dispose de plusieurs salles de formation, elles peuvent être situées à des adresses différentes, dans la même commune ou dans plusieurs communes du département. / La ou les salles de formation doivent être situées dans un local adapté à la formation et être d'une superficie minimale de 35 m2. Elle(s) doi(ven)t disposer d'un éclairage naturel occultable et des capacités d'installation du matériel audiovisuel, informatique et pédagogique nécessaire au bon déroulement des stages (...) / c) Pour chaque salle de formation, la photocopie du titre de propriété ou du contrat de location ou de la convention d'occupation pour une durée d'un an minimum (...) ". Enfin, aux termes du paragraphe III de l'article 3 du même arrêté : " III. - Le préfet délivre l'agrément pour une durée de cinq ans lorsque toutes les conditions sont remplies. / L'agrément fait l'objet d'un arrêté comportant les éléments suivants : / (...) / 3° L'adresse de la ou des salles de formation (...) ". Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'agrément qu'elles prévoient ne peut être accordé qu'au vu, notamment, des moyens de formation dont dispose l'établissement, et en particulier des locaux affectés. Ces locaux doivent répondre aux exigences qui sont définies. Ils sont spécialement mentionnés dans l'agrément.
3. D'autre part, aux termes de l'article 6 de l'arrêté précité du 26 juin 2012 : " Lorsque l'exploitant d'un établissement agréé désire changer de salle de formation, ou utiliser une ou des salles supplémentaires, il doit adresser au préfet, au plus tard deux mois avant la date du changement, une demande de modification accompagnée des pièces énumérées aux a à d du 2° de l'article 2. / Le préfet peut faire vérifier la conformité de la ou des salles de formation (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article R. 213-5 du code de la route : " Le retrait des agréments mentionnés à l'article L. 213-l est prononcé par le préfet du lieu d'implantation de l'établissement lorsqu'une des conditions prévues pour leur délivrance cesse d'être remplie ou en cas de cessation d'activité. Le retrait est prononcé après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations (...) ". Aux termes de l'article 8 de l'arrêté précité du 26 juin 2012 : " Le préfet retire l'agrément de l'établissement chargé d'organiser les stages de sensibilisation à la sécurité routière : / (...) / 3° Lorsque l'une des conditions de délivrance de l'agrément mentionnées au II de l'article R. 213-2 du code de la route cesse d'être remplie (...) ". Le retrait visé par ces dispositions ne présente pas de caractère rétroactif et doit donc s'analyser comme une abrogation.
5. En premier lieu, pour abroger l'agrément dont disposait la société requérante, le préfet s'est fondé sur ce que sa demande de changement de salle n'avait pas été présentée dans le délai fixé à l'article 6 de l'arrêté du 26 juin 2012 et son dossier de demande de modification était incomplet. Le préfet s'est également fondé sur ce que la société utilisait une salle qui ne répondait pas aux exigences précisées par l'article 2 du même arrêté et avait continué à l'utiliser en dépit d'un courrier dans lequel les services de la préfecture lui avaient rappelé qu'elle ne pouvait utiliser une salle non conforme et non agréée. Le tribunal a, à juste titre, constaté que le préfet s'était ainsi fondé sur deux motifs distincts tenant, l'un, à ce que les conditions de changement de salle de formation n'avaient pas été respectées, et l'autre, à ce que la salle utilisée ne présentait pas les garanties minimales requises. Par des motifs qui ne sont pas contestés en eux-mêmes, le tribunal a estimé que le motif tenant au non-respect des conditions de changement de local n'était pas de nature à fonder une abrogation de l'agrément. Le litige ne porte, ainsi, que sur le point de savoir si l'autre motif est de nature à justifier cette décision.
6. En deuxième lieu, les dispositions précitées de l'article R. 213-5 prévoient que l'agrément peut être abrogé lorsque les conditions nécessaires à sa délivrance ne sont plus remplies. L'article 8 de l'arrêté du 26 janvier 2012 précise qu'il s'agit des conditions mentionnées au II de l'article R. 213-2. Le 5° du II de l'article R. 213-2 prévoit en particulier des conditions tenant aux garanties minimales concernant les moyens de formation de l'établissement, notamment pour les locaux, en renvoyant à un arrêté le soin de les préciser. L'article 2 de l'arrêté du 26 juin 2012 prévoit en particulier que les locaux doivent disposer d'un éclairage naturel occultable et des capacités d'installation du matériel audiovisuel, informatique et pédagogique nécessaire au bon déroulement des stages. Il n'est pas sérieusement contesté que les locaux, distincts de ceux spécialement mentionnés dans l'agrément, que la société a continué à utiliser en dépit du rappel effectué par la préfecture, ne répondent pas à ces exigences. Contrairement à ce que soutient la société, les dispositions précitées ne permettent pas d'utiliser une salle non identifiée dans l'agrément et non conforme, même ponctuellement. Au demeurant, la société admet l'indisponibilité de la salle agréée et a entendu demander un changement de salle. Elle a, avant toute modification effective de l'agrément, utilisé une nouvelle salle non conforme et non agréée, et a continué en dépit d'un courrier la rappelant à ses obligations, de telle sorte qu'elle ne peut sérieusement soutenir que le manquement à l'agrément aurait été isolé. Le préfet pouvait dès lors, pour ce motif, abroger l'agrément, et il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. / Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée. / Les dispositions du présent article ne peuvent pas faire obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". La société requérante se prévaut de la circulaire NOR : INTSJ234I2JC du 14 septembre 2012, mise en ligne le 23 octobre 2012 et déclarée opposable le 1er janvier 2019. A son point 1.3.1.2, e), cette circulaire prévoit que l'abrogation de l'agrément peut notamment être décidée " En cas de fermeture ou d'indisponibilité d'une ou des salles de formation qui ont fait l'objet de l'agrément, ou si ces locaux cessent de remplir les conditions applicables. Toutefois, lorsque l'agrément a été délivré pour plusieurs salles de formation dans le département, et que seule l'une d'entre elles ne remplit plus les conditions, l'agrément sera alors modifié et non retiré ". En l'espèce, l'article 3 de l'agrément visait une seule salle de formation. Il est constant que cette salle était indisponible. Enfin, la société a eu recours à une salle ne répondant pas aux exigences minimales requises. La circulaire invoquée ne retient aucune interprétation des textes applicables qui ferait obstacle à ce que l'agrément puisse être retiré pour le motif qui a été indiqué. Le moyen tiré de la garantie instituée par l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration doit, dès lors, être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société France formation groupe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société France formation groupe est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société France formation groupe et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY04282