Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2019 par lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an dont neuf mois avec sursis, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à cette autorité de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux et à la retraite pour la période pendant laquelle il a été exclu, sous astreinte, et de procéder à la suppression dans son dossier de toute mention relative à la sanction et de condamner l'État à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.
Par un jugement n° 2002323 du 2 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 février, 10 juin et 14 septembre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté, par Me Pelletier demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions en litige ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux et à la retraite pour la période pendant laquelle il a été exclu, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de procéder à la suppression dans son dossier de toute mention relative à la sanction dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;
3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté a été pris après une procédure disciplinaire irrégulière ;
- la matérialité des faits n'est pas établie ;
- les faits retenus dans l'arrêté ont été classés sans suite par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nevers ;
- l'illégalité de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ;
- il a subi un préjudice financier important ainsi qu'un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence.
Par des mémoires enregistrés les 30 mai et 21 juin 2022, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 28 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;
- l'arrêté du 17 février 2014 fixant l'organisation de l'administration centrale des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., professeur certifié de mathématiques, a été affecté à compter du 1er septembre 2015 au collège Aumenier-Michot de La Charité-sur-Loire. Par un arrêté du 4 novembre 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a infligé à M. A... une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an, dont neuf mois avec sursis. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté et du rejet de son recours gracieux ainsi que sa demande d'injonction et d'indemnisation.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardés dans leur avancement à l'ancienneté ". Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que l'avertissement ou le blâme ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. " L'article 1er du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État précise que : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Les pièces du dossier et les documents annexes doivent être numérotés. " Le droit à la communication du dossier comporte pour l'agent intéressé celui d'en prendre copie, à moins que sa demande ne présente un caractère abusif.
3. Avant même d'avoir été informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, l'intéressé a consulté le 9 janvier 2019 l'intégralité de son dossier individuel qui, selon l'administration, comprenait déjà deux rapports de la cheffe d'établissement en date des 16 mars et 26 novembre 2018 résumant l'ensemble des faits reprochés, à l'origine de la procédure par la suite mise en œuvre à son encontre. Si ce dossier ne comprenait pas alors le compte rendu de l'entretien réalisé le 9 janvier 2019, tenu en présence des représentants du service ressources humaines du rectorat, celui-ci lui a été communiqué le 19 janvier suivant. Il n'apparaît pas, au vu de l'inventaire des pièces ajoutées au dossier individuel de l'intéressé entre les 9 janvier et 4 novembre 2019 que des éléments en rapport avec les faits reprochés, dont l'intéressé n'aurait pas déjà eu connaissance, ne figuraient pas dans son dossier et ne lui auraient pas été communiqués, l'absence de communication de documents ne comportant pas d'élément nouveau étant à cet égard sans incidence sur la régularité de la procédure.
4. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que, par une lettre du 15 janvier 2019 de la rectrice de l'académie de Dijon, qu'il ne conteste pas avoir reçue, M. A... a été informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, de la convocation d'un conseil de discipline pour le 11 mars 2019, de son droit d'obtenir la communication de son dossier individuel et des modalités de consultation de ce dossier, avec possibilité de prendre copie des pièces figurant dans ce dossier, sous réserve de s'acquitter des frais de reproduction, et invité à indiquer s'il entendait user de ce droit, en contactant le service dont les coordonnées lui étaient fournies. Par courrier du 14 février 2019, reçu le lendemain, M. A... a demandé à la rectrice la communication d'une copie de son dossier administratif individuel. Par une lettre du même jour, reçue le 18 février 2019, la rectrice a informé l'intéressé du report de la séance de la commission administrative paritaire des professeurs certifiés siégeant en conseil de discipline. Par courriel du 1er mars 2019, les services du rectorat ont demandé à M. A..., en application de l'article 4 b de la loi du 17 juillet 1978, de leur faire parvenir un chèque de 42,58 euros correspondant aux frais de copie et d'affranchissement, et lui ont indiqué que cette copie lui serait adressée à réception de son règlement. La rectrice de l'académie de Dijon a, par une lettre du 30 avril 2019 que M. A... ne conteste pas non plus avoir reçue, informé ce dernier de la réunion de la commission administrative paritaire des professeurs certifiés siégeant en conseil de discipline le 19 juin 2019 et, de nouveau, de son droit d'obtenir la communication intégrale et copie, moyennant règlement, de son dossier individuel ainsi que tous les documents annexes. L'intéressé a, par courrier du 6 mai 2019, reçu le lendemain, demandé à la rectrice de lui communiquer une copie de son dossier administratif individuel. En réponse, les services du rectorat ont, par un courriel du 21 mai 2019, adressé de nouveau à l'intéressé le courriel du 1er mars 2019 concernant les frais de copies et lui ont indiqué que la copie de son dossier lui serait adressée dès réception de son règlement. Puis, par un courriel du 11 juin 2019, ces services lui ont indiqué que, compte tenu des différentes pièces rajoutées à son dossier, le montant à régler, avant copie intégrale du dossier, était désormais de 64,49 euros. M. A... a ainsi été mis à même d'assurer la défense de ses intérêts, de prendre connaissance sur son lieu de travail du dossier administratif individuel le concernant et, en particulier, d'en obtenir une copie moyennant le règlement des frais occasionnés. La possibilité lui a également été offerte de consulter une copie de son dossier depuis l'extérieur de son lieu de travail, adressée par voie postale, sous réserve de régler également les frais d'affranchissement correspondants. Faute pour l'intéressé d'avoir donné suite aux demandes de règlement dont il a fait l'objet, dont il ne pouvait au demeurant ignorer la nécessité, l'administration n'était pas tenue de lui transmettre par voie postale une copie de son dossier à une adresse extérieure à son lieu de travail. Même si l'intéressé soutient n'avoir reçu sur son adresse personnelle aucun des courriels ci-dessus mentionnés, il apparaît que ces derniers lui ont aussi été envoyés sur son adresse professionnelle, rien ne permettant en tous les cas de dire que celui daté du 11 juin 2019 ne serait pas parvenu à cette dernière adresse.
5. Il suit de là que M. A... est infondé à soutenir qu'il aurait été privé de la garantie liée aux droits de la défense et que la décision du 4 novembre 2019 serait ainsi intervenue au terme d'une procédure irrégulière.
6. Aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. "
7. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les questions de savoir si les faits reprochés à un agent public constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
8. Les faits reprochés à l'intéressé, qui tiennent à une attitude inappropriée à l'égard de deux de ses élèves alors âgées de treize et onze ans, auprès desquelles M. A... avait formé des demandes insistantes et exercé des menaces dans le cas où elles n'obtempéreraient pas, sont établis par les pièces du dossier, et spécialement les témoignages des parents des intéressées et les rapports de la principale du collège. Par suite, et même si le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nevers a classé l'affaire sans suite, ces faits doivent être tenus pour avérés.
9. La circonstance que l'intéressé a été placé en congé de maladie le 9 novembre 2019 ne faisait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant à l'entrée en vigueur d'une sanction et, par suite, à l'absence de droit à traitement durant la période d'exécution de la sanction.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. M. A... ne conteste pas que les faits qui lui sont reprochés s'analysent, compte tenu de l'atteinte en résultant pour la dignité et la probité des fonctions de professeur, comme une faute susceptible de justifier une sanction disciplinaire. Il ne critique pas davantage le degré de la sanction qui lui a été infligée. Il n'est donc pas fondé à demander l'indemnisation des préjudices qui en seraient résultés pour lui.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes. Il suit de là que, sa requête doit être rejetée, dans toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY00337 2
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