Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E... B... et Mme C... D... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du préfet du Rhône du 18 septembre 2020 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.
Par un jugement nos 2007386-2007387 du 12 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2021, et des mémoires non communiqués, enregistrés le 4 avril 2022 et le 14 octobre 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Petit, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Rhône du 18 septembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de leur délivrer à chacun un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, ou à titre subsidiaire, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans le délai de quinze jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à leur conseil, une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges n'ont pas répondu à leurs moyens tirés de l'erreur de droit et du vice de procédure ;
- les refus de titre de séjour sont entachés d'une erreur de fait ;
- le préfet n'a pas, avant de leur opposer un refus de titre de séjour, procédé à un examen particulier de leur situation personnelle ;
- ces décisions méconnaissent le 7° de l'article L. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elles méconnaissent le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elles méconnaissent l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'ils remplissent les conditions prévues par la circulaire du 28 novembre 2012, laquelle est opposable ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elles méconnaissent le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elles sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de leur situation particulière ;
- elles méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elles sont entachées d'un défaut de base légale et d'une méconnaissance du champ d'application de la loi ;
- elles sont entachées d'une erreur de droit, d'une insuffisance de motivation, d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen particulier de leur situation ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elles ont été prises en méconnaissance du principe général du droit de l'Union de bonne administration et de respect des droits de la défense et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les observations de Me Simonin représentant M. et Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants albanais nés respectivement en 1973 et en 1981, sont entrés en France en septembre 2012 selon leurs déclarations, accompagnés de leurs deux enfants nés en 2003 et 2011. Leurs demandes d'asile ont été rejetées en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 5 février 2015. Les intéressés ont alors sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant l'état de santé de Mme B.... Par des arrêtés du 29 septembre 2015, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 octobre 2016, le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour et a prononcé une obligation de quitter le territoire français. M. et Mme B... ont de nouveau sollicité la régularisation de leur situation administrative sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par des arrêtés du 8 janvier 2018, dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par la cour le 25 mars 2019, le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour et a prononcé une obligation de quitter le territoire français à leur encontre. Les intéressés relèvent appel du jugement du 12 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 18 septembre 2020 du préfet du Rhône portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.
Sur la régularité du jugement en tant qu'il statue sur la demande de Mme B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour :
2. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux. Toutefois, lorsque le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement, tous les motifs de rejet de la demande, y compris les motifs se prononçant sur les fondements examinés d'office par le préfet, peuvent être utilement contestés devant le juge de l'excès de pouvoir.
3. Il ressort des pièces du dossier qu'alors que Mme B... avait présenté une demande de titre de séjour sur les seuls fondements du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, le préfet du Rhône a examiné d'office, ainsi qu'il lui était loisible de le faire, si l'intéressée pouvait prétendre à un titre de séjour en qualité de salariée, sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur.
4. A l'appui de sa demande, Mme B... soutenait que le préfet du Rhône ne pouvait lui opposer, eu égard aux motifs de sa demande, l'absence d'un visa de long séjour ni l'absence de transmission d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Ainsi qu'il a été dit au point 2, Mme B... pouvait utilement contester les motifs se prononçant sur les fondements examinés d'office par le préfet. Les premiers juges, qui n'ont au demeurant pas visé ces moyens, n'y ont pas répondu alors qu'ils n'étaient pas inopérants. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir que le jugement est irrégulier en tant qu'il statue sur ses conclusions dirigées contre la décision lui refusant un titre de séjour, et qu'il doit, dans cette mesure, être annulé.
5. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de la décision lui refusant un titre de séjour et, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres conclusions présentées par les requérants.
Sur les refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur de fait en énonçant, les décisions en litige, qu'ils ne justifiaient pas de leurs " conditions d'existence ".
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Rhône a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. et Mme B... avant de refuser de leur délivrer le titre de séjour qu'ils sollicitaient.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du même code, dans sa rédaction applicable : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) 8° La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé. (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. Elle peut également être présentée par une personne habilitée à cet effet par un mandat écrit de l'employeur. ". Aux termes de l'article R. 5221-15 du même code : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. ". Aux termes de l'article R5221-17 du même code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ".
9. Il ressort des énonciations de l'arrêté attaqué que le préfet du Rhône, qui a examiné d'office si Mme B... pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté de lui accorder un titre de séjour sur ce fondement au motif que la requérante ne disposait pas d'un visa de long séjour et qu'elle présentait aucun contrat de travail visé par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Le préfet, qui s'est conformé aux exigences des textes précités, n'a par suite commis aucune erreur de droit.
10. En quatrième lieu, l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur (...) ".
11. Si les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dont se prévaut la requérante, obligent de manière générale l'administration à inviter tout demandeur à compléter sa demande lorsque celle-ci ne comporte pas toutes les pièces ou informations exigées par les textes législatifs ou réglementaires le préfet n'a pas, par la décision attaquée, refusé de délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " à Mme B... au motif du caractère incomplet de son dossier mais au motif que les dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail, tenant à la possession d'un visa de long séjour et d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative, avaient été méconnues. Par suite, Mme B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. M. et Mme B... font valoir la durée de leur présence en France, la scolarisation de leurs enfants depuis leur plus jeune âge ainsi que leur intégration dans le milieu associatif, la promesse d'embauche faite à Mme B... et l'état de santé de cette dernière. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, que les intéressés se sont maintenus sur le territoire français malgré le rejet de leur demande d'asile, les refus de titre de séjour et les mesures d'éloignement qui leur ont été opposés et dont la légalité a été confirmée par décisions juridictionnelles. Par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France, et notamment en Albanie, pays dont tous les membres du foyer ont la nationalité et où les appelants ont vécu jusqu'à respectivement trente-neuf et trente-et-un ans. A cet égard, la circonstance que leur fils, A..., a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en août 2020, et qu'il en a obtenu la délivrance le 22 février 2022, est sans incidence sur le droit au séjour de ses parents en France à la date de la décision contestée. De même, la production d'un certificat du 12 septembre 2019 d'un praticien hospitalier du centre médico-psychologique de Villeurbanne, rédigé sur la foi des déclarations de Mme B..., selon lequel " compte tenu des violences graves subies en Albanie, un retour dans son pays d'origine, pourrait constituer un facteur de stress qui pourrait réactiver la symptomatologie dépressive d'une part, et d'autre part, majorer les syndromes de stress post-traumatique ", ne permet pas de tenir pour établi que les soins, dont elle dit continuer à bénéficier en France à la date de la décision contestée, ne pourraient pas être poursuivis en Albanie. Ainsi, malgré les efforts d'intégration sociale des appelants et de leurs enfants, les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne portent pas à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Dès lors, elles ne méconnaissent ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, ni les stipulations de l'article 8 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Elles ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle.
14. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
15. Pour considérer que les décisions en litige ne portaient pas atteinte à l'intérêt supérieur des enfants, tel que protégé par l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, le préfet du Rhône a considéré qu'il n'existait pas d'obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Albanie où les enfants sont nés et où ils pourront poursuivre leur scolarité. La circonstance que les enfants sont entrés jeunes en France, qu'ils y ont suivi leur scolarité et que l'aîné a obtenu un titre de séjour à sa majorité, ne permet pas de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet, à la date de la décision en litige, selon laquelle les enfants pourront accompagner leurs parents, de même nationalité qu'eux, et poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit donc être écarté.
16. En septième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
17. La situation personnelle de M. et Mme B..., telle que rappelée ci-dessus, ne caractérise pas l'existence de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 précité. Par ailleurs la circonstance que Mme B... a produit à l'appui de sa demande une promesse d'embauche en qualité d'agent d'entretien au sein d'une association ne peut être regardée par principe, comme attestant de motifs exceptionnels au sens de ce même article. Ainsi les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions ainsi que celui de l'erreur manifeste d'appréciation dans leur application ne peuvent qu'être écartés.
18. En huitième lieu, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions des articles L. 312-3 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.
Sur les obligations de quitter le territoire français :
19. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui leur a été opposé, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français.
20. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les décisions obligeant M. et Mme B... à quitter le territoire français n'ont pas été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle des intéressés.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
21. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de la décision refusant de leur délivrer un titre de séjour et de celles les obligeant à quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination.
22. En second lieu, M. et Mme B... reprennent en appel les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen préalable de leur situation particulière ainsi que celui tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces moyens pourront être écartés par adoption des motifs retenus aux points 14 et 15 du jugement attaqué.
Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pendant douze mois :
23. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de la décision refusant de leur délivrer un titre de séjour et de celles les obligeant à quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
24. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
25. Il ressort des énonciations des arrêtés en litige que le préfet du Rhône a conformément aux dispositions précitées du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, tenu compte des critères énoncés par ces dispositions non seulement pour décider de la durée des interdictions de retour sur le territoire français qu'il a fixée à douze mois mais également pour décider du prononcé de ces mesures dès lors que M. et Mme B... ont bénéficié d'un délai de départ volontaire de quatre-vingt-dix jours. Les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet, qui n'a fait que rappeler qu'une interdiction de retour sur le territoire français peut être prononcé pour une durée de trois ans maximum à l'encontre d'un étranger ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, se serait, par la seule référence à une durée maximale de trois ans, à tort fondé sur le premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement sans délai.
26. En troisième lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, la motivation des décisions d'interdiction de retour en litige atteste de la prise en compte par le préfet de la durée de la présence en France de M. et Mme B..., de la nature et des liens qu'ils entretiennent avec la France ainsi que de la circonstance qu'ils ont fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement. Si, ainsi que le soutiennent les appelants, le préfet a indiqué à tort que l'une de ces deux mesures n'a pas été assortie d'un délai de départ volontaire, il ressort des pièces du dossier qu'il aurait pris la même décision en se fondant sur la circonstance que les intéressés, compte tenu de la durée de leur présence sur le territoire et de la nature et des liens qu'ils entretiennent avec la France, ont déjà fait l'objet chacun de deux obligations de quitter le territoire français. Il ne ressort ni des arrêtés litigieux ni des pièces du dossier que, malgré cette erreur, le préfet n'aurait pas procédé à un examen de leur situation particulière avant d'édicter des interdictions de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, de l'erreur de fait et de l'erreur de droit, doivent être écartés.
27. En quatrième lieu, M. et Mme B... reprennent en appel le moyen tiré de la méconnaissance de leur droit d'être entendus préalablement à l'édiction des interdictions de retour sur le territoire français. Ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus au point 18 du jugement.
28. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 13 et 15 du présent arrêt.
29. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais du litige doivent en conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2007386-2007387 du 12 février 2021 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme B... à fin d'annulation de la décision lui refusant un titre de séjour.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon à fin d'annulation de la décision lui refusant un titre de séjour est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Mme C... D... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 janvier 2023.
Le rapporteur,
F.-X. Pin Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY01292