La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2023 | FRANCE | N°21LY00529

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 05 janvier 2023, 21LY00529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, transmis au même tribunal administratif, la réclamation de M. E... tendant à la décharge de

s mêmes impositions.

Par un jugement nos 1805117 - 2000645 du 31 décembre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, transmis au même tribunal administratif, la réclamation de M. E... tendant à la décharge des mêmes impositions.

Par un jugement nos 1805117 - 2000645 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer partiel, à concurrence de 11 386 euros, en ce qui concerne les conclusions relatives à l'impôt sur le revenu et rejeté le surplus des conclusions des demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 18 février 2021, et des mémoires, enregistrés le 8 septembre 2022, le 27 septembre 2022 et le 13 octobre 2022, M. E..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les revenus distribués, à raison de bénéfices non déclarés de la SARL Le Sporting, ne sont pas susceptibles d'être imposées sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts ;

- les revenus réputés distribués visés à l'article 109, 1, 1° du code général des impôts ne peuvent viser que les seuls revenus effectivement distribués à la date de clôture de l'exercice, soit au 31 octobre de chaque année ;

- les traitements informatiques opérés par l'administration, qui n'ont pas permis à la société de vérifier les calculs effectués par le service, n'étaient pas de nature à écarter la comptabilité de la SARL Le Sporting, laquelle est régulière et probante ;

- il ne lui a pas été proposé d'exécuter les traitements et calculs opposés par le service ;

- le service n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'existence et du montant de revenus réputés distribués ;

- la demande de substitution de base légale du ministre, tendant à ce que les revenus de capitaux mobiliers soient qualifiés de revenus d'origine indéterminée à hauteur de 57 000 euros au titre de l'année 2013 et de 43 600 euros au titre de l'année 2014, ne saurait être retenue dès lors qu'il a été privé de la garantie de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- si la cour devait faire droit à cette demande de substitution de base légale, il devrait être déchargé des compléments d'impôt sur le revenu en ce qu'ils excèdent ces sommes ;

- l'administration n'établit pas que le pli contenant la demande d'éclaircissements, qui constituait un préalable à la taxation d'office de revenus d'origine indéterminée, lui aurait été régulièrement notifié ;

- il apporte la preuve de l'origine de certains des revenus taxés d'office dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ;

- l'assiette et le recouvrement des contributions sociales assises sur les revenus distribués réintégrés dans ses revenus, qui ont la nature de revenus d'activité, échappent à la compétence de la direction générale des finances publiques ;

- l'application d'une majoration de 80 % en raison de manœuvres frauduleuses n'est pas justifiée ;

- l'application d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 octobre 2021, le 19 septembre 2022, le 3 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu en ce qui concerne les conclusions relatives aux contributions sociales et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- il sollicite que l'article 109, 1, 1° du code général des impôts soit substitué à l'article 111, c) s'agissant du fondement légal des revenus distribués ;

- les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, il sollicite une substitution de base légale, les sommes de 57 000 euros et de 43 600 euros déposées en espèces respectivement en 2013 et en 2014 sur les comptes bancaires de M. E..., taxées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, étant susceptibles d'être taxées d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales en tant que revenus d'origine indéterminée.

Un mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a été enregistré le 18 octobre 2022 et n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- e code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hakkar, représentant M. E... ;

Une note en délibéré, présentée pour M. E..., a été enregistrée le 2 décembre 2022 ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Le Sporting, qui exploite un bar-restaurant à Huez (Isère) et dont M. E..., son gérant, détient 99,80 % des parts, fait l'objet d'un contrôle inopiné, le 2 avril 2015, portant sur des constatations matérielles de l'existence et de l'état des moyens d'exploitation de l'entreprise, suivi d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er novembre 2011 au 30 octobre 2014, à l'issue de laquelle le vérificateur, après avoir écarté la comptabilité présentée comme étant non probante, a procédé à une reconstitution de ses chiffres d'affaires et de ses résultats afférents à l'activité de bar. En conséquence de ces rectifications, la société a été assujettie, selon la procédure contradictoire et à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. A la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle diligenté parallèlement à ce contrôle, M. E... a été assujetti, au titre des années 2012 à 2014, à des cotisations d'impôt sur le revenu résultant, d'une part, de la réintégration, effectuée selon la procédure contradictoire, dans ses bases imposables à l'impôt sur le revenu, d'omissions de recettes que l'administration a regardées comme des revenus distribués imposables entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, et, d'autre part, de la taxation d'office à l'impôt sur le revenu, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, de sommes créditées sur ses comptes bancaires. Par un jugement du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint la demande de M. E... et sa réclamation soumise d'office ayant le même objet, a constaté un non-lieu partiel sur ses conclusions relatives à l'impôt sur le revenu à concurrence de la somme de 11 386 euros, en droits et pénalités, dégrevé en cours d'instance au motif qu'une partie des revenus d'origine indéterminée taxés d'office se rapportait à des prêts familiaux, a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Dans le dernier état de ses écritures, M. E..., qui a renoncé à ses conclusions d'appel relatives aux contributions sociales dégrevées en cours d'instance, relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu maintenus à sa charge au titre des années 2012, 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes.

Sur les compléments d'impôt sur le revenu :

En ce qui concerne l'imposition des revenus distribués par la SARL Le Sporting :

S'agissant de la base légale des distributions et des années d'imposition :

2. L'administration a imposé les revenus distribués entre les mains de M. E... sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, aux termes duquel " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ".

3. Le ministre demande le maintien de l'imposition de ces sommes entre les mains de M. E... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers par substitution à la base légale initialement retenue des dispositions du 1° de l'article 109-1 du même code, selon lequel " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ".

4. Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe 2 au même code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ". Pour l'application du 1° du 1 l'article 109 du code général des impôts, les bénéfices sociaux visés par cette disposition sont présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, sauf si le contribuable ou l'administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, soit postérieure, soit antérieure à cette date. Le principe d'annualité de l'impôt sur le revenu ne fait pas obstacle à l'application de cette règle, dès lors que ni l'administration ni le contribuable, qui est imposé sur la base de fonds sociaux qu'il a appréhendés, ne sont en mesure d'établir qu'il doit être procédé à la répartition de ces sommes en fonction de la date à laquelle le contribuable en a effectivement disposé.

5. Il résulte de l'instruction que le résultat imposable de la SARL Le Sporting s'est élevé, après rectification opérée à l'issue de la vérification de comptabilité, à 67 099 euros au titre de l'exercice clos en 2012, à 149 851 euros au titre de l'exercice clos en 2013 et à 118 484 euros au titre de l'exercice clos en 2014 du fait de la réintégration dans ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés des omissions de recettes regardées comme des revenus distribués à M. E.... Ce bénéfice n'ayant pas été comptabilisé, il n'a été ni mis en réserve, ni incorporé au capital et entre, par suite, dans le champ d'application du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts. Dans ces conditions, M. E... n'ayant été privé d'aucune garantie, la substitution de base légale demandée par le ministre doit être accueillie.

6. En se bornant à soutenir, alors que les exercices comptables de la SARL Le Sporting ne coïncident pas avec l'année civile, ceux-ci ayant été clôturés au 30 octobre de chacune des années vérifiées, que l'administration fiscale ne pouvait, sans méconnaître le principe d'annualité de l'impôt, rattacher les distributions des mois de novembre et décembre de chaque exercice respectivement aux années 2012, 2013 et 2014, M. E... n'établit pas que la distribution des revenus dont il avait bénéficié se serait pas, en fait, intervenue à la date de clôture de chacun des exercices au terme desquels leur existence a été constatée. Il s'ensuit que l'administration doit être regardée comme établissant l'appréhension des bénéfices par M. E... dans la limite des sommes réintégrées dans le résultat imposable de la SARL Le Sporting, et, par voie de conséquence, l'existence de distributions à hauteur de ces mêmes bénéfices réintégrés, soit 86 011 euros au titre de l'année 2012, 159 232 euros au titre de l'année 2013 et 136 076 euros au titre de l'année 2014.

S'agissant du principe et du montant des distributions imposées :

7. La vérification de comptabilité de l'activité de bar qu'exploite la SARL Le Sporting a fait apparaître, sur l'ensemble des exercices vérifiés, de très nombreuses anomalies dans la gestion du logiciel de caisse. Le service a ainsi relevé, au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, la suppression respectivement de 3 431, 6 980 et 5 225 lignes de tickets après l'encaissement du montant correspondant à ces tickets ainsi que la modification, postérieurement aux heures de service, respectivement de 2 442, 6 114 et 4 025 lignes de tickets sur lesquelles les quantités vendues ont été diminuées. Il résulte des constatations effectuées par l'administration que ces suppressions et modifications des lignes de tickets ont systématiquement été effectuées, au moyen d'une manipulation informatique, tous les jours d'ouverture de l'établissement. En outre, le vérificateur a relevé que toutes les recettes ont été enregistrées, par défaut, avec un mode de règlement en espèce, sans tenir compte du moyen de paiement réellement utilisé. Si M. E... fait valoir qu'il n'a pas été possible à la société de vérifier par quels traitements informatiques le vérificateur a abouti aux constatations relevées, l'administration a toutefois exposé, de manière détaillée, en annexe 1 de chaque proposition de rectification, les différentes étapes qui, lors du traitement des données informatisées, ont été suivies par le vérificateur pour recenser, à partir des copies des données de caisse fournies par la société, les lignes de tickets supprimées postérieurement au règlement ainsi que celles qui ont été modifiées postérieurement au règlement et sur lesquelles ont été constatées des anomalies dans l'horodatage.

8. Eu égard aux éléments constatés par le service sur l'ensemble des exercices contrôlés, de nature à priver de son caractère sincère et probant l'ensemble de la comptabilité présentée, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que la comptabilité de SARL Le Sporting était dénuée de caractère probant et qu'elle devait être écartée au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.

9. Pour reconstituer les recettes de la SARL Le Sporting, l'administration, d'une part, a rétabli les montants encaissés tels qu'ils résultaient de la neutralisation des lignes de tickets frauduleusement supprimées et, d'autre part, a revalorisé les recettes éludées résultant des tickets modifiés postérieurement à l'encaissement et comportant une anomalie d'horodatage en augmentant a minima d'une unité les quantités vendues qui avaient été minorées. Le service a fixé le montant du chiffre d'affaires réalisé à, respectivement, 67 099 euros, 149 851 euros et 118 484 euros pour les exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ce qui représente un écart de, respectivement, 72 490 euros, 134 886 euros et 114 343 euros par rapport au chiffre d'affaires déclaré au titre de ces exercices. Si M. E... fait valoir que l'authenticité des données utilisées par l'administration n'est pas garantie, le vérificateur, dont la méthode a constitué à rétablir les fichiers tels qu'ils résultaient de la neutralisation des enregistrements frauduleusement supprimés ou modifiés, s'est fondé sur la propre comptabilité de la société en la retraitant systématiquement des altérations automatisées frauduleuses. En outre, contrairement à ce que soutient la société requérante l'administration a, dans les propositions de rectification, décrit de manière détaillée les traitements informatiques qu'elle a mis en œuvre pour parvenir aux rehaussements énoncés ci-dessus. Il suit de là que la méthode ainsi décrite, fondée sur des données propres de l'entreprise, n'apparaît ni sommaire, ni radicalement viciée et a permis de reconstituer valablement les chiffres d'affaires de la société au cours de la période vérifiée.

10. Il résulte de ce qui précède que l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve qui lui incombe de l'existence et du montant des recettes non déclarées par la SARL Le Sporting, lesquelles, n'ayant été ni mises en réserve ni incorporées au capital, ne sont pas demeurées investies dans la société et sont ainsi constitutives de distributions consenties par cette dernière, sont imposables sur le fondement du 1° de l'article 109-1 entre les mains de M. E... en sa qualité de maître de l'affaire qu'il ne conteste pas.

En ce qui concerne l'imposition des revenus d'origine indéterminée :

S'agissant de la régularité de la procédure de taxation d'office :

11. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable (...) des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. (...) ". Aux termes de l'article L. 69 de ce livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

12. Si le contribuable conteste qu'une décision lui a bien été notifiée, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste.

13. Le 29 septembre 2015, l'administration a adressé à M. E... une demande de justifications (imprimé n° 2172), par pli recommandé avec avis de réception au domicile du contribuable à Huez, adresse connue de l'administration. Il résulte des mentions portées sur ce pli qu'il a été acheminé le 30 septembre 2015 par le service postal à Hyères, en exécution d'un ordre de réexpédition temporaire donné par l'intéressé. Ce courrier a été retourné à l'administration, qui l'a reçue le 20 octobre 2015, l'enveloppe du pli recommandé étant revêtue d'une étiquette sur laquelle la case " pli avisé et non réclamé ", correspondant au motif de non-distribution, a été cochée. Si aucune date de première présentation n'est mentionnée sur l'avis de réception du pli, l'administration fiscale a produit en première instance une attestation établie le 12 novembre 2015 par la Poste qui certifie, en termes précis, que ce pli a été présenté le 1er octobre 2015 à l'adresse de réexpédition donnée du destinataire à Hyères et que, n'ayant pas été retiré dans le délai de mise en instance, il a été retourné à l'expéditeur le 17 octobre suivant. Si M. E... invoque une note interne de la direction du courrier de la Poste, qui préconise à ses services, en cas de non-distribution, de tenter de distribuer le courrier à l'adresse initiale du destinataire ayant donné un ordre de réexpédition temporaire de son courrier, il ne peut utilement se prévaloir de cette note de service dès lors qu'une telle obligation ne figure pas au nombre des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la demande de justifications formée par l'administration doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à M. E....

S'agissant du bien-fondé de l'imposition des revenus d'origine indéterminée :

14. La procédure de taxation d'office ayant été régulièrement appliquée à M. E..., il lui incombe, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition.

15. En premier lieu, M. E... fait valoir qu'une partie des revenus d'origine indéterminée demeurant en litige provient de prêts que lui auraient consentis Mme B... et M. C... à hauteur de 20 000 euros, pour l'année 2013, ainsi que M. F... et Mme A..., à hauteur de 30 000 euros pour l'année 2014. Toutefois, les seules attestations produites par M. E..., qui sont postérieures de plusieurs années aux années d'imposition concernées, ne suffisent pas à établir que les sommes qui lui auraient été versées par ces tiers auraient, comme il le soutient, la nature de prêts. M. E..., qui au demeurant ne verse aucun relevé bancaire attestant tant du débit de ses comptes ou crédit des comptes des tiers concernés, ne justifie pas davantage du remboursement partiel allégué de ces sommes. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a taxé d'office ces sommes en tant que revenus d'origine indéterminée.

16. En second lieu, si M. E... fait valoir que le service a été en mesure d'identifier les émetteurs de trois chèques qu'il a encaissés en 2013, pour un montant total de 25 000 euros, le requérant n'apporte aucune justification sur la nature des revenus des sommes en cause. Dès lors, ces sommes étaient imposables comme revenus d'origine indéterminée.

17. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre demande de substitution de base légale présentée à titre subsidiaire par le ministre en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée, que les conclusions présentées par M. E... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées doivent être rejetées.

Sur les pénalités :

18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

En ce qui concerne la majoration pour manœuvres frauduleuses appliquée aux revenus distribués :

19. Pour justifier l'application de la majoration de 80 % prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manœuvres frauduleuses aux compléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers auxquels M. E... a été assujetti au titre de l'année 2012, l'administration fait valoir qu'au cours du contrôle de la SARL Le Sporting, il a été constaté que la société a procédé à des manipulations très fréquentes du logiciel de caisse afin de dissimuler des recettes par la suppression ou la modification de lignes de tickets. Elle a relevé que ces anomalies ne pouvaient, compte tenu de leur nombre et de leur nature, et des modalités de fonctionnement du logiciel comptable, résulter que de l'utilisation délibérée par la société de la fonctionnalité permissive de ce logiciel, les opérations de suppression et de modification de tickets ayant affecté 36,75 %, 55,09 % et 47,19 % des tickets émis respectivement au cours des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 et que M. E..., gérant et détenteur de 99,80 % des parts de la société, était à l'origine de ces manipulations. Dès lors, l'administration apporte la preuve de l'existence d'agissements délibérés de M. E... ayant permis de dissimuler des opérations imposables portant sur des ventes payées ayant pour but d'égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle, justifiant l'application en l'espèce de la pénalité de 80 % pour manœuvres frauduleuses.

En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré appliquée aux revenus d'origine indéterminée :

20. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts aux compléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée auxquels M. E... a été assujetti au titre des années en litige, l'administration s'est fondée sur le caractère répété des omissions de déclaration de revenus et sur la circonstance que les revenus en cause représentaient une part importante de l'ensemble des ressources du contribuable. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant établi l'intention délibérée d'éluder une partie des impositions dont il était redevable, justifiant l'application des majorations en litige.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de l'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à son bénéfice.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2023.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00529


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00529
Date de la décision : 05/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-01-05;21ly00529 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award