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05/01/2023 | FRANCE | N°21LY00474

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 05 janvier 2023, 21LY00474


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Le Sporting a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er novembre 2011 au 30 octobre 2014. Le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, transmis au m

me tribunal administratif, la réclamation de cette société tendant à la déch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Le Sporting a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er novembre 2011 au 30 octobre 2014. Le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, transmis au même tribunal administratif, la réclamation de cette société tendant à la décharge des mêmes impositions.

Par un jugement n° 1805116-2000570 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 février 2021 et un mémoire enregistré le 15 septembre 2022, la SARL Le Sporting, représentée par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est pas dotée d'une comptabilité informatisée au sens des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle procède à la transmission manuelle des données des caisses à son comptable ; l'administration ne pouvait dès lors recourir à la procédure de contrôle inopiné et aux traitements informatiques prévus par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- le mandat confié à son expert-comptable ne conférait pas à ce dernier le pouvoir de choisir l'une des options posées par le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; elle n'a ainsi pas été mise en mesure d'exercer ce choix, de sorte que la procédure d'imposition est intervenue en méconnaissance de ces dispositions ainsi que de celles de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ;

- la lettre du 17 avril 2015 remise à son comptable ne donnait aucune indication précise sur la nature des traitements informatiques que le service souhaitait effectuer de sorte qu'elle n'a pas été suffisamment informée des investigations envisagées pour lui permettre d'effectuer un choix éclairé parmi les options offertes par le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- le vérificateur a procédé à un emport non autorisé de documents ;

- elle n'a pas eu connaissance des noms et adresses administratives des agents qui ont effectué les opérations de traitement informatique ;

- le procès-verbal prévu au II de l'article A. 47 A-3 du livre des procédures fiscales n'a pas été dressé ;

- l'administration, qui ne doit pas conserver de double des fichiers, ne lui a pas restitué avant la mise en recouvrement les clés USB qu'elle avait remises lors du contrôle ; elle n'a ainsi pas été mise en mesure de comparer les données qu'elle avait transmises au regard des données qui lui ont été restituées sous un autre format ni de vérifier les traitements opérés par l'administration ;

- les opérations de vérification ont été conduites sans qu'elle ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

- sa comptabilité est probante et régulière ;

- l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence et du montant des recettes dissimulées ;

- l'application d'une majoration pour mauvaise foi n'est donc pas justifiée.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Le Sporting ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a été enregistré le 3 octobre 2022 et n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hakkar substituant Me Tournoud, représentant la SARL Le Sporting ;

Une note en délibéré, présentée pour la SARL Le Sporting, a été enregistrée le 2 décembre 2022 ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Le Sporting, qui exploite un bar-restaurant à Huez (Isère) et qui a pour gérant M. A... B..., par ailleurs associé à hauteur de 99,80 % des parts, a fait l'objet d'un contrôle inopiné, le 2 avril 2015, portant sur des constatations matérielles de l'existence et de l'état des moyens d'exploitation de l'entreprise, suivi d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er novembre 2011 au 30 octobre 2014. Après avoir écarté la comptabilité regardée comme non probante et reconstitué les chiffres d'affaires et les résultats de l'activité bar de la société au titre de la période vérifiée, l'administration a réintégré, dans les chiffres d'affaires et les résultats déclarés, le montant des recettes omises révélées par ce contrôle. En conséquence de ces rectifications, la SARL Le Sporting a été assujettie, selon la procédure contradictoire, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er novembre 2011 au 30 octobre 2014 et à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, auxquels ont été appliqués l'intérêt de retard et des majorations pour manœuvres frauduleuses. La SARL Le Sporting relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations dont elles ont été assorties.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'existence d'une comptabilité informatisée :

2. Aux termes du IV de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements ". Aux termes du II de l'article L. 47 A du même livre : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées ". Doivent être regardés comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité, au sens de ces dispositions, dont les données sont soumises au contrôle qu'elles prévoient, les progiciels de comptabilité sur lesquels sont reportées les recettes journalières ainsi que les caisses ou équipements de nature comparable dotés de logiciels informatiques participant, même indirectement, à la centralisation des recettes journalières dès lors qu'ils concourent effectivement à l'établissement de la comptabilité. Est à cet égard sans incidence la circonstance que les données de ces caisses ou équipements ne soient pas transmises de manière informatique au progiciel de comptabilité.

3. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la période en litige, la SARL Le Sporting a utilisé deux caisses enregistreuses indépendantes, pour les activités respectivement de bar et de restaurant, équipées d'un logiciel informatique dénommé " Orchestra ", et à partir desquelles la société a enregistré les commandes, édité les reçus destinés aux clients, encaissé les recettes et procédé à l'édition des données de caisse journalières. Ces caisses, dotées d'un logiciel informatique participant à la centralisation des recettes journalières qui concourent ainsi à la formation des résultats comptables et fiscaux doivent, en conséquence, être regardées comme un système informatisé de tenue de comptabilité. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la SARL Le Sporting avait tenu sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, alors même que, comme le soutient la société requérante, son gérant élaborait manuellement, à partir des données informatisées des caisses, un état récapitulatif, sous format papier, transmis à un cabinet d'expertise comptable.

En ce qui concerne le contrôle inopiné :

4. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ". Aux termes du II de l'article A. 47 A-3 de ce livre : " I. - Les copies des fichiers réalisées en application du III de l'article L. 47 A, sur lesquelles une empreinte numérique est calculée afin d'en garantir l'intégrité, sont effectuées sur support physique. Chacune des copies est mise dans une enveloppe. Après fermeture, chacune des enveloppes est signée par le contribuable ou son représentant et par les agents de l'administration fiscale. Une enveloppe est remise au contribuable et conservée par ses soins. L'autre enveloppe est conservée par l'administration fiscale. Un procès-verbal, mentionnant notamment l'empreinte numérique de chacune des copies, est dressé par les agents de l'administration en double exemplaire. Il est signé par les agents de l'administration et par le contribuable ou son représentant. En cas de refus de signer, mention en est faite sur le procès-verbal. II. - A l'issue du délai mentionné à la seconde phrase du dernier alinéa de l'article L. 47, les deux enveloppes sont ouvertes en présence du contribuable ou de son représentant. L'empreinte numérique de chacune des copies est recalculée par les agents de l'administration. Toute atteinte ou tentative d'atteinte à l'intégrité des enveloppes ou de leur contenu ainsi que la conformité ou non de l'empreinte numérique de chaque copie de fichiers sont constatées par écrit. Un procès-verbal consignant ces constatations est dressé par les agents de l'administration en double exemplaire. Il est signé par les agents de l'administration et par le contribuable ou son représentant. En cas de refus de signer, mention en est faite sur le procès-verbal ".

5. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a, en présence du contribuable, dressé un procès-verbal le 17 avril 2015, par lequel il a relevé l'absence d'altération des données contenues dans les deux lots de clés USB sur lesquelles avaient été copiés des fichiers informatiques issus des caisses enregistreuses dans le cadre du contrôle inopiné réalisé le 2 avril 2015. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été procédé à l'établissement du procès-verbal prévu au II de l'article A. 47 A-3 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne la régularité de la vérification de comptabilité :

S'agissant des modalités selon lesquelles le contribuable a été appelé à exprimer son choix entre les différents modes de traitement :

6. Il résulte des dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, citées au point 2, que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en œuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.

7. D'une part, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 3 avril 2015, la SARL Le Sporting a demandé que la vérification de comptabilité dont elle faisait l'objet se poursuive au cabinet de son expert-comptable et donné mandat à celui-ci pour la représenter au cours des opérations de contrôle. Ce courrier comporte la signature de l'expert-comptable avec la mention manuscrite " bon pour acceptation du mandat ". Il suit de là que, contrairement aux allégations de la société requérante, l'expert-comptable n'a pas excédé les pouvoirs qui lui étaient conférés par ce mandat pour la représenter en remettant au vérificateur une copie des fichiers informatiques contenant la comptabilité de l'entreprise, après avoir opté en faveur du c du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.

8. D'autre part, par lettre du 17 avril 2015, remise en mains propres le même jour à l'expert-comptable de la société, l'administration fiscale a informé la SARL Le Sporting que, dans le cadre du contrôle sur place de sa comptabilité, elle souhaitait pouvoir mettre en œuvre pour la période vérifiée, conformément aux dispositions de l'article L. 47 A-II du livre des procédures fiscales, des traitements informatiques visant : " - à s'assurer de la cohérence et de l'exhaustivité des commandes, des ventes et règlements enregistrés ; / - à contrôler les taux de TVA appliqués aux articles vendus ; / - à suivre les flux matières par rapprochement entre les stocks, les entrées et les sorties de produits ; /- à contrôler les procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisses, notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés ; / ainsi que tout traitement destiné à valider la cohérence et l'exhaustivité des données requises pour ces différentes analyses ". Il ressort de ses termes mêmes que ce courrier identifiait les données sur lesquelles le vérificateur envisageait de conduire ses investigations ainsi que l'objet de celles-ci. Par suite, les informations contenues dans ce document apportaient à la société vérifiée, laquelle, ainsi qu'il a été dit au point précédent, avait délégué son expert-comptable pour la représenter, une connaissance suffisante de la nature des investigations envisagées par le vérificateur et lui permettaient d'effectuer un choix éclairé entre les trois options qui lui étaient ouvertes par les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.

S'agissant de l'information de la société sur les nom et adresse administrative de l'agent chargé des traitements informatiques :

9. Les dispositions citées au point 2 du dernier alinéa du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales n'imposent aucun formalisme particulier pour la communication du nom et de l'adresse administrative de l'agent chargé des traitements informatiques nécessaires au contrôle d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés. En l'espèce, cette communication a été régulièrement effectuée par l'administration dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'elle a informé la SARL Le Sporting des nom et adresse administrative de l'agent concerné par l'avis de vérification du 2 avril 2015 et l'état des constatations matérielles du même jour, auxquelles les propositions de rectification des 15 décembre 2015 et 24 mai 2016 font référence et dont la société n'a pas contesté l'existence ou la teneur au cours de la procédure contradictoire.

S'agissant des copies informatiques nécessaires aux opérations de contrôle et leur emport :

10. En premier lieu, résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que la SARL Le Sporting n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas autorisé le vérificateur, lequel n'a pas procédé à un emport de documents originaux, à prendre copie, sous forme dématérialisée, de documents comptables.

S'agissant de la restitution des copies informatiques nécessaires aux opérations de contrôle :

11. La SARL Le Sporting a, après avoir demandé, en application du c du II de l'article L. 47 A, que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise, a remis au vérificateur, les 10 juin 2015 et 31 juillet 2015, copie des fichiers de caisse, ce dont il a été accusé réception par courriers des 10 juin 2015 et 3 août 2015. Il résulte de l'instruction que, le 15 mai 2017, l'administration a restitué à la société, sur un CD-Rom non réinscriptible, les copies de l'ensemble de ces fichiers. Dès lors, doit être écarté comme manquant en fait le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas, en méconnaissance du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, restitué au contribuable les copies de ces fichiers avant la mise en recouvrement, intervenue en l'espèce le 15 juin 2017.

S'agissant des traitements informatiques effectués par l'administration :

12. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) En cas d'application des dispositions du II de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. (...) ". Il résulte de ces dispositions, ainsi que des termes mêmes de celles, précitées, de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales que, lorsqu'une société vérifiée choisit, en vertu du c du II de ce dernier article, de mettre à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle, l'administration est tenue de préciser, dans sa proposition de rectification, les fichiers utilisés, la nature des traitements qu'elle a effectués sur ces fichiers et les modalités de détermination des éléments servant au calcul des rehaussements, mais n'a l'obligation de communiquer ni les algorithmes, logiciels ou matériels qu'elle a utilisés ou envisage de mettre en œuvre pour effectuer ces traitements, ni les résultats de l'ensemble des traitements qu'elle a réalisés, que ce soit préalablement à la proposition de rectification ou dans le cadre de celle-ci.

13. La SARL Le Sporting a, ainsi qu'il a été dit, opté en faveur du c du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Il résulte de l'instruction que l'administration a, en annexe de chacune des deux propositions de rectification adressées à la société, précisé les fichiers qu'elle a utilisés, exposé la nature des traitements informatiques réalisés par ses soins et a joint à ces propositions de rectification un CD-Rom comprenant les résultats de ces traitements. Dans ces conditions, les propositions de rectification satisfont aux exigences du troisième alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et du c du II de l'article L. 47 A de ce livre.

S'agissant du débat oral et contradictoire :

14. Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

15. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de la SARL Le Sporting s'est déroulée dans les locaux du comptable à la demande de son gérant, formulée par courrier du 3 avril 2015. Il n'est pas contesté que le comptable ainsi que le gérant de la SARL Le Sporting ont rencontré le vérificateur à plusieurs reprises et ont notamment échangé sur les résultats des traitements informatiques réalisés par le service. La société requérante, qui se borne à reprendre les moyens écartés aux points 3 à 13, n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'elle aurait été privée de la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

16. Il résulte de l'instruction que les impositions contestées ont été établies suivant la procédure contradictoire et que les rectifications n'ont pas été acceptées. Dans ces conditions, il incombe à l'administration d'établir la preuve des irrégularités entachant la comptabilité de la SARL Le Sporting l'autorisant à reconstituer les résultats de celle-ci, et d'autre part, le bien-fondé de cette reconstitution.

S'agissant de la valeur probante de la comptabilité :

17. La vérification de comptabilité de l'activité de bar qu'exploite la SARL Le Sporting a fait apparaître, sur l'ensemble des exercices vérifiés, de très nombreuses anomalies dans la gestion du logiciel de caisse. Le service a ainsi relevé, au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, la suppression respectivement de 3 431, 6 980 et 5 225 lignes de tickets après l'encaissement du montant correspondant à ces tickets ainsi que la modification, postérieurement aux heures de service, respectivement de 2 442, 6 114 et 4 025 lignes de tickets sur lesquelles les quantités vendues ont été diminuées. Il résulte des constatations effectuées par l'administration que ces suppressions et modifications des lignes de tickets ont systématiquement été effectuées, au moyen d'une manipulation informatique, tous les jours d'ouverture de l'établissement. En outre, le vérificateur a relevé que toutes les recettes ont été enregistrées, par défaut, avec un mode de règlement en espèce, sans tenir compte du moyen de paiement réellement utilisé. Si la SARL Le Sporting fait valoir qu'il ne lui est pas possible de vérifier par quels traitements informatiques le vérificateur a abouti aux constatations relevées, l'administration a toutefois exposé, de manière détaillée, en annexe 1 de chaque proposition de rectification, les différentes étapes qui, lors du traitement des données informatisées, ont été suivies par le vérificateur pour recenser, à partir des copies des données de caisse fournies par la société, les lignes de tickets supprimées postérieurement au règlement ainsi que celles qui ont été modifiées postérieurement au règlement et sur lesquelles ont été constatées des anomalies dans l'horodatage. Dans ces conditions, eu égard aux éléments constatés par le service sur l'ensemble des exercices contrôlés, de nature à priver de son caractère sincère et probant l'ensemble de la comptabilité présentée, l'administration fiscale doit être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de l'existence de graves irrégularités entachant la comptabilité de SARL Le Sporting justifiant qu'il soit procédé à la reconstitution de ses chiffres d'affaires au cours de la période vérifiée.

S'agissant de la reconstitution des chiffres d'affaires et des résultats :

18. Il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les recettes de la SARL Le Sporting, le vérificateur, d'une part, a rétabli les montants encaissés tels qu'ils résultaient de la neutralisation des lignes de tickets frauduleusement supprimées et, d'autre part, a revalorisé les recettes éludées résultant des tickets modifiés postérieurement à l'encaissement et comportant une anomalie d'horodatage en augmentant a minima d'une unité les quantités vendues qui avaient été minorées. L'administration a fixé le montant du chiffre d'affaires réalisé à, respectivement, 67 099 euros, 149 851 euros et 118 484 euros pour les exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ce qui représente un écart de, respectivement, 72 490 euros, 134 886 euros et 114 343 euros par rapport au chiffre d'affaires déclaré au titre de ces exercices. Si la SARL Le Sporting fait valoir que l'authenticité des données utilisées par l'administration n'est pas garantie, le vérificateur, dont la méthode a constitué à rétablir les fichiers tels qu'ils résultaient de la neutralisation des enregistrements frauduleusement supprimés ou modifiés, s'est fondé sur les éléments issus de la propre comptabilité de la société en la retraitant systématiquement des altérations automatisées frauduleuses. En outre, contrairement à ce que soutient la société requérante l'administration a, dans les propositions de rectification, décrit de manière détaillée les traitements informatiques qu'elle a mis en œuvre pour parvenir aux rehaussements énoncés ci-dessus. Il suit de là que la méthode ainsi décrite, fondée sur des données propres de l'entreprise, n'apparaît ni sommaire, ni radicalement viciée et a permis de reconstituer valablement les chiffres d'affaires de la société au cours de la période vérifiée.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

19. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ".

20. Au cours de la vérification de comptabilité, l'administration a mis en évidence la réalisation de manipulations quotidiennes sur le logiciel de caisse qu'elle utilisait, par lesquelles la SARL Le Sporting a éludé une partie de ses recettes. Ces constatations ont révélé des insuffisances de chiffre d'affaires déclarés, la SARL Le Sporting s'étant abstenue de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée à hauteur de 59 600 euros au titre de la période comprise entre le 1er novembre 2011 et le 30 octobre 2014. Si la société requérante soutient que la preuve de l'existence et du montant des recettes dissimulées n'est pas rapportée en raison de l'absence de description du traitement informatisé mis en œuvre par l'administration et d'indication des données qu'elle a utilisées, il résulte de l'instruction que l'administration a, dans les propositions de rectification, exposé de manière détaillée les traitements qu'elle a effectués à partir des données comptables fournies par la société et que ces éléments sont de nature à établir l'existence de minorations de recettes. Dès lors, l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve qui lui incombe de ce que la taxe sur la valeur ajoutée dont la SARL Le Sporting était redevable à raison de ces recettes omises n'a été ni déclarée, ni collectée, et que le montant de taxe en cause pouvait ainsi lui être réclamé sur le fondement de l'article 256 du code général des impôts.

Sur les majorations :

21. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

22. Pour justifier l'application de la majoration de 80 % prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manœuvres frauduleuses aux impositions supplémentaires assignées à la SARL Le Sporting, l'administration fait valoir qu'au cours du contrôle, il avait été constaté que la société a procédé à des manipulations très fréquentes du logiciel de caisse afin de dissimuler des recettes par la suppression ou la modification de lignes de tickets. Elle a relevé que ces anomalies ne pouvaient, compte tenu de leur nombre et de leur nature, et des modalités de fonctionnement du logiciel comptable, résulter que de l'utilisation délibérée par la société de la fonctionnalité permissive de ce logiciel, les opérations de suppression et de modification de tickets ayant affecté 36,75 %, 55,09 % et 47,19 % des tickets émis respectivement au cours des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Dès lors, l'administration apporte la preuve de l'existence d'agissements délibérés de la SARL Le Sporting ayant permis de dissimuler des opérations imposables portant sur des ventes payées dans le but d'égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle, justifiant l'application en l'espèce de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses.

23. Il résulte de ce qui précède que SARL Le Sporting n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de SARL Le Sporting est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Sporting et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 janvier 2022.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00474


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00474
Date de la décision : 05/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-01-05;21ly00474 ?
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