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22/12/2022 | FRANCE | N°21LY00412

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 22 décembre 2022, 21LY00412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 14 août 2019 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse a ordonné la rétention des correspondances qu'il adresserait à M. B... E... et Mme D... C... en tant que cette décision porte sur ses courriers adressés à cette dernière.

Par jugement n° 1908100 du 8 décembre 2020, le tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 févr

ier 2021, le garde des Sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 14 août 2019 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse a ordonné la rétention des correspondances qu'il adresserait à M. B... E... et Mme D... C... en tant que cette décision porte sur ses courriers adressés à cette dernière.

Par jugement n° 1908100 du 8 décembre 2020, le tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 février 2021, le garde des Sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que :

- le jugement, qui est insuffisamment motivé, est irrégulier ;

- il convient de substituer au motif invoqué dans la décision du 14 août 2019 les motifs tirés, d'une part, de la nécessité de faire obstacle à une correspondance de nature à compromettre gravement la réinsertion de M. A... et, d'autre part, au maintien de la sécurité des personnes ; cette substitution de motifs ne prive pas M. A... de garantie ;

- contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, la sécurité des personnes ne concerne pas seulement la sécurité des personnes au sein de l'établissement pénitentiaire.

M. A... n'a pas, malgré l'invitation qui lui a été faite en ce sens, régularisé dans le délai d'un mois le mémoire présenté sans mandataire et enregistré à la cour le 22 mars 2021.

Par une ordonnance du 21 septembre 2022, l'instruction a été close le 11 octobre 2022.

Un mémoire produit par M. A... a été enregistré le 23 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 14 août 2019, le directeur du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse a ordonné la rétention des correspondances que M. A..., alors détenu dans cet établissement, adresserait à M. B... E... et Mme D... C.... M. A... a contesté devant le tribunal administratif de Lyon cette décision en tant qu'elle porte sur ses correspondances adressées à cette dernière. Le garde des Sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement du 8 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Sur le motif d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article 40 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, alors en vigueur : " Les personnes condamnées (...) peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix. / Le courrier adressé ou reçu par les personnes détenues peut être contrôlé et retenu par l'administration pénitentiaire lorsque cette correspondance paraît compromettre gravement leur réinsertion ou le maintien du bon ordre et la sécurité. En outre, le courrier adressé ou reçu par les prévenus est communiqué à l'autorité judiciaire selon les modalités qu'elle détermine (...) ". Aux termes de l'article R. 57-8-16 du code de procédure pénale : " Les personnes détenues peuvent correspondre par écrit tous les jours et sans limitation avec toute personne de leur choix (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-8-19 du même code : " La décision de retenir une correspondance écrite, tant reçue qu'expédiée, est notifiée à la personne détenue par le chef d'établissement au plus tard dans les trois jours (...) ". Ce dispositif permet à l'administration pénitentiaire, sans préjudice d'éventuelles mesures prises par le juge judiciaire, de restreindre au cas par cas la liberté de correspondance des détenus lorsqu'un courrier paraît compromettre gravement leur réinsertion ou le maintien du bon ordre et la sécurité.

3. D'autre part, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même la partie adverse de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le justiciable d'une garantie procédurale liée au motif substitué, le juge peut procéder à la substitution demandée.

4. Pour décider de retenir systématiquement toutes les correspondances adressées par M. A... à M. E... et à Mme C..., le directeur du centre pénitentiaire s'est fondé sur une instruction du Parquet en ce sens, qu'il avait sollicitée afin de protéger ces personnes. Le tribunal a annulé cette décision au motif qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que les courriers adressés par M. A... à Mme C..., et ayant justifié la décision litigieuse, relèveraient de l'une ou de l'autre de deux hypothèses prévues à l'article 40 de la loi pénitentiaire et permettant à l'administration de retenir une correspondance. Devant la cour, le ministre demande que soit substitué au motif initialement opposé par l'administration les motifs tirés d'une part, de la nécessité de faire obstacle à une correspondance de nature à compromettre gravement la réinsertion de M. A... et, d'autre part, au maintien de la sécurité des personnes. Toutefois, dès lors que la décision de rétention des courriers adressés par M. A... à Mme C... est systématique et prise a priori, le ministre ne justifie pas plus devant la cour que devant le tribunal d'un motif de nature à fonder légalement la décision.

5. Il résulte de ce qui précède que le garde des Sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le tribunal a annulé la décision du 14 août 2019 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse a ordonné la rétention des correspondances que M. A... adresserait à M. B... E... et Mme D... C... en tant que cette décision porte sur les courriers adressés à cette dernière.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du garde des Sceaux, ministre de la justice est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au garde des Sceaux, ministre de la justice et à M. F... A....

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2022.

La rapporteure,

A. G...Le président,

Ph. Arbarétaz

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 21LY00412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00412
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. - Exécution des jugements. - Exécution des peines. - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-22;21ly00412 ?
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