Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel la préfète de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", ou à défaut de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 2102173 du 9 décembre 2021, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 mai 2022, M. B..., représenté par Me Ben Hadj Younes, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", ou à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au profit de son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative ; les premiers juges n'ont pas visé son moyen nouveau soulevé dans son mémoire en réplique tiré du défaut d'examen préalable et particulier et ne l'ont pas examiné, alors qu'il n'était pas inopérant ;
- le refus de titre de séjour contesté est entaché d'une insuffisance de motivation ; il méconnait les dispositions de L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison d'un défaut d'examen de sa situation au regard de ces dispositions, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans leur application mais également compte tenu de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée entaché d'une insuffisance de motivation ; elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle est fondée.
Par un mémoire enregistré le 3 décembre 2022, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 décembre 2022, prise à la suite de la communication par le préfet de la Côte-d'Or du mémoire enregistré le 3 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2022 à 14 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 13 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;
- et les observations de Me Ioannidou, substituant Me Cano, pour le préfet de la Côte-d'Or.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République du Kosovo, né le 8 mai 1991, déclare être entré en France le 14 février 2017. Par un arrêté du 29 mars 2019, le préfet de la Côte-d'Or a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai et une interdiction de retour en France d'une durée d'un an. M. B... a alors présenté une demande tendant au bénéfice du statut de réfugié auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, rejetée par une décision du 11 juillet 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 6 novembre 2019. Par un arrêté du 10 octobre 2019, devenu définitif, le préfet de la Côte-d'Or a notamment de nouveau fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pour une durée d'un an. Par un arrêté du 19 juillet 2021, le préfet a refusé à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avec obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 9 décembre 2021 qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...). "
3. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 précité, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
4. Selon les termes de la décision contestée portant refus de titre de séjour, le préfet de la Côte-d'Or, pour examiner la demande de M. B..., sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1, a d'abord mentionné les éléments invoqués par l'intéressé tenant à la durée de sa présence en France et à la possession d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de plâtrier-peintre plaquiste signé avec la SAS B..., le 8 juin 2018. Ensuite, il a indiqué que l'intéressé avait fait l'objet de deux mesures d'éloignement qu'il n'avait pas exécutées, qu'il s'était maintenu en situation irrégulière, et que saisie pour avis d'une demande d'autorisation de travail, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, avait émis un avis défavorable par le motif que son employeur n'avait pas fourni l'intégralité des pièces demandées. Le préfet a en outre porté une appréciation sur la vie privée et familiale de l'intéressé en France. Toutefois, en s'abstenant d'analyser de manière circonstanciée la situation de l'intéressé conformément à ce qui a été dit au point 3 ci-dessus, sans préciser expressément que les éléments avancés par M. B..., qu'il avait analysés, ne constituaient pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels susceptibles de justifier son admission exceptionnelle au séjour en application de l'article L. 435-1 précité, il n'apparaît pas que le préfet de la Côte-d'Or, en dépit de ses observations, aurait suffisamment examiné la situation de l'intéressé au regard de ces dispositions. Faute pour l'administration de justifier d'un examen particulier de sa situation au regard de l'article L. 435-1 ci-dessus, M. B... est fondé à demander l'annulation du refus de séjour litigieux.
5. Par suite de ce qui vient d'être dit, et comme le soutient M. B..., l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2021 du préfet de la Côte-d'Or.
7. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, et après examen des autres moyens de la requête, n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " salarié ", en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, mais seulement de procéder au réexamen de la situation de ce dernier, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du même code, dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
8. Si M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, et que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, il n'y a toutefois pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme au titre des frais du litige. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or au titre des frais du litige doivent, en tout état de cause, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 9 décembre 2021 du tribunal administratif de Dijon et l'arrêté du 19 juillet 2021 du préfet de la Côte-d'Or sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2022.
Le rapporteur,
J. Chassagne
Le président,
V.-M. Picard La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01487
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