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15/12/2022 | FRANCE | N°21LY03748

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 décembre 2022, 21LY03748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de toutes les impositions supplémentaires mises à leur charge pour les années 2011 et 2012.

Par une ordonnance n° 2000717 du 21 septembre 2021, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 novembre 2021, le 2 juin 2022 et le 16 novembre 2022, M. et Mme C..., représentés p

ar Me Ceyhan, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de toutes les impositions supplémentaires mises à leur charge pour les années 2011 et 2012.

Par une ordonnance n° 2000717 du 21 septembre 2021, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 novembre 2021, le 2 juin 2022 et le 16 novembre 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Ceyhan, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lyon du 21 septembre 2021 ;

2°) de leur accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande devant le tribunal était recevable ;

- les impositions relatives à l'année 2012 ne peuvent faire l'objet d'un recouvrement dès lors que l'administration n'établit pas leur avoir envoyé un avis d'imposition ;

- ils n'ont bénéficié d'aucune distribution occulte.

Par un mémoire enregistré le 11 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande des intéressés n'était pas recevable ;

- les impositions litigieuses sont fondées.

Une ordonnance du 2 mai 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 2 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- les observations de Me Ceyhan, représentant M. et Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2011 et 2012, à l'issue duquel, par une proposition de rectification du 12 septembre 2014, l'administration leur a notifié des rehaussements au titre de ces deux années, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, à raison de revenus distribués par la SARL AK C... dont M. C... était le gérant jusqu'au 5 mai 2013. Ils relèvent appel de l'ordonnance du 21 septembre 2021 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Selon l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, le contribuable qui désire contester tout ou partie d'une imposition doit d'abord adresser une réclamation au service territorial de l'administration fiscale dont dépend le lieu d'imposition. Aux termes de l'article de l'article R. 196-3 du même livre : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ".

3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'avis d'imposition ou l'avis de mise en recouvrement par lequel l'administration porte les impositions à la connaissance du contribuable doit mentionner l'existence et le caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la réclamation prévue à l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que les délais de forclusion dans lesquels le contribuable doit présenter cette réclamation et, d'autre part, que la méconnaissance de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie est de nature à faire obstacle à ce que les délais prévus par les articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales lui soient opposables. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. Dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d'un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l'être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable. Le recours administratif préalable doit être présenté dans le délai prévu par les articles R. 196-1 ou R. 196-3 du livre des procédures fiscales, prolongé, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le contribuable, d'un an. Dans cette hypothèse, le délai de réclamation court à compter de l'année au cours de laquelle il est établi que le contribuable a eu connaissance de l'existence de l'imposition.

4. En réponse à une demande qui lui a été adressée par la cour, l'administration fiscale a produit la copie des avis d'imposition en litige.

En qui concerne les suppléments de prélèvements sociaux émis au titre de l'année 2012 :

5. L'avis d'imposition, qui mentionnait les voies et délai de recours, a été libellé au nom et à l'adresse des contribuables qui ne font état d'aucune circonstance particulière qui expliquerait qu'ils ne l'auraient pas reçu. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté comme tardives leurs conclusions tendant à la décharge des suppléments de prélèvements sociaux dont ils ont fait l'objet au titre l'année 2012.

En ce qui concerne les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux émis au titre de l'année 2011 :

6. Il ressort de ces documents que les avis d'imposition afférents à l'impôt supplémentaire sur le revenu de l'année 2011 et aux prélèvements sociaux 2011 comportent en bas de leurs dernières pages la mention suivante : " Si vous souhaitez contester le montant de votre impôt, faites votre réclamation depuis votre espace personnel sur impots.gouv.fr ou par courrier à votre centre des finances publiques (dans les conditions prévues aux articles R*190-1, R*196-1, R*196-3 du livre des procédures fiscales) ". De telles mentions ne sauraient être regardées comme ayant permis aux contribuables d'avoir été dûment informés du caractère obligatoire de la réclamation prévue à l'article R. 190-1 ainsi que des délais impartis pour la présenter en application des articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales. Ainsi, les requérants ne pouvaient se voir opposer la tardiveté de leur réclamation du 20 avril 2018, en ce qui concerne les impositions établies au titre de l'année 2011.

7. Le délai raisonnable issu du principe de sécurité juridique impose toutefois que le recours administratif préalable soit présenté dans le délai prévu par l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, prolongé, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le contribuable, d'un an. Il résulte de l'instruction, et notamment des écritures mêmes des intéressés qu'ils ont adressé une première réclamation à l'administration, le 22 mars 2017. Dans ces conditions, les requérants doivent être regardés comme ayant eu connaissance acquise de ces impositions au plus tard le 22 mars 2017. Leur réclamation présentée le 20 avril 2018 était ainsi recevable.

8. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée en tant qu'elle concerne les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

9. Il y a lieu de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande en décharge des impositions et pénalités en litige au titre de l'année 2011, présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Lyon.

10. En premier lieu, si les requérants soutiennent qu'aucun avis d'imposition pour l'année 2012 ne leur a été notifié alors qu'il s'agit d'un préalable obligatoire avant toutes mesures de recouvrement forcé, une telle circonstance est en tout état de cause sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige.

11. En second lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...). ".

12. L'administration fiscale a imposé entre les mains de M. C..., en tant que revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, les montants correspondants à des frais de voyages et déplacements qu'elle estimait indument pris en charge par la SARL AK C..., au motif que le versement de ces frais était dépourvu d'intérêt pour cette société. Toutefois, cette inscription qui ne répondait pas à l'exigence d'une comptabilisation explicite des avantages en nature au sens des dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts à défaut de mentionner leur caractère personnel, ne faisait pas obstacle à ce que les sommes versées fussent qualifiées de rémunérations et avantages occultes au sens du c de l'article 111 du même code, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Les requérants qui se bornent à faire valoir que M. C... n'étant plus gérant de la société était absent au moment du contrôle et qu'il incombait à la société de justifier des charges litigieuses n'apportent aucun élément permettant d'établir que les dépenses litigieuses n'auraient pas le caractère de revenus distribués. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que les frais exposés présentent le caractère de dépenses personnelles et n'ont pas été engagés dans l'intérêt de l'entreprise. Si les requérants font valoir que la société a passé les écritures comptables nécessaires concernant les frais de déplacements litigieux, il est constant que la SARL AK C... a comptabilisé ces dépenses comme un remboursement de frais professionnels. Une telle comptabilisation, alors que ces sommes correspondent à des dépenses personnelles de M. C..., ne répond pas à l'exigence d'une comptabilisation explicite des avantages en nature, telle qu'elle résulte des dispositions précitées de l'article 54 bis du code général des impôts. Par suite, la prise en charge de ces frais par la SARL AK C... constitue un avantage occulte taxable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du c. de l'article 111 précité du même code.

13. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander la décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge au titre des années 2011 et 2012. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2000717 du 21 septembre 2021 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lyon est annulée en tant qu'elle statue sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 2 : La demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2011 ainsi que des pénalités correspondantes présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

P.Dèche

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03748

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03748
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LEX EDERIM

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-15;21ly03748 ?
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