Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1807727 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer partiel à concurrence de 4 650 euros, en ce qui concerne les conclusions relatives aux contribution sociales, et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Angot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions maintenues à sa charge au titre des années 2012 et 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la proposition de rectification méconnaît l'exigence de motivation posée à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- la base légale du rehaussement est erronée ;
- l'administration n'établit pas qu'il a appréhendé les sommes en litige.
Par un mémoire, enregistré le 11 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
- dans l'hypothèse où la cour estimerait que les revenus en litige ne peuvent être imposés sur le fondement du 1° du l'article 109-1 du code général des impôts, il y a lieu de maintenir l'imposition des sommes créditées sur le compte courant d'associé de M. A... sur le fondement du 2° du l'article 109-1 du même code.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Compagnie d'études immobilières et d'investissements (CEII), qui avait pour activité le conseil en immobilier et la promotion immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2012, 2013 et 2014 à l'issue de laquelle M. A..., son gérant et principal associé, qui détenait 92 % des parts, a été assujetti, au titre des années 2012 et 2013, à des compléments d'impôt sur le revenu résultant de l'inclusion dans ses bases imposables dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers de sommes de, respectivement, 6 712 euros, 9 916 euros et 5 800 euros que l'administration a regardées comme des bénéfices distribués imposables entre ses mains sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts et corrélativement soumises au prélèvements sociaux. Par un jugement du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté que les conclusions relatives aux prélèvements sociaux et aux pénalités correspondantes étaient partiellement devenues sans objet du fait d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A.... Celui-ci relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti de ce chef au titre des années 2012 et 2013.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse à ses observations, consécutive à un précédent contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.
3. M. A... soutient que la proposition de rectification méconnaît l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
4. En l'espèce, la proposition de rectification du 30 novembre 2015 adressée à M. A... mentionne, s'agissant des rehaussements procédant de l'imposition des revenus distribués par la SARL CEII, la nature des impôts concernés, les dispositions applicables, la catégorie d'imposition retenue, les années d'imposition et le montant global des bases imposables. Cette proposition reproduit également le tableau récapitulatif des charges figurant dans la proposition de rectification adressée à la SARL CEII. Ce tableau de synthèse, retraitant les informations communiquées par la SARL CEII, fait apparaître le montant total des frais de M. A... comptabilisés, admis sur justificatifs et rejetés en l'absence de justificatifs, sans identifier précisément les frais rejetés en l'absence de justificatifs. En s'abstenant de fournir ces éléments, l'administration n'a pas mis M. A... à même d'engager utilement une discussion contradictoire avec le service. Dans ces conditions, la proposition de rectification qui a été personnellement adressée au contribuable ne peut être regardée comme étant, par elle-même, suffisamment motivée. La circonstance que M. A... ait reçu le même jour la proposition de rectification adressée à la SARL CEII n'est pas de nature à remédier à l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification qui lui a été adressée dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle était accompagnée de la copie des tableaux annotés par M. A... détaillant les charges de la SARL CEII qui ont été remis et restitués lors du dernier entretien avec le vérificateur. Si une copie de la proposition de rectification du 30 novembre 2015 concernant la SARL CEII était annexée à la proposition de rectification adressée à M. A... qui s'y référait expressément, ce document, auquel ne sont pas joints la copie des tableaux récapitulatifs de charges fournis par la SARL CEII, ne comporte pas davantage le détail des charges rejetées en l'absence de justificatifs. Il suit de là que cette proposition de rectification ne respecte pas non plus l'exigence de motivation prescrite par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la proposition de rectification adressée à M. A... ne respecte pas l'exigence de motivation requise par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales s'agissant des rectifications notifiées sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et que les impositions procédant de ces rectifications ont été établies suivant une procédure irrégulière.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen invoqué dans la requête et la demande de substitution de base légale présentée par le ministre, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 du fait de la réintégration dans ses revenus imposables des sommes imposées sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts et des pénalités correspondantes.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... dans l'instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : M. A... est déchargé des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 résultant de la réintégration dans ses revenus imposables des sommes imposées sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts et des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement du 16 septembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.
La rapporteure,
R. Caraës
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03601