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15/12/2022 | FRANCE | N°21LY01941

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 15 décembre 2022, 21LY01941


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois.

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'an

nuler l'arrêté du 18 mai 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois.

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 mai 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois.

Par un jugement n° 2100473-2100474-2101279-2101280 du 2 mars 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a renvoyé à une formation collégiale les conclusions dirigées contre les arrêtés en tant qu'ils refusaient la délivrance d'un titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.

Par un jugement n° 2100473-2100474 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour.

Procédure devant la cour

I - Par une requête, enregistrée le 11 juin 2021 sous le n° 21LY01941, M. D... et Mme B..., représentés par Me Borges de Deus Correia, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100473-2100474-2101279-2101280 ;

2°) d'annuler les décisions les obligeant à quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et les assignant à résidence prises par le préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, à défaut, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le préfet a commis une erreur de fait ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et complet de leur situation ;

- les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

II - Par une requête, enregistrée le 3 août 2021, sous le n° 21LY02692, M. D... et Mme B..., représentés par Me Borges de Deus Correia, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100473-2100474 ;

2°) d'annuler les décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, à défaut, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le préfet a commis une erreur de fait ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et complet de leur situation ;

- les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, les requêtes ont été dispensées d'instruction.

M. D... et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juillet 2021.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Caraës, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant macédonien né le 28 février 1997, est entré en France le 8 avril 2010 alors qu'il était mineur accompagné de ses parents. Le 20 octobre 2015, il a sollicité le bénéfice de l'asile sous l'identité de M. C... E... ressortissant du Kosovo. Par une décision du 20 octobre 2015, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande, décision confirmée le 20 avril 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un jugement du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 17 août 2016 par lequel le préfet de l'Isère a refusé d'admettre M. D... au séjour à la suite du rejet de sa demande d'asile et l'a obligé à quitter le territoire français, et a enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Si M. D... s'est présenté en préfecture le 3 octobre 2017, il n'a pas pu retirer son titre de séjour établi au nom de M. C... E.... A la suite d'un contrôle routier, le 3 avril 2018, le préfet de l'Isère a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence. Par un jugement du 13 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a confirmé la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et a annulé les décisions portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français et l'assignant à résidence. Par un arrêté du 17 avril 2018, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 juin 2018, le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Interpellé le 27 mai 2018 pour des faits de vol et placé en centre de rétention, il a été éloigné à destination de son pays d'origine le 6 juin 2018. Mme A... B..., ressortissante macédonienne née le 18 septembre 1995, est entrée en France selon ses déclarations le 8 septembre 2013. Le 23 octobre 2013, elle a sollicité le bénéfice de l'asile. Par une décision du 28 avril 2014, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant en procédure prioritaire en application de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a rejeté sa demande. Le 4 juillet 2014, le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Le 10 juillet 2017 et le 14 janvier 2019, Mme B... et M. D... ont sollicité, chacun en ce qui le concerne, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des arrêtés du 3 juin et du 18 mai 2020, le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par des arrêtés du 25 février 2021, le préfet de l'Isère les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 2 mars 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a renvoyé à une formation collégiale les conclusions dirigées contre les arrêtés en tant qu'ils refusaient la délivrance d'un titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions des demandes présentées par M. D... et Mme B.... Par un jugement du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes dirigées contre les refus de délivrance d'un titre de séjour. M. D... et Mme B... relèvent appel de ces jugements.

2. Les requêtes susvisées présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

3. Si les décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français contestées prises à l'encontre de M. D... et Mme B... mentionnent que le couple a trois enfants alors qu'un quatrième enfant issu de cette union est né le 10 décembre 2019, cette erreur ne suffit pas à établir que le préfet de l'Isère se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation des requérants, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision et aurait procédé à la même appréciation de la consistance de la vie privée et familiale des requérants s'il avait pris en compte la naissance et la présence d'un quatrième enfant en France.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. D... et Mme B... se prévalent de la durée de leur séjour et de leur intégration en France. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. S'il n'est pas contesté que M. D... est entré en France en 2010 alors qu'il était mineur, il a fait l'objet d'obligations de quitter le territoire français les 3 et 17 avril 2018 et, à la suite de son interpellation pour des faits de vol, a été éloigné à destination de son pays d'origine le 6 juin 2018 et n'établit pas être entré à nouveau en France régulièrement. Sa compagne, Mme B..., a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 4 juillet 2017. M. D... et Mme B... ne justifient pas d'une insertion particulière dans la société française et ce alors que M. D... est connu défavorablement des services de police pour un refus par le conducteur d'obtempérer à une sommation de s'arrêter commis le 30 juillet 2017, a été interpellé le 3 avril 2018 au volant d'un scooter volé puis, comme il a été dit, le 27 mai 2018 pour des faits de vol. Si M. D... fait valoir que ses parents et ses sœurs résident en France régulièrement, le préfet de l'Isère a indiqué, dans un courrier du 30 janvier 2018, que les parents de M. D... avaient obtenu le statut de réfugié de manière frauduleuse et qu'ils ne bénéficiaient plus de ce statut depuis une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 26 novembre 2013 rejetant le recours formé contre la décision du 21 octobre 2010 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant leur demande d'asile et qu'une procédure de retrait de titres était en cours. Par suite, et alors que Mme B... n'établit pas être dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Macédoine dont tous les membres de la famille ont la nationalité. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les décisions en litige ne portent pas au droit de M. D... et Mme B... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Dès lors, elles n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Rien ne fait obstacle à ce que les quatre enfants de M. D... et Mme B... puissent vivre en Macédoine et y poursuivre leur scolarité. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble et le tribunal administratif de Grenoble ont rejeté leurs demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. D... et Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à Mme A... B.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01941-21LY02692


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01941
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-15;21ly01941 ?
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