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13/12/2022 | FRANCE | N°21LY03092

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 13 décembre 2022, 21LY03092


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... F... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le maire de Divonne-les-Bains a délivré un permis de construire un immeuble collectif de trois logements à M. A... D....

Par un jugement avant-dire-droit du 17 septembre 2020, le tribunal a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur la requête de M. et Mme F..., pour permettre la notification au tribunal d'un acte régu

larisant le vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article Uc 6...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... F... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le maire de Divonne-les-Bains a délivré un permis de construire un immeuble collectif de trois logements à M. A... D....

Par un jugement avant-dire-droit du 17 septembre 2020, le tribunal a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur la requête de M. et Mme F..., pour permettre la notification au tribunal d'un acte régularisant le vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article Uc 6 du règlement du plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1909376 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande, ainsi que les conclusions en annulation des permis de construire modificatifs des 4 août 2020, 16 décembre 2020 et 25 février 2021.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 septembre 2021, 8 mars 2022, 1er avril 2022, 17 juin 2022 et 29 septembre 2022, M. et Mme F..., représentés par Me Laurent, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté initial du 3 octobre 2019, par lequel la commune de Divonne-les-Bains a accordé à M. D... un permis de construire, ainsi que les arrêtés des 4 août 2020, 16 décembre 2020 et 25 février 2021, par lesquels elle lui a accordé quatre permis de construire modificatifs ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Divonne-les-Bains une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils étaient recevables à demander, postérieurement au jugement avant-dire-droit, l'annulation du permis de construire modificatif n° 1, délivré le 4 août 2020, dès lors qu'ils n'ont pas disposé d'un délai de deux mois pour en solliciter l'annulation avant le jugement avant-dire-droit, ni en tout état de cause d'un délai suffisant avant la clôture de l'instruction précédant ce jugement ; en outre, le visa erroné du PLU au lieu du PLUiH les a induits en erreur ; à défaut, les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, garantissant le droit à un procès équitable et à un recours effectif, ont été méconnus ;

- ce permis modificatif n° 1 est illégal, dès lors qu'en tentant de régulariser l'illégalité affectant les toitures-terrasses, il aggrave la non-conformité du permis initial par rapport au PLUiH en terme de hauteur et témoigne d'une volonté de tromper le service à cet égard, puisque le projet n'est conforme ni au document d'urbanisme initial, s'agissant des toitures-terrasses, ni au PLUiH en ce qui concerne la hauteur ;

- le permis modificatif n° 2, accordé le 16 décembre 2020, méconnaît l'article UG7 du règlement du PLUiH, dès lors que dix places de stationnement devaient être réalisées, au regard de l'arrondi supérieur s'appliquant aussi bien aux places imposées pour les logements qu'à celles prévues pour les visiteurs et que le permis de construire litigieux ne prévoit que neuf places et aucun arbre à haute tige n'est prévu au droit de l'espace de stationnement modifié ; les dispositions de l'article UG6 du PLUiH relatives aux arbres à haute tige à implanter en fonction des surfaces d'espaces libres sont méconnues, le dossier de permis modificatif étant frauduleux à cet égard puisqu'il mentionne un arbre à conserver, lequel a en réalité été abattu ; l'implantation prévue vient davantage occulter la vue du chalet fleuri depuis la rue Guy de Maupassant, en méconnaissance des articles UG5 du PLUiH et L. 151-19 du code de l'urbanisme, et alors que le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) n'a pas été consulté ;

- le permis modificatif n° 3, accordé le 16 décembre 2020, est illégal car le dossier ne comporte aucune information sur les caractéristiques et les dimensions du portail projeté, qui s'assimile à une clôture ; des modifications ont été opérées s'agissant des places de stationnement et le permis de construire méconnaît de ce fait l'article UG 7 s'agissant de la largeur minimale des zones de manœuvre des aires de stationnement ;

- le permis modificatif n° 4, accordé le 25 février 2021, est également illégal, en raison de l'insuffisance des places de stationnement, de l'insuffisance de la largeur de la zone de manœuvre de l'aire de stationnement et de l'absence d'arbres au sein de l'espace de stationnement ; ce permis modificatif supprime le local pour le stationnement des cycles prévu au sous-sol et méconnaît en tout état de cause l'article UG7 du règlement du PLUiH, dès lors qu'il ne fait pas apparaître de local à cette fin, situé au rez-de-chaussée et conforme à ces dispositions ; l'implantation prévue n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme au regard du chalet fleuri, le projet présente une incompatibilité grave et manifeste avec les prescriptions de l'orientation d'aménagement et de programmation patrimoniale ;

- la maison voisine de la leur a été par erreur identifiée comme bâtiment remarquable en lieu et place de la leur, ce qui a empêché les services d'apprécier correctement l'existence d'une méconnaissance des articles UG5 du PLUiH et de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme ; les permis de construire modificatifs n° 2 et 4 ont aggravé cette méconnaissance ;

- le CAUE n'a, de nouveau, pas été consulté à l'occasion des différents permis de construire modificatifs alors que différentes modifications apportées au projet initial s'affranchissent de ses prescriptions, notamment en ce qui concerne le respect des cônes de vue et des distances avec les bâtiments existants et le chemin d'accès, et en ce qui concerne le retrait du dernier étage et l'implantation du parking en limite de leur terrain ;

- les permis de construire modificatifs n° 5 et 6 n'ont pas régularisé les irrégularités relevées à l'encontre des précédents et sont eux-mêmes entachés d'irrégularités, notamment en ce que les dispositions du PLUiH concernant le coefficient d'emprise au sol ne sont pas respectés (article UG4) et le permis de construire modificatif entaché de fraude à cet égard, une parcelle étant comprise à tort dans la superficie du terrain ;

- le vice entachant le permis initial n'a pas été valablement régularisé.

Par des mémoires enregistrés les 21 décembre 2021, 9 mai 2022 et 16 septembre 2022, la commune de Divonne-les-Bains, représentée par Me Pyanet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen tiré du défaut de saisine du CAUE n'est pas recevable au regard de la cristallisation des moyens prévus à l'article R 600-5 du code de l'urbanisme et que les autres moyens de la requête sont inopérants ou ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 8 mars 2022 et le 9 mai 2022, M. D..., représenté par Me Merotto, conclut à titre principal au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, subsidiairement, à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et se prévaut de deux nouveaux permis de construire modificatifs, n° 5 et 6, le premier portant uniquement sur une modification du coefficient d'emprise au sol lui permettant de revenir à celui approuvé dans le permis initial, outre une redistribution des huit places de parking et le second mentionnant d'une manière graphique des cotes supplémentaires sur les plans, permettant ainsi de confirmer la régularité des décisions antérieures.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 14 octobre 2022, par une ordonnance du 29 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me Laurent, représentant M. et Mme F..., celles de Me Teyssier, représentant la commune de Divonne-les-Bains, et celles de Me Frigière substituant Me Merotto, représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F... ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le maire de Divonne-les-Bains a délivré un permis de construire un immeuble collectif de trois logements en R +2 à M. A... D.... Le 4 août 2020, en cours d'instance devant le tribunal administratif, un permis modificatif n° 1 a été accordé au pétitionnaire. Par un jugement du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon, qui a pris en compte ce permis modificatif pour apprécier la légalité du permis de construire du 3 octobre 2019, a sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dans l'attente de la régularisation par M. D... de l'unique vice retenu à l'issue de ce jugement, tiré de la méconnaissance de l'article Uc 6 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) applicable à la date du permis de construire initial, relatif à la règle de recul minimum de 5 mètres par rapport aux voies privées ouvertes à la circulation. Suite à ce jugement, dont M. et Mme F... ne relèvent pas appel, M. D... a transmis au tribunal administratif trois mesures de régularisation, intitulées respectivement permis modificatif n° 2, permis modificatif n° 3 et permis modificatif n °4, les deux premiers étant en date du 16 décembre 2020 et le dernier en date du 25 février 2021. Par un jugement du 22 juillet 2021 dont M. et Mme F... relèvent appel, le tribunal administratif, mettant fin à l'instance, a rejeté leur requête, après avoir constaté que l'irrégularité relevée dans le jugement avant-dire droit du 17 septembre 2020 avait été régularisée tant par le " permis modificatif " n° 3 que le " permis modificatif " n° 4. Il a estimé que, dans ces conditions, bien que le " permis modificatif " n° 2 soit entaché d'un vice tenant à la méconnaissance de l'article UG 4 du plan local d'urbanisme intercommunal tenant lieu de programme local de l'habitat (PLUiH) désormais applicable, il n'y avait pas lieu d'envisager une mesure de régularisation. Au cours de la présente instance, trois permis de construire modificatifs, n° 5, 6 et 7, sont intervenus les 7 février, 1er avril et 14 septembre 2022, dont les requérants ne demandent pas l'annulation.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'à compter de la décision par laquelle le juge administratif sursoit à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour régulariser le permis de construire, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge, peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de la mesure de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'elle n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant-dire-droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant-dire-droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. ".

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les requérants ont reçu notification, le 18 août 2020, dans le cadre de la procédure contentieuse devant le tribunal administratif, du permis de construire modificatif n° 1 délivré le 4 août 2020, et dont le dossier de demande leur avait été communiqué au titre des pièces jointes au mémoire de M. D... enregistré le 22 mai 2021, soit dans un délai suffisant pour leur permettre de le contester dans la même instance s'ils s'y croyaient fondés. Il appartenait au tribunal de prendre en compte, dans l'analyse des moyens invoqués contre le permis initial, les évolutions apportées par ce premier permis modificatif. M. et Mme F... n'ont présenté de conclusions tendant à l'annulation de ce permis modificatif, ou de moyens contestant sa légalité, que par un mémoire enregistré le 14 octobre 2020, soit postérieurement au jugement du 17 septembre 2020 par lequel le tribunal a fait usage de la possibilité de surseoir à statuer prévue par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, et alors même qu'ils n'ont pas disposé d'un délai de deux mois pour contester ce permis de construire modificatif et que, ainsi que dit précédemment, le tribunal a pris en compte les modifications qu'il a apportées, les requérants étaient irrecevables à saisir le tribunal, après le jugement avant-dire-droit, de conclusions dirigées contre le permis de construire modificatif n° 1. La circonstance que ce permis de construire modificatif n° 1 aurait, à tort, visé le PLU plutôt que le PLUiH, qui était devenu applicable, est sans incidence sur l'application de ces règles, lesquelles ne méconnaissent pas le droit à un procès équitable et au recours effectif protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors, notamment, que M. et Mme F... pouvaient présenter des conclusions aux fins d'annulation du permis de construire modificatif n° 1 et, le cas échéant, critiquer de nouveau la légalité de ces deux actes en relevant appel du jugement du 17 septembre 2020 prononçant le sursis à statuer, ce qu'ils n'ont pas fait. Il en résulte que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en ce qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions tendant à l'annulation de ce permis modificatif n°1 doit être écarté.

Sur la légalité du permis initial du 3 octobre 2019 et ses modifications :

En ce qui concerne le permis de construire initial et le permis modificatif n° 1 :

6. Ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 5 ci-dessus, à compter du jugement prononçant un sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, seuls des moyens dirigés contre les mesures de régularisation notifiées par les parties suite à ce jugement peuvent être invoqués. Aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant-dire-droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation, ne peut être soulevé. Il en va de même en appel, dans le cadre de la contestation du jugement mettant fin à l'instance lorsqu'il n'est pas relevé appel du jugement prononçant un sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, M. et Mme F... ont seulement relevé appel du jugement du 22 juillet 2021 mettant fin à l'instance et n'ont pas relevé appel du jugement du 17 octobre 2020 prononçant un sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme sur leurs conclusions dirigées contre le permis construire initial et du permis modificatif n° 1, alors qu'il leur était loisible de le faire dans le même délai. Par suite, ils ne peuvent utilement mettre en cause la légalité du permis de construire initial et du permis modificatif n° 1 en faisant valoir des moyens étrangers à la régularisation du vice relevé par le tribunal administratif dans le jugement du 17 septembre 2020.

En ce qui concerne les mesures de régularisation produites devant le tribunal administratif suite au jugement de sursis à statuer du 17 septembre 2020 :

S'agissant de la deuxième mesure de régularisation (PCM 3) du 16 décembre 2020 :

7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté intitulé " permis modificatif n° PC 00I 14319 J0036 M03 ", délivré le 16 décembre 2020, vise à régulariser le vice retenu dans le jugement avant-dire-droit du 17 septembre 2020 tenant à la méconnaissance des règles de recul imposées par le plan local d'urbanisme applicable à la date du permis initial par rapport aux voies privées ouvertes à la circulation publique, en prévoyant l'installation d'un portail à l'entrée de la voie privée en question, pour en restreindre l'accès. La demande de permis de construire en question indique, dans le formulaire CERFA complété conformément à l'article A. 431-7 du code de l'urbanisme, que les modifications apportées au projet ont pour unique objet l'installation de ce portail, dont elle précise la largeur et le retrait par rapport à la rue Guy de Maupassant, tout en mentionnant que la surface de plancher, les espaces verts, l'emprise, les raccordements aux réseaux et le nombre de places de stationnement ne sont pas modifiés, le formulaire en question, dans sa version produite par la commune, indiquant à cet effet que le projet présente, avant comme après modification, quatre places de stationnement non couvertes ou non closes. L'arrêté faisant droit à cette demande précise que la demande a pour objet la pose d'un portail.

8. En premier lieu, dès lors que l'arrêté du 16 décembre 2020 présenté comme octroyant un permis de construire modificatif n° 3 a eu pour seul effet d'autoriser l'implantation de ce portail, les moyens, relatifs à l'ajout d'une place de stationnement en surface et à l'impact de la modification du local poubelle sur l'aire de manœuvre, sont inopérants comme étrangers à l'objet de ce permis modificatif. Il en va de même s'agissant du moyen tiré de ce que les plans du dossier de demande feraient apparaître, de manière frauduleuse, un arbre qui a été abattu.

9. En deuxième lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

10. D'une part, le dossier de demande de permis modificatif précise la largeur du portail projeté et indique qu'il sera coulissant, et le plan de masse mentionne que les clôtures et la haie existantes sont conservées. En outre, il ressort des pièces du dossier, qu'à la demande du service instructeur, M. D... a précisé les matériaux, teintes et hauteur du portail, dont il a précisé qu'il devait être ajouré. D'autre part, les dispositions de l'article UG 5 du règlement du PLUiH, approuvé par délibération du 27 février 2020 du conseil de la communauté d'agglomération du Pays de Gex, en vigueur à la date du permis modificatif contesté, dont se prévalent les requérants, concernent les clôtures, et non un portail implanté sur une voie de circulation et ayant vocation à en fermer l'accès au public. Les dispositions du règlement de ce PLUiH ne règlementent, par ailleurs, pas les portails, sauf en zone naturelle, qualification qui ne s'applique pas à la zone d'implantation du projet. Ainsi, M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que le dossier de demande de permis modificatif aurait été incomplet au motif qu'il ne permettait pas à l'administration de statuer en toute connaissance de cause sur la méconnaissance éventuelle d'une règle du règlement du PLUiH.

11. Il suit de là que les moyens tirés des vices propres du permis modificatif n° 3 doivent être écartés. En outre, le vice entachant le permis initial et tenant à la méconnaissance des règles de recul des constructions par rapport aux voies privées ouvertes à la circulation, énoncées initialement à l'article Uc 6 du règlement du plan local d'urbanisme, en vigueur à la date de délivrance du permis initial, et reprises désormais à l'article UG4 du règlement du PLUiH, a été régularisé par cette deuxième mesure de régularisation (présentée comme le " permis modificatif n° 3 "), puisque la voie en question n'est désormais plus ouverte à la circulation publique, compte tenu de la pose d'un portail. Il suit de là que les conclusions tendant à l'annulation du permis initial et de cette mesure de régularisation doivent être rejetées.

S'agissant de la troisième mesure de régularisation (PCM 4) du 25 février 2021 :

12. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté, intitulé " permis modificatif n° PC 00I 14319 J0036 M04 ", prévoit une régularisation du vice affectant le permis initial par une modification de l'implantation de la construction, avec un éloignement porté à huit mètres par rapport à la voie privée ouverte à la circulation du public. Il résulte des informations figurant sur le formulaire CERFA, et précisées par la notice jointe à la demande de permis modificatif, que l'emprise, les raccordements aux réseaux et la surface de plancher ne sont pas modifiés, alors qu'en revanche la configuration du bâtiment et de ses abords, et notamment l'organisation du stationnement et des espaces verts, évolue.

13. En premier lieu, à l'appui de leurs conclusions, M. et Mme F... reprennent le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UG 6 du règlement du PLUiH relatif au nombre d'arbres de haute tige requis en fonction du nombre de mètres carrés d'espaces libres. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

14. En deuxième lieu, alors que le permis initial, inchangé sur ce point par le permis de construire modificatif n° 1, prévoyait huit places de stationnement, dont quatre en extérieur, la troisième mesure de régularisation autorise la réalisation de neuf emplacements de stationnement, dont six à l'extérieur. Les requérants soutiennent que ces emplacements sont insuffisamment nombreux au regard des exigences de l'article UG 7 du règlement du PLUiH, qui détermine, s'agissant des habitations, le nombre d'emplacements à créer en fonction du nombre et de la taille des logements, avec, en l'espèce, 2,5 places par logement de type " T 3 et plus ", auxquelles s'ajoutent 20 % de places supplémentaires pour les visiteurs. Il résulte toutefois de l'application de ces règles, sans qu'il y ait lieu d'arrondir le résultat intermédiaire de l'opération, que le nombre de places de parking requis est de neuf, conformément à ce que prévoit la mesure de régularisation litigieuse et alors qu'elle ne génère aucun besoin supplémentaire en terme de places de stationnement.

15. En troisième lieu, l'article UG 7 du règlement du PLUiH prévoit également que : " Les parcs de stationnement en surface doivent être plantés d'un arbre de haute tige pour 4 places de stationnement. Les arbres seront plantés au sein de l'espace de stationnement des véhicules et peuvent être regroupés en bosquets ". Toutefois, dans la mesure où la mesure de régularisation dont s'agit ne prévoit pas l'ajout d'une place supplémentaire de stationnement en surface mais seulement en sous-sol, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté. Au demeurant, ces dispositions doivent être regardées comme n'imposant qu'un arbre à haute tige par tranche complète de quatre places de stationnement extérieur.

16. En quatrième lieu, à l'appui de leurs conclusions dirigées contre la mesure de régularisation présentée comme le permis modificatif n° 4, M. et Mme F... reprennent leurs moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article UG 7 du PLUiH concernant le stationnement des cycles et concernant les zones de manœuvre. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

17. En cinquième lieu, aux termes de l'article UG 5 du règlement du PLUiH, qui est applicable : " Les projets ne doivent pas porter atteinte au caractère ou l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels et urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Aux termes de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, il est fait application du régime d'exception prévu à l'article L. 421-4 pour les coupes et abattages d'arbres ". Enfin, l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) patrimoniale du PLUiH prévoit que les constructions nouvelles doivent être implantées en accord avec les constructions traditionnelles voisines et tenir compte de l'implantation des constructions voisines, étant précisé que la synthèse des caractéristiques et enjeux de l'OAP, qui précède les orientations et préconisations, indique que l'un des enjeux est de promouvoir une architecture contemporaine de qualité, qui respecte les caractéristiques de l'ensemble patrimonial urbain.

18. En l'espèce, la mesure de régularisation en cause, a seulement pour objet de régulariser le vice affectant le permis initial par une modification de l'implantation de la construction, avec un éloignement porté à huit mètres par rapport à la voie privée ouverte à la circulation du public, et ne modifie ni l'emprise, ni la surface de plancher de la construction projetée, ni n'en change les caractéristiques esthétiques. Elle aura seulement pour effet de mettre davantage la construction projetée dans l'alignement de la propriété des requérants. Si cette dernière a été classée comme bâtiment d'intérêt patrimonial pour la commune, elle n'appartient ni à un ensemble patrimonial urbain remarquable, ni à l'OAP patrimoniale du PLUiH. Les lieux avoisinants ne présentent, par ailleurs, pas une homogénéité urbanistique ou architecturale particulière et des constructions de style contemporain se trouvent implantées à proximité du terrain d'assiette du projet et de la propriété des requérants. Dans ces conditions, les caractéristiques du projet ne portent pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article UG 5 du règlement du PLUiH et de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme, et de l'incompatibilité de cette troisième mesure de régularisation, présentée comme un permis de construire modificatif n° 4, avec l'OAP patrimoniale, doivent, en tout état de cause, être écartés, de même que le moyen tiré du défaut de consultation du conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, lequel n'est au demeurant, pas plus en appel qu'en première instance, assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

19. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à invoquer des vices propres de la troisième mesure de régularisation présentée comme le permis modificatif n° 4. Il suit de là que les conclusions tendant à l'annulation du permis initial et de cette mesure de régularisation doivent être rejetées, étant précisé qu'il n'est pas contesté que l'implantation du bâtiment prévue par cette autorisation respecte les règles de recul désormais prévues à l'article UG 4 du PLUiH pour le secteur UGp1*, de sorte que le vice retenu à l'encontre du permis de construire initial se trouve régularisé.

S'agissant de la première mesure de régularisation intitulée " permis modificatif n° 2 " du 16 décembre 2020 :

20. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le permis de construire modificatif n° 2 méconnaît la règle de recul de 8 mètres prévue à l'article UG 4 du règlement du PLUiH pour le secteur UGp1* et est, par suite, entaché d'illégalité. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués à son encontre n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder son annulation.

21. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, cette mesure de régularisation n'a pu régulariser le permis de construire initial. Toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la troisième mesure de régularisation (intitulée " permis modificatif n° 4 "), qui n'est pas entachée d'illégalité et respecte notamment la règle de recul applicable depuis l'entrée en vigueur du PLUiH, assure la régularisation du permis de construire initial, de même, au demeurant, que la deuxième mesure de régularisation (intitulée " permis modificatif n° 3 "), qui propose un projet alternatif. Ainsi, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme en vue de permettre la régularisation du permis de construire initial tel que modifié par le permis de construire modificatif n° 1. En revanche, il y a lieu d'annuler cette mesure de régularisation n° 1, intitulée " permis de construire modificatif n° 2 ", en date du 16 décembre 2020.

En ce qui concerne les permis de construire modificatifs intervenus en cours d'instance :

22. Aux termes de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme déjà cité : " Lorsqu'un permis modificatif (...) intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire (...) initialement délivré (...) et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. ".

23. En l'espèce, si M. et Mme F... formulent des critiques à l'encontre des permis de construire modificatif n° 5, 6 et 7 des 7 février, 1er avril et 14 septembre 2022, produits par M. D... dans ses écritures d'appel, et indiquent d'ailleurs avoir introduit des recours gracieux à l'encontre de deux d'entre eux, ils n'en demandent toutefois pas l'annulation dans la présente instance. Dans ces conditions, ils ne peuvent utilement faire valoir des vices propres qui les entacheraient. Ils ne font par ailleurs valoir aucune modification que ces permis modificatifs seraient susceptibles d'avoir sur le vice relevé par le tribunal administratif dans son jugement du 17 septembre 2020 ni sur les mesures de régularisation qui y ont fait suite.

24. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme F... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la mesure de régularisation intitulée " permis modificatif n° 2 ", en date du 16 décembre 2020.

Sur les frais liés à l'instance :

25. M. et Mme F... étant, pour l'essentiel, parties perdantes dans la présente instance, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Divonne-les-Bains dans l'instance et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la même somme, en application des mêmes dispositions, à verser à M. D....

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Divonne-les-Bains, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M. et Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La mesure de régularisation intitulée " permis modificatif n° 2 ", en date du 16 décembre 2020, est annulée.

Article 2 : Le jugement attaqué du 22 juillet 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la mesure de régularisation intitulée " permis modificatif n° 2 ", en date du 16 décembre 2020.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. et Mme F... est rejeté.

Article 4 : M. et Mme F... verseront la somme de 1 000 euros à la commune de Divonne-les-Bains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 1 000 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F..., à la commune de Divonne-les-Bains et à M. D....

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Mehl-Schouder, présidente,

Mme Vinet, présidente assesseure,

Claire Burnichon première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.

La rapporteure,

C. C...

La présidente,

M. G...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la ministre de la transition écologique, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03092
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : MEROTTO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-13;21ly03092 ?
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