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01/12/2022 | FRANCE | N°21LY01034

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 01 décembre 2022, 21LY01034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Ozgul Construction a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 du fait des exercices clos les 31 décembre ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période de janvier 2013 à décembre 2014, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 50

0 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Ozgul Construction a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 du fait des exercices clos les 31 décembre ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période de janvier 2013 à décembre 2014, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1904792 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a réduit la base d'imposition de la SARL Ozgul Construction à l'impôt sur les sociétés d'un montant de 59 962 euros au titre de l'année 2013 et de 62 343 euros au titre de l'année 2014 (article 1er), a déchargé la SARL Ozgul Construction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 à hauteur du montant résultant de la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er, ainsi que des pénalités correspondantes (article 2), a déchargé la SARL Ozgul Construction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour un montant de 9 927 euros au titre de l'exercice 2013 et de 9 348 euros au titre de l'exercice 2014, ainsi que des pénalités correspondantes (article 3), a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 5).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 avril 2021, la SARL Ozgul Construction, représentée par Me Lichtenstern, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 5 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions maintenues à sa charge, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure est irrégulière en l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, y compris en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs au chiffre d'affaires ayant fait l'objet de cessions de créances ;

- la procédure est également irrégulière en l'absence de mention sur l'avis de vérification du nom de chacun des deux vérificateurs, en méconnaissance de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, sans qu'il soit besoin de justifier d'un préjudice pour le contribuable ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige sont mal fondés en droit et insuffisamment motivés, dès lors que l'administration fiscale n'a pas tenu compte de l'existence de cessions de créances, ayant pour effet de rendre la taxe exigible à l'occasion du paiement des créances entre les mains du cessionnaire, en application du c du 2 de l'article 269 du code général des impôts ; la date d'exigibilité de la créance en 2014 en l'espèce n'est pas établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Ozgul Construction ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Lichtenstern, représentant la SARL Ozgul Construction ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, la SARL Ozgul Construction a été assujettie, selon proposition de rectification contradictoire du 29 juin 2016, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2013 et 2014 ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour toute la période vérifiée, outre intérêts de retard et pénalités pour manquement délibéré, qui n'ont été que partiellement dégrevées en réponse aux contestations formées par la contribuable. La société requérante relève appel de l'article 5 du jugement du 2 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après avoir procédé à des décharges partielles, en droits et pénalités, tant en matière d'impôt sur les sociétés que de taxe sur la valeur ajoutée, a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / L'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du même code : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". Aux termes de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans sa version remise à la requérante : " Le nom et la qualité du vérificateur sont précisés sur le document. Il a au moins le grade de contrôleur. Il est soumis au secret professionnel ". Aux termes du I de l'article 350 terdecies de l'annexe 3 au code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " (...) seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. / Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa peuvent se faire assister pour les opérations de contrôle par des fonctionnaires stagiaires et par tout autre fonctionnaire de la direction générale des finances publiques affecté ou non dans le même service déconcentré ou service à compétence nationale ".

3. Il résulte des dispositions précitées que les agents de l'administration sont tenus, pour l'exécution d'une des vérifications visées à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, de respecter les règles qui, ne trouvant pas de fondement légal dans d'autres articles du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales, figurent néanmoins dans la charte à la date où ce document est remis au contribuable, dès lors que ces règles ont pour objet de garantir les droits du contribuable vérifié. Au cas où l'agent vérificateur méconnaîtrait ces règles, et notamment les formalités qu'elles comportent, il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur ce point, d'apprécier si cette méconnaissance a eu le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte du contribuable vérifié.

4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'avis de vérification adressé à la requérante mentionne le nom et la qualité du vérificateur auteur de la proposition de rectification adressée à la SARL Ozgul Construction. S'il résulte des termes de cette proposition que le vérificateur a eu recours pour la première intervention sur place, ainsi que le lui permettaient les dispositions de l'article 350 terdecies de l'annexe 3 du code général des impôts, à l'assistance d'une autre inspectrice des finances publiques, les dispositions précitées n'imposaient pas que le nom de cette dernière soit communiqué sur l'avis de vérification. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que l'omission invoquée par la requérante aurait porté une quelconque atteinte aux droits et garanties reconnus à la SARL Ozgul Construction par la charte du contribuable vérifié. Par suite, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir d'un vice entachant la procédure de vérification, faute de mention sur l'avis de vérification du nom de l'inspectrice ayant assisté le contrôleur au cours de la première intervention.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 59A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant (...) du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; / (...) II. - Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit (...) ".

6. En l'espèce, il est constant que la commission n'a pas été saisie malgré la demande formulée explicitement dans la réponse aux observations du contribuable, en cas de persistance des désaccords. Il résulte toutefois de l'instruction que le désaccord entre la contribuable et l'administration, en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée non déclarée pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, portait exclusivement sur la question de droit relative à l'exigibilité de la taxe. Il résulte également de l'instruction qu'il n'existait aucun désaccord sur les termes des contrats de cessions de créances dont se prévaut la requérante pour contester l'exigibilité de la taxe, et en particulier sur la date contractuelle d'échéance des créances cédées. Par suite, l'absence de saisine de la commission n'a pas entaché d'irrégularité la procédure suivie concernant ce chef de rectification.

7. En troisième lieu, la proposition de rectification répond aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales s'agissant en particulier de ce même chef de rectification et est, par suite, suffisamment motivée. A supposer même que le vérificateur ait été informé au cours des opérations de contrôle de l'existence des cessions de créance en litige, ce qui ne ressort pas, notamment, des termes des observations du contribuable, la circonstance qu'il n'en fasse pas état dans la proposition de rectification relève uniquement du bien-fondé des rappels, et non de leur régularité formelle. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit ainsi être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

8. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 2. La taxe est exigible : / (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. / En cas (...) de transmission de créance, l'exigibilité intervient (...) à la date (...) du paiement de la dette transmise entre les mains du bénéficiaire de la transmission ".

9. Il résulte de l'instruction que la SARL Ozgul Construction a conclu cinq contrats de cession à son principal fournisseur, en paiement de ses propres achats, de créances non encore échues qu'elle détenait sur un bailleur social en rémunération de travaux commandés et réalisés, et correspondant à un montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 30 838 euros. Aux termes de ces contrats, dont la requérante indique qu'ils ont été acceptés par le cessionnaire en raison de la solvabilité du débiteur, les cinq créances en cause, certaines, liquides et exigibles, venaient à échéance entre le 21 juin et le 28 novembre 2014, ce que confirment les certificats de paiement émis par le maître d'ouvrage et validés par le maître d'œuvre. Il résulte par ailleurs de l'instruction que ces créances ont été effectivement réglées au cessionnaire par le bailleur social les 24 juin 2014, 25 août 2014, 27 octobre 2014 et 2 décembre 2014. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la SARL Ozgul Construction, la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de ces opérations était bien devenue exigible au cours de l'année 2014.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Ozgul Construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Ozgul Construction la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En l'absence de dépens dans la présente instance, les conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code ne peuvent être que rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Ozgul Construction est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Ozgul Construction et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

La rapporteure,

M. Le Frapper

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01034

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01034
Date de la décision : 01/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Commission départementale.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Fait générateur.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LICHTENSTERN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-01;21ly01034 ?
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