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01/12/2022 | FRANCE | N°21LY00521

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 01 décembre 2022, 21LY00521


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée FR Immobilier a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période de janvier 2014 à mai 2016 ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901835 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.
>Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février 2021 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée FR Immobilier a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période de janvier 2014 à mai 2016 ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901835 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février 2021 et le 5 janvier 2022, la SARL FR Immobilier, représentée par Me Billet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période de janvier 2014 à mai 2016, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il ne résulte ni de l'article 268 du code général des impôts ni des dispositions de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 que les terrains revendus comme terrains à bâtir doivent nécessairement avoir été acquis comme terrains n'ayant pas le caractère d'immeuble bâti, les livraisons de terrains à bâtir étant taxés de plein droit sur la marge à la seule condition que l'acquisition n'ait pas ouvert de droit à déduction ;

- soumettre l'application de la taxation sur la marge à une condition non prévue par la loi d'identité entre le bien acquis et le bien revendu est contraire au principe de sécurité juridique et de confiance légitime, et est contraire à l'esprit de la loi ;

- à titre subsidiaire, les lots cédés ont conservé la même qualification juridique de terrains bâtis depuis plus de cinq ans entre l'acquisition et la cession, dès lors qu'ils contenaient des murs de clôture en béton incorporés au sol, de sorte que les opérations de cession doivent soit être exonérées, soit être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL FR Immobilier ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Billet, représentant la SARL FR Immobilier ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL FR Immobilier, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis auprès de particuliers, par acte notarié du 6 mars 2015, 5 parcelles de terrain sur la commune de Brindas, constituant " un tènement immobilier comprenant bâtiments d'habitation et dépendances, cour, jardin, pré ". Elle a réuni ces parcelles sous une unique référence cadastrale par document d'arpentage publié en juin 2015 puis a procédé à de nouvelles divisions parcellaires afin de procéder à la revente, d'une part, des constructions existantes et, d'autre part, les 27 octobre 2015, 13 janvier 2016, 7 mars 2016 et 29 mars 2016, de parcelles, revendues comme terrains à bâtir, constituant 4 lots d'un lotissement autorisé par le maire de Brindas le 9 septembre 2014, en assujettissant chacune de ces opérations à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 mai 2016, l'administration fiscale, selon proposition de rectification du 17 mai 2017, a notamment remis en cause l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à ces quatre opérations et procédé à des rappels assis sur l'intégralité du prix de vente des terrains cédés, mis en recouvrement le 28 février 2018. La SARL FR Immobilier relève appel du jugement du 23 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant notamment à la décharge, en droits et pénalités, des rectifications issues de la remise en cause du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux opérations de Brindas.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. En premier lieu, selon l'article 12 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " 1. Les États membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, (...) une seule des opérations suivantes : / a) la livraison d'un bâtiment ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation ; b) la livraison d'un terrain à bâtir. / 2. Aux fins du paragraphe 1, point a), est considérée comme " bâtiment " toute construction incorporée au sol. (...) / 3. Aux fins du paragraphe 1, point b), sont considérés comme " terrains à bâtir " les terrains nus ou aménagés, définis comme tels par les États membres ". Le I de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige, prévoit que sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, définis en droit interne comme les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction applicable, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain (...) ; / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ".

4. Par une ordonnance du 10 février 2022, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir, mais qu'il n'exclut pas l'application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu'une division en lots.

5. Il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que, contrairement à ce que soutient la SARL FR Immobilier, l'administration fiscale, pour remettre en cause l'applicabilité aux opérations litigieuses des dispositions de l'article 268 précité du code général des impôts, pouvait légalement lui opposer la circonstance que les terrains revendus comme terrains à bâtir ne devaient pas avoir été préalablement acquis comme terrains bâtis. Une telle interprétation, qui n'est contraire ni à la lettre ni à l'esprit de la loi, qui vise à compenser une rémanence de taxe non déductible, ne méconnaît pas davantage les principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

6. En second lieu, si la société FR Immobilier soutient que la condition d'identité doit être regardée comme remplie, au motif qu'elle aurait initialement acquis mais également revendu des terrains bâtis depuis plus de cinq ans, les opérations en litige devant à ce titre être entièrement exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ou soumises à cette taxe sur option, il ne résulte toutefois pas de la seule note de présentation du lotissement autorisé par le maire de Brindas en 2014, et des photographies qui l'accompagnent, que les éléments de clôture présents en périphérie de la parcelle initialement acquise, en admettant même qu'ils aient été conservés jusqu'à la revente, seraient effectivement incorporés au sol et, dès lors, constitutifs d'un bâtiment au sens des dispositions précitées. La SARL FR Immobilier ne peut par ailleurs se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80A du livre des procédures fiscales, des termes de la documentation administrative référencée BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 n° 30, qui ne propose pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans la présente décision. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède, en l'absence de moyens dirigés contre l'autre chef de rectification et les pénalités correspondantes, que la SARL FR Immobilier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL FR Immobilier la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL FR Immobilier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL FR Immobilier et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er décembre 2022.

La rapporteure,

M. Le FrapperLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00521

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00521
Date de la décision : 01/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-08-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : UGGC Avocats

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-01;21ly00521 ?
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