Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 29 septembre 2021 par lesquels le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter, sans délai, le territoire français et l'a interdit de retour pour une durée d'un an ainsi que celui par lequel il l'a assigné à résidence dans le département de l'Isère pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2106542 du 7 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Miran, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et ces deux arrêtés ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur l'ensemble des décisions :
- il est bien recevable à exciper de l'illégalité du refus de séjour dont il a fait l'objet par arrêté du 18 mai 2020 à l'appui de l'ensemble des décisions attaquées ; cette décision est illégale comme prise sur la base d'un avis irrégulier de l'OFII, comme méconnaissant les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, comme méconnaissant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et comme étant entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation au regard de son état de santé.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
- il ne peut être considéré comme présentant un risque de fuite en l'absence de notification du refus de séjour ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant interdiction de retour durant un délai d'un an :
- elle est entachée d'erreur de fait et d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision l'assignant à résidence :
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire et de celle ne lui octroyant pas de délai de départ volontaire ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2022, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 15 avril 2020 modifiant l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien, est entré en France le 26 mai 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 22 novembre 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au regard de son état de santé. Par un arrêté du 18 mai 2020, le préfet de l'Isère lui a refusé le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. A la suite d'un contrôle d'identité, le préfet a, par deux arrêtés du 29 septembre 2021, d'une part, fait obligation à M. B... de quitter sans délai le territoire français et l'a interdit de retour durant un délai d'un an, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de l'Isère durant 45 jours. M. B... relève appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ".
3. En premier lieu, M. B... soutient n'avoir jamais reçu la notification de l'arrêté du 18 mai 2020 lui refusant le titre de séjour de sorte qu'il s'estime fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa contestation de l'arrêté l'obligeant à quitter sans délai le territoire pris le 29 septembre 2021. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de l'avis de réception versé à l'instance que le requérant a reçu, le 25 mai 2020, un pli recommandé portant la mention " COVID 19 " portée sur l'avis de réception. Si le requérant allègue que cette décision lui aurait été irrégulièrement notifiée en l'absence de mention de l'heure de distribution du courrier et d'attestation sur l'honneur établie par l'employé chargé de la distribution, une telle circonstance, à la supposer même établie, est sans incidence sur la légalité de la décision dès lors que la mention apposée sur l'avis de réception suffit à établir que l'agent postal s'est assuré de la présence du destinataire avant de remettre le pli dans sa boîte aux lettres et d'émettre la preuve d'une telle distribution, conformément à l'arrêté susvisé du 7 février 2007. Cette décision ayant été régulièrement notifiée, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision devenue définitive à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision qu'il conteste.
4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Si M. B... se prévaut de son entrée en France au mois de mai 2015 et des liens qu'il a tissés avec sa concubine qui attend un enfant, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il ne justifie pas d'une intégration particulière en France puisqu'il est dépourvu de toute ressource et a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 42 ans où résident sa mère et ses quatre sœurs. Par suite, eu égard aux conditions de séjour en France de M. B..., qui n'a pas exécuté l'arrêté du 18 mai 2020 lui faisant obligation de quitter le territoire, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Enfin, si l'intéressé établit être suivi par un médecin en psychiatrie, il n'apporte toutefois aucun élément de nature à démontrer que son état nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pourrait faire l'objet d'un traitement dans son pays d'origine.
Sur la légalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes ".
8. En premier lieu, pour les motifs exposés au point 3, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté du 18 mai 2020 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'encontre de la décision lui refusant un délai de départ volontaire.
9. En deuxième lieu, M. B... qui s'est soustrait à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire français se trouvait dans le cas où le préfet peut, sur le fondement des dispositions du 5° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prendre à son encontre une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire français sans accorder un délai de départ volontaire.
10. En dernier lieu, eu égard notamment aux motifs énoncés au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision privant M. B... d'un délai de départ volontaire méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...)".
12. Eu égard aux motifs énoncés aux points 5 et 6 du présent arrêt, M. B... qui se borne à se prévaloir de l'état de grossesse de sa compagne ainsi que de son état de santé n'invoque pas de circonstances humanitaires, au sens des dispositions précitées, justifiant qu'une interdiction de retour sur le territoire français ne soit pas prononcée à son encontre. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, rappelées au point 5, et alors même que le comportement de l'intéressé ne troublerait pas l'ordre public, le préfet de l'Isère, en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire pour contester la décision l'assignant à résidence. Par suite, ce moyen doit être écarté.
14. Enfin, M. B..., qui est assigné dans le département de l'Isère où il réside avec sa compagne et qui doit se présenter deux fois par semaine, les lundis et mardis, au commissariat de police de Grenoble ne fait état d'aucune circonstance propre à sa situation qui permettrait d'estimer que le préfet, en prenant à son encontre la mesure contestée d'assignation à résidence, aurait porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
15. Il résulte de tout ce qui précède que B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Bentéjac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.
La rapporteure,
C. Bentéjac
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03457