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29/11/2022 | FRANCE | N°20LY03524

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 29 novembre 2022, 20LY03524


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 148 850,75 euros en indemnisation des préjudices résultant de sa prise en charge dans cet établissement au mois de décembre 2017.

Par un jugement n° 1804782 du 27 octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à verser à Mme A... une somme de 65 462,80 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône celle de 39 681,13 euros, outr

e les dépens de l'instance.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 148 850,75 euros en indemnisation des préjudices résultant de sa prise en charge dans cet établissement au mois de décembre 2017.

Par un jugement n° 1804782 du 27 octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à verser à Mme A... une somme de 65 462,80 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône celle de 39 681,13 euros, outre les dépens de l'instance.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le n° 20LY03524 le 2 décembre 2020 et des mémoires enregistrés les 10 août 2021 et 9 septembre 2021, Mme A..., représentée par le cabinet Jérôme Lavocat et Associés, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1804782 du 27 octobre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner les Hospices civils de Lyon (HCL) à lui verser la somme de 676 008,22 euros en réparation des préjudices subis avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, outre les dépens de l'instance s'élevant à 1 760 euros et la somme de 146,50 euros comprenant les frais de transport pour se rendre à l'expertise ;

3°) à ce que soit mise à la charge des HCL la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* elle ne conteste ni la responsabilité des Hospices civils de Lyon ni le taux de perte de chance à hauteur de 50 % retenus par les premiers juges ;

* le tribunal a procédé à une évaluation insuffisante des préjudices subis.

Par des mémoires en défense enregistrés les 4 février 2021, 18 août 2021, 2 septembre 2021 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 20 septembre 2021, les Hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

* ils ne contestent ni leur responsabilité ni le taux de perte de chance retenus par les premiers juges à hauteur de 50 % ;

* le tribunal n'a pas procédé à une évaluation insuffisante des préjudices de Mme A....

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et à la société mutualiste étudiante régionale Smerra qui n'ont pas produit d'observations.

II-Par une requête enregistrée sous le n° 20LY03762 le 22 décembre 2020 et des mémoires enregistrés les 4 février 2021, 18 août 2021, 2 septembre 2021 et un mémoire non communiqué, enregistré le 20 septembre 2021, les Hospices civils de Lyon (HCL), représentés par Me Le Prado, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1804782 du 27 octobre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de réduire le montant des indemnités allouées à Mme A... à de plus justes proportions.

Ils soutiennent que :

* ils ne contestent ni leur responsabilité ni le taux de perte de chance retenus par les premiers juges ;

* les souffrances physiques endurées ont été surévaluées à 5 sur une échelle de 7 ;

* le déficit fonctionnel permanent a été surévalué à 32 % alors que l'expert l'évalue à 22 % en lien avec les séquelles orthopédiques et qu'aucun déficit fonctionnel permanent d'ordre psychiatrique n'a été retenu ;

* le préjudice d'agrément n'est pas établi ;

* le préjudice sexuel n'est pas établi.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 août 2021 et 9 septembre 2021 Mme A..., représentée par le cabinet Jérôme Lavocat et Associés, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que les HCL soient condamnés à lui verser la somme de 676 008,22 euros en réparation des préjudices subis avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, outre les dépens de l'instance s'élevant à 1 760 euros et la somme de 146,50 euros correspondant aux frais de transport pour se rendre à l'expertise et à ce que soit mise à leur charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soulève les mêmes moyens que ceux soulevés dans le cadre de l'instance 20LY03524.

Par un mémoire, enregistré le 7 octobre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône indique ne pas souhaiter intervenir à l'instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bentéjac, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pollard, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., alors étudiante en troisième année de licence hôtellerie s'est rendue, en raison d'idées suicidaires, au service des urgences de l'hôpital Edouard Herriot, établissement dépendant des Hospices civils de Lyon (HCL), où elle a été prise en charge dans l'unité psychiatrique de crise. Ayant échappé à la surveillance du personnel, elle s'est défenestrée du deuxième étage du bâtiment ce qui lui a occasionné différentes fractures du bassin et des bras. Souhaitant obtenir réparation des préjudices résultant de cette chute, elle a saisi le tribunal administratif de Lyon afin de voir condamner les Hospices civils de Lyon à l'indemniser des préjudices résultant de cette chute. Par jugement n° 1804782 du 27 octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon, après avoir retenu la responsabilité des HCL a condamné ces derniers à verser à Mme A... la somme de 65 462,80 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône la somme de 39 681,13 euros. Mme A... relève appel de ce jugement en vue d'obtenir la majoration des sommes qui lui ont été allouées tandis que les HCL, qui ne contestent ni leur responsabilité ni le taux de perte de chance évalué à 50 % retenus par les premiers juges, relèvent également appel de ce jugement en vue d'obtenir la réduction de certaines des sommes qu'ils ont été condamnés à verser à Mme A.... La CPAM du Rhône indique, quant à elle, ne pas souhaiter intervenir dans ces instances.

2. Les requêtes visées au point précédent sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les préjudices :

3. En premier lieu, Mme A... justifie, en appel, avoir exposé des frais d'assistance à expertise pour un montant de 1 800 euros. Cette somme, en lien avec la faute retenue doit être entièrement mise à la charge des Hospices civils de Lyon. Elle justifie, en outre de frais de télévision, d'un montant de 319 euros, et de déplacement, qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 901,91 euros au vu du barème fiscal kilométrique, sommes qu'il y a lieu de retenir pour moitié, compte-tenu du taux de perte de chance de 50 % non contesté. Ainsi, il y a lieu de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 2 410 euros au titre des frais divers et de réformer le jugement attaqué sur ce point.

4. En deuxième lieu, Mme A... sollicite l'indemnisation de divers frais médicaux restés à sa charge pour une somme de 1 287,54 euros. Toutefois, ces frais ne sont pas justifiés par la seule production d'un tableau les récapitulant sans justification du lien avec la faute retenue et sans justificatifs d'acquittement. Il n'est pas davantage justifié de l'existence de frais correspondant à la confection de semelles orthopédiques restés à la charge de Mme A..., après prise en charge des organismes de sécurité sociale et de mutuelle. Enfin, les frais de consultation d'ostéopathie et de psychothérapie exposés depuis le mois de juin 2020 ne sont, en tout état de cause, pas davantage justifiés. La demande présentée à ce titre ne peut donc qu'être rejetée.

5. En troisième lieu, la requérante sollicite la majoration de la somme allouée au titre de l'assistance par une tierce personne rendue nécessaire pour la période du 10 mars 2018 au 30 juin 2018. Conformément au rapport d'expertise, il y a ainsi lieu de retenir, sur cette période, un besoin d'assistance par une tierce personne non spécialisée durant 2 heures par jour et un taux horaire de 13,83 euros et de prendre en compte les majorations de rémunération liées aux congés payés et aux dimanches et jours fériés sous la forme d'une annualisation sur la base de 412 jours. Ainsi, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la somme de 1 764 euros qui lui a été allouée et qui tient compte du taux de perte de chance, est insuffisante.

6. En quatrième lieu, d'une part, il résulte de l'instruction que Mme A... a été empêchée de suivre durant plusieurs semaines le cursus de troisième année de son école d'hôtellerie et, n'ayant pu se présenter aux examens, a été contrainte de redoubler. En revanche, il n'est pas démontré que l'interruption de sa scolarité lors de la quatrième année soit en lien avec la faute retenue. Ainsi, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la somme de 5 000 euros octroyée par les premiers juges est insuffisante. D'autre part, s'agissant de l'incidence professionnelle, compte-tenu des difficultés pour Mme A... à maintenir une position debout prolongée et à utiliser son membre supérieur droit qui augmentent la pénibilité du travail, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 5 000 euros après application du taux de perte de chance retenu.

7. En cinquième lieu, Mme A... sollicite l'indemnisation de la perte de gains professionnels en lien avec l'accident dont elle a été victime en produisant le contrat de travail d'une ancienne élève issue de la même école d'hôtellerie qu'elle. Toutefois, alors que la requérante n'avait pas terminé sa formation au moment de son accident et n'avait donc pas entamé sa vie professionnelle, un tel chef de préjudice ne présente pas de caractère certain. Par suite, il n'y a pas lieu d'accorder une somme à ce titre.

8. En sixième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise que la requérante a subi un déficit fonctionnel temporaire total au cours de la période du 10 décembre 2017 au 9 mars 2018 ainsi que le 5 avril 2018, du 5 juillet 2018 au 7 juillet 2018 et le 1er juillet 2019. Elle a également subi un déficit fonctionnel temporaire de classe 2 du 10 mars 2018 au 1er août 2019, date de la consolidation de son état de santé en dehors des périodes de déficit temporaire total déjà prises en compte. Ainsi, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant, sur la base de 15 euros par jour, à la somme de 1 636 euros qui tient compte du partage de responsabilité. Le jugement attaqué sera réformé sur ce point.

9. En septième lieu, les souffrances physiques ont été évaluées, sur le plan orthopédique, à 4,5 sur une échelle de 7. En octroyant la somme de 7 500 euros après partage de responsabilité, les premiers juges ont procédé à une juste appréciation de ce chef de préjudice.

10. En huitième lieu, s'agissant du préjudice esthétique, il résulte de l'instruction que Mme A... est restée alitée durant quarante-cinq jours avec table de verticalisation et sans appui durant trois mois. Elle présente dorénavant plusieurs cicatrices au niveau des avant-bras ainsi qu'un raccourcissement d'un membre inférieur de 1 cm de sorte que ce chef de préjudice a été évalué à 3 sur une échelle de 7. L'appréciation de ces chefs de préjudices temporaire et permanent par les premiers juges qui ont alloué à Mme A... les sommes respectives de 2 500 euros et 2 000 euros après application du taux de perte de chance n'est pas insuffisante.

11. S'agissant du déficit fonctionnel permanent, l'expert a retenu un taux de 22 % tenant compte du déficit des amplitudes du membre supérieur droit, des troubles d'hypoesthésie et des lombalgies. Il y a également lieu de tenir compte des troubles psychiques subis par Mme A... consistant en des cauchemars et des difficultés à s'approprier son histoire. Ainsi, compte tenu du taux de déficit fonctionnel permanent retenu par l'expert, de l'âge de la victime et des séquelles psychologiques résiduelles, il y a lieu d'évaluer ce chef de préjudice à la somme de 28 000 euros après application du taux de perte de chance. Dès lors, le jugement attaqué sera réformé sur ce point.

12. S'agissant du préjudice sexuel dont Mme A... sollicite l'indemnisation, celui-ci ne résulte aucunement de l'instruction. Par suite, le jugement attaqué sera réformé sur ce point.

13. Enfin, s'agissant du préjudice d'agrément, celui-ci est suffisamment établi par les indications de l'expert selon lesquelles, les douleurs irradiantes de Mme A... au niveau des deux avant-bras rendent difficiles la pratique de la moto et de la musculation. En lui accordant la somme de 3 000 euros, le tribunal a procédé à une juste évaluation de ce chef de préjudice.

14. Il résulte des points 3 à 13 du présent arrêt qu'il y a lieu de ramener à 58 810 euros le montant de l'indemnité due par les Hospices civils de Lyon à Mme A... et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Lyon. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 29 mars 2018, date de sa réclamation préalable ainsi qu'à la capitalisation des intérêts, sollicitée le 10 août 2021, laquelle produira effet à compter de cette même date.

Sur les dépens :

15. Il y a lieu de maintenir à la charge des HCL les frais de l'expertise, ordonnée par jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 mai 2019, et taxés et liquidés à la somme de 1 760 euros par ordonnance du président de ce tribunal du 1er juillet 2020 ainsi que la somme de 146,50 euros correspondant aux frais exposés pour se rendre aux opérations d'expertise.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon, qui ne sont pas, dans les présentes instances, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme que les Hospices civils de Lyon ont été condamnés à verser à Mme A... est ramenée au montant de 58 810 euros.

Article 2 : La condamnation prononcée à l'encontre des Hospices civils de Lyon par l'article 1er du présent arrêt portera intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2018. Les intérêts échus à la date du 10 août 2021 seront capitalisés à cette date ainsi que, le cas échéant, à chaque échéance annuelle, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les frais d'expertise, soit 1 760 euros, sont mis à la charge des Hospices civils de Lyon, ainsi les frais de déplacement, soit 146,50 euros, que Mme A... a dû supporter pour se rendre auprès de l'expert.

Article 4 : Le jugement n° 1804782 du 27 octobre 2020 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Les conclusions présentées pour Mme A... devant la cour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., aux Hospices civils de Lyon, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à la société mutualiste étudiante régionale Smerra et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.

La rapporteure,

C. Bentéjac

Le président,

F. PournyLa greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

Nos 20LY03524, 20LY03762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03524
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-04 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. - Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. - Exécution du traitement ou de l'opération.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Caroline BENTEJAC
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CABINET JEROME LAVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-29;20ly03524 ?
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