Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... et Mme A... D... épouse C..., chacun en ce qui le concerne, ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 20 avril 2020 par lesquels le préfet de la Loire a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2007888 et 2007891 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
I - Par une requête, enregistrée le 15 juin 2021 sous le n° 21LY01984, M. C..., représenté par Me Barioz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 20 avril 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et, à défaut, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail jusqu'au réexamen de sa demande.
Il soutient que :
Sur la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 313-14 du même code et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est dépourvue de motivation ;
- elle est illégale à raison des mêmes moyens que ceux invoqués à l'encontre du refus de délivrance d'un titre de séjour ;
Sur la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :
- la décision n'est pas motivée ;
- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de sa situation familiale.
II - Par une requête, enregistrée le 15 juin 2021 sous le n° 21LY01988, Mme C..., représentée par Me Barioz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 20 avril 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et, à défaut, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail jusqu'au réexamen de sa demande.
Elle soutient que :
Sur la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 313-14 du même code et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est dépourvue de motivation ;
- elle est illégale à raison des mêmes moyens que ceux invoqués à l'encontre du refus de délivrance d'un titre de séjour ;
Sur la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :
- la décision n'est pas motivée ;
- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de sa situation familiale.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, les requêtes ont été dispensées d'instruction.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2021.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,
- et les observations de Me Barioz, représentant M. et Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C... et Mme A... D... épouse C..., ressortissants géorgiens nés respectivement le 12 avril 1979 et le 1er novembre 1982, sont entrés en France le 4 août 2011 avec leur fils né le 4 août 2008. A la suite du rejet de leurs demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 août 2012, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 27 novembre 2013, le préfet de la Loire a refusé, par des arrêtés du 28 janvier 2014 dont la légalité a été confirmée par des jugements du tribunal administratif de Lyon, de les admettre au séjour et les a obligés à quitter le territoire français. Par de nouveaux arrêtés du 27 novembre 2014, dont la légalité a été confirmée par des ordonnances du président de la cour administrative d'appel du 3 mars 2016, le préfet de la Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le 31 janvier 2017, M. et Mme C... ont demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles L. 313-14 et L. 313-10 du même code. Par des arrêtés du 20 avril 2020, le préfet de la Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 25 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. Les requêtes enregistrées sous les n° 21LY01984 et 21LY01988 sont relatives à la situation de deux époux au regard de leur droit au séjour en France. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
4. M. et Mme C... font valoir qu'ils ont passé près de dix ans en France, qu'ils sont bien intégrés, que leurs trois enfants, dont deux sont nés en France en 2012 et en 2017, sont scolarisés. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. Il ressort des pièces du dossier M. et Mme C... ont fait l'objet, les 28 janvier et 27 novembre 2014, de refus de titre assortis d'obligations de quitter le territoire français qu'ils n'ont pas exécutées. Ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales en Géorgie, où ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de trente-deux et vingt-neuf ans. Rien ne s'oppose à ce que la vie familiale de M. et Mme C... et de leurs enfants mineurs se poursuive ailleurs qu'en France et notamment en Géorgie, où les enfants pourront être scolarisés. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et nonobstant la circonstance que Mme C... intervienne en qualité de traductrice au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et que M. C... bénéficie d'une promesse d'embauche, les décisions contestées n'ont pas porté au droit de M. et Mme C... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquelles elles ont été prises et n'ont ainsi méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, les décisions en litige ne sont pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle des requérants.
5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) ".
6. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés, le préfet de la Loire n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de son pouvoir de régularisation.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
7. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prises sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'avaient pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle des décisions relatives au séjour, lesquelles comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont ainsi suffisamment motivées. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient insuffisamment motivées doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français devraient être annulées en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne peuvent prétendre à un titre de séjour ni sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni sur celui de l'article L. 313-14 du même code. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité des décisions fixant un délai de départ volontaire de trente jours :
11. Aucune disposition législative ou règlementaire n'impose au préfet de motiver spécifiquement l'octroi du délai de départ volontaire quand celui-ci correspond à la durée légale de trente jours et que l'étranger n'a présenté aucune demande afin d'obtenir un délai supérieur. Le moyen tiré du défaut de motivation des décisions fixant le délai de départ volontaire ne peut, dès lors, qu'être écarté.
12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire aurait, dans les circonstances de l'espèce, méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en n'accordant pas à M. et Mme C... un délai de départ supérieur à trente jours.
13. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre des décisions en litige.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :
14. En tout état de cause, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, le moyen tiré de ce que la vie privée et familiale de la famille est en France ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et Mme A... D... épouse C.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 novembre 2022.
La rapporteure,
R. Caraës
Le président,
A. CourbonLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01984 - 21LY01988