Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1802847 du 5 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 6 mai 2021, Mme F..., représentée par Me Martinet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses sœurs et un ami proche lui ont avancé des sommes au cours des années 2012 et 2013 pour faire face à ses charges ; le caractère de prêt familial est suffisamment étayé par la production d'attestations et de relevés bancaires ; les sommes prêtées par son ami ont été intégralement remboursées ; à défaut de retenir la qualification de prêts, il s'agit de dons devant être soumis aux droits de mutation à titre gratuit ;
- la somme de 10 900 euros a été intégrée à tort aux revenus d'origine indéterminée de l'année 2013 dès lors qu'il s'agit de virements de compte à compte effectués par M. F....
Par un mémoire, enregistré le 22 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... F..., née E..., a fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 à 2013 à l'issue duquel l'administration a notamment taxé d'office à l'impôt sur le revenu des sommes reçues par chèques, virements ou en espèces, dont l'origine est demeurée indéterminée, d'un montant total de 73 602 euros en 2012 et de 93 659 euros en 2013, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales et a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en résultant de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A - I du code général des impôts. Par une décision du 19 février 2018, l'administration a prononcé le dégrèvement partiel des impositions mises à la charge de Mme F... au titre des revenus d'origine indéterminée. Mme F... relève appel du jugement du 5 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la réduction des impositions et des pénalités correspondantes auxquelles elle demeurait assujettie au titre des années 2012 et 2013.
2. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".
3. En application de ces dispositions, Mme F..., qui n'a pas répondu à la demande d'éclaircissements et de justifications sur les crédits figurant sur ses comptes bancaires qui lui a été adressée par l'administration le 6 février 2015, a été régulièrement imposée d'office. Il lui appartient, dès lors, en application de l'article L. 193 du même livre, de démontrer que les sommes en litige ne sont pas imposables, ou qu'elles se rattachent à une catégorie précise de revenus.
4. Il appartient à l'administration fiscale, lorsqu'elle entend remettre en cause, même par voie d'imposition d'office, le caractère non imposable de sommes perçues par un contribuable, dont il est établi qu'elles lui ont été versées par l'un de ses parents et alors qu'elle ne se prévaut pas de l'existence entre eux d'une relation d'affaires ou de travail, de justifier que les sommes en cause ne revêtent pas le caractère d'un prêt familial, notamment en démontrant l'existence d'une disproportion entre les sommes versées et les ressources financières de l'auteur du versement.
Sur les sommes prêtées par les sœurs de Mme F... :
5. Mme F... fait valoir que les sommes correspondant à des remises en espèces qui ont été regardées, à concurrence d'un montant de 16 750 euros en 2012 et de 25 350 euros en 2013, comme des revenus d'origine indéterminée, proviennent de prêts familiaux consentis par sa sœur, Mme D.... Si les relevés des comptes de Mme D... permettent de constater la concomitance de date et de montant de certains retraits d'espèce avec des dépôts d'espèces sur le compte de Mme F..., cette seule circonstance ne saurait établir l'origine des crédits en litige et ce alors que l'attestation de Mme D... du 15 janvier 2017, établie postérieurement aux opérations de contrôle, se borne à indiquer, de manière imprécise, qu'elle prêtait régulièrement à sa sœur des sommes diverses, que la somme de 20 200 euros a été virée sur le compte de sa sœur alors que cette somme correspond à un dépôt en espèces et que les sommes prêtées lui ont été remboursées, sans qu'il en soit justifié. Par ailleurs, l'administration fait valoir, sans être contredite, que Mme D..., qui n'a déclaré aucun revenu au titre des années 2012 et 2013, ne disposait pas des ressources suffisantes lui permettant de prêter les sommes en litige.
6. Mme F... soutient également que certaines sommes taxées d'office en tant que revenus d'origine indéterminée, pour un montant de 1 750 euros en 2012 et de 31 830 euros en 2013 proviennent de prêts familiaux consentis par sa sœur, Mme C.... Toutefois, elle ne l'établit pas en se bornant à produire une attestation de Mme C... du 8 novembre 2017 faisant état du prêt de ces sommes et de leur remboursement à hauteur de 2 000 euros en 2014 et de 5 000 euros en 2015, une copie du chèque de 700 euros daté du 19 juillet 2013 émis à l'ordre de Mme F..., accompagné d'un bordereau de remise en banque du 19 juillet 2013 ne comportant aucune indication concernant la banque de l'émetteur et le nom de ce dernier et une copie du chèque de 300 euros émis le 4 novembre 2013 par Mme C... à l'ordre de Mme F..., accompagné d'un bordereau de remise en banque du 20 décembre 2013, qui ne mentionne pas le numéro du chèque, sans produire les relevés des comptes bancaires de Mme C... permettant d'établir l'origine des sommes en litige, en particulier du virement de 30 000 euros du 28 juin 2013. Au surplus, le ministre fait valoir, sans être contredit, que Mme C..., qui n'était pas imposable à l'impôt sur le revenu, ne disposait pas des ressources suffisantes lui permettant de prêter les sommes en litige.
7. La requérante, qui n'établit pas, ainsi qu'il vient d'être dit, l'origine des sommes créditées sur ses comptes bancaires, n'est pas fondée à soutenir qu'elles seraient constitutives de dons familiaux non imposables.
8. Il suit de là que l'administration était fondée, en l'absence de justifications de l'origine et de la nature des sommes créditées sur les comptes bancaires de la requérante, à imposer ces sommes comme des revenus d'origine indéterminée au titre des années 2012 et 2013.
Sur les sommes prêtées par un ami de Mme F... :
9. Mme F... se borne à reprendre en appel, B... les mêmes termes, le moyen soulevé en première instance et tiré de ce que les sommes en litige proviendraient d'un prêt consenti par un ami, sans l'assortir d'aucune critique utile des motifs du jugement ou de justificatifs nouveaux. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif.
Sur les sommes versées par M. F... :
10. Mme F... soutient qu'une somme globale de 10 900 euros, taxée en tant que revenus d'origine indéterminée, correspond à des virements provenant du compte de son ex-époux.
11. La requérante établit, par les justificatifs qu'elle produit, qu'à hauteur de 10 000 euros, les sommes créditées, en mars et avril 2013, sur le compte ouvert à la Caisse d'Epargne au nom de M. et Mme F..., dont elle ne conteste pas avoir la disposition exclusive, proviennent d'un compte personnel de son ex-époux et père de ses deux enfants B... ces conditions, Mme F..., qui fait valoir que ces sommes avaient pour objet de financer les charges liées aux enfants et établit leur provenance, et alors que l'administration ne fait état d'aucune relation d'affaires entre les ex-époux, ni n'invoque l'insuffisance de ressources de M. F..., peut bénéficier de la présomption d'entraide familiale. Il s'ensuit que la base d'imposition à l'impôt sur le revenu de Mme F... au titre de l'année 2013 B... la catégorie des revenus d'origine indéterminée doit être réduite de la somme de 10 000 euros.
12. S'agissant de la somme de 900 euros, créditée sur un compte ouvert à son nom au Crédit Agricole, Mme F..., qui ne produit, au demeurant, aucun justificatif, n'assortit sa contestation de son caractère imposable d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble ne lui a pas accordé une réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes, à raison de la réduction de sa base imposable de 10 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
14. Il n'y a pas lieu, B... les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme au titre des frais liés au litige exposés par Mme F....
DECIDE :
Article 1er : Les bases imposables de Mme F... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2013 sont réduites à concurrence de la somme de 10 000 euros.
Article 2 : Mme F... est déchargée des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes, résultant de la réduction des bases d'imposition décidée à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 mars 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.
La rapporteure,
R. Caraës
La présidente,
A. CourbonLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01437