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24/11/2022 | FRANCE | N°21LY00340

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 24 novembre 2022, 21LY00340


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) FAI Production a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2012 et 2013 ainsi que des pénalités correspondantes, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises,

de taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion ainsi que des ret...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) FAI Production a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2012 et 2013 ainsi que des pénalités correspondantes, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion ainsi que des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1802524 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'à la suite d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par la SAS FAI Production tendant à la décharge des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises assignés au titre de l'année 2012 à hauteur de 3 075 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 février 2021, la SAS FAI Production, représentée par Me Drié, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire sur la question des prestations de services effectuées pour son compte par la société Cometva ;

- elle peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 et de l'article L. 80 B de ce livre, précisé par le point n° 120 de l'instruction BOI-SJ-RES-10-10-20, d'une prise de position formelle de l'administration en ce que, lors d'un précédent contrôle fiscal qui a donné lieu à une proposition de rectification du 14 mars 2006, aucun redressement ne lui avait été notifié au titre des prestations de services effectuées par la société Cometva ;

- elle apporte la preuve, par la production de factures et d'informations complémentaires, de la réalité des prestations effectuées par la société Cometva ; l'administration fiscale ne saurait s'immiscer dans le choix qu'elle a fait de sous-traiter ces prestations plutôt que de les réaliser en interne ; pour estimer qu'elle a commis un acte anormal de gestion, l'administration fiscale, en se bornant à affirmer que les prestations en cause ne sont pas réelles, ne démontre pas que ces prestations n'ont pas été engagées dans son intérêt ;

- elle établit la réalité des prestations effectuées pour son compte par M. A..., employé par la société Cometva, par M. B..., responsable administratif au sein de la société Cometva, ainsi que d'autres prestations de services ;

- les prestations de services rendues par M. C... pour le compte de la société Cometva sont distinctes de ses fonctions de président et dirigeant de la société FAI Production ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas applicable en l'espèce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS FAI Production ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Drié, représentant la SAS FAI Production ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS FAI Production, qui exerce une activité de fonderie et de frappe à froid de métaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a remis en cause la déduction du résultat imposable de la SAS FAI Production de charges relatives à des prestations de services qui lui ont été facturées, dans le cadre d'un accord de coopération technique et commercial signé le 28 mai 2003, par la société Cometva, société de droit suisse spécialisée dans la réalisation et la conception de pièces en métaux cuivreux et alliages, le développement d'activités de fonderie et la transformation de métaux, ainsi que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces prestations. Par une proposition de rectification du 11 décembre 2015, établie selon la procédure de rectification contradictoire, la SAS FAI Production s'est vu notifier des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014, assorties de la majoration pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôt, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion et des retenues à la source au titre des années 2012 et 2013. Par un jugement du 4 décembre 2020, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement partiel intervenu en cours d'instance, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de la demande de la SAS FAI Production tendant à la décharge de ces impositions. La SAS FAI Production relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. En outre, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au vérificateur de donner au contribuable, avant l'envoi de la notification de redressements, une information sur les redressements qu'il pourrait envisager.

3. Il résulte de l'examen de la proposition de rectification du 11 décembre 2015 et des indications fournies par l'appelante, d'une part, que la vérification de comptabilité s'est déroulée au siège de l'entreprise du 9 mars au 28 août 2015 en présence de M. C..., son dirigeant, de la comptable de la société et de l'assistant de direction et, d'autre part, que la vérificatrice les a rencontrés à huit reprises, les 9 mars, 17 mars, 24 mars, 31 mars, 14 avril, 15 juin, 23 juin et 8 juillet 2015, outre au cours de la réunion de synthèse qui s'est tenue le 28 août 2015. Si la société FAI Production fait valoir qu'au cours de ces échanges, aucun débat ne s'est engagé avec la vérificatrice sur les prestations de services réalisées pour son compte par la société Cometva, il résulte toutefois des indications fournies par l'appelante elle-même que plusieurs des visites de la vérificatrice ont porté sur la justification de la facturation des prestations effectuées par la société Cometva ou encore sur la nature de ces prestations et leur distinction avec les tâches réalisées par les salariés de la société FAI Production. En outre, eu égard aux termes dans lesquels il est rédigé, le courrier du 28 mai 2015 adressé par le gérant à la vérificatrice, qui précise que la société FAI Production entend " repréciser le contexte et la nature particulière " de ses relations avec la société Cometva, induit qu'à cette date, un échange avait déjà eu lieu sur ces points. Dans ces conditions, la société FAI Production ne démontre pas que la vérificatrice se serait refusée à tout échange de vue avec elle quant aux prestations fournies par la société Cometva et qu'elle aurait, ainsi, été privée d'un débat oral et contradictoire.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :

4. En application des dispositions de l'article 39 du code général des impôts, applicable en vertu de l'article 209 du même code pour la détermination de l'impôt sur les sociétés, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment les frais généraux de toute nature. La déduction de tels frais n'est cependant admise que s'ils constituent une charge effective, ont été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise et sont appuyés par des justifications suffisantes.

5. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

6. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

7. L'administration a refusé d'admettre en déduction du résultat imposable de la société FAI Production une somme globale de 285 820 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et une somme de 241 456 euros au titre de l'exercice clos en 2013, correspondant à des prestations de services facturées par la société Cometva, au triple motif que ces prestations correspondant à la réalisation de tâches administratives et de gestion, ne relevaient pas de prestations commerciales ou d'ingénierie, seules incluses dans la convention de coopération conclue entre la société FAI Production et la société Cometva le 28 mai 2003, que les factures produites présentaient des incohérences et qu'aucun élément ne permettait de justifier l'intervention effective de personnels de la société Cometva dans la réalisation des tâches facturées.

8. Pour justifier des charges dont elle demande la déduction au titre de l'exercice clos en 2012, la société FAI Production, qui ne conteste pas que les prestations en litige n'étaient pas comprises dans l'accord de coopération de 2003, produit des factures, établies mensuellement par la société Cometva, détaillant les " tâches réalisées pour le compte de FAI Production par le personnel de Cometva SA ", effectuées en 2012 par M. A... ainsi que différents éléments, notamment des courriers électroniques ainsi que des comptes rendus de réunion attestant de ce que ce dernier a bien effectué des missions au profit de la société requérante. Toutefois, il résulte de la proposition de rectification que le service a estimé qu'il n'était pas en mesure de s'assurer, avec certitude, que M. A... était bien salarié de la société Cometva ou intervenait pour le compte de cette société, dont la vérificatrice a, au demeurant, relevé que son administrateur unique était également le président et actionnaire majoritaire de la société FAI Production. Si la société requérante produit plusieurs attestations de membres de son personnel indiquant que M. A... a, au cours de l'année 2012, effectué des missions pour le compte de la société FAI Production, seule l'une de ces attestations mentionne qu'il était " délégué par une autre société ", sans préciser laquelle, alors qu'il résulte tant des articles de presse produits que des liens étroits unissant les deux sociétés depuis 2003 que le personnel de la société FAI Production ne pouvait pas, ainsi que le relève l'administration en défense, ignorer l'existence de la société Cometva. En outre, il résulte des éléments produits que M. A... disposait d'une adresse électronique de la société FAI Production et était habilité à signer des courriers à l'en-tête de cette société. Au surplus, l'administration relève, sans être contredite, que M. A... a exercé, au cours de l'exercice en litige, une profession indépendante " d'intermédiaire spécialisé dans le commerce d'autres produits spécifiques ". Il suit de là qu'il n'est pas établi que M. A... était employé par la société Cometva ou intervenait sur ordre de celle-ci. En outre, la société FAI Production ne conteste pas, ainsi que le relève l'administration, qu'elle disposait en interne des compétences pour réaliser les prestations en cause. Enfin, les frais administratifs, de déplacement et de gestion refacturés par la société Cometva en 2012 ne sont pas justifiés.

9. Si la société FAI Production fait valoir que les charges dont elle demande la déduction pour l'exercice clos en 2013 sont justifiées par des factures mensuelles de la société Cometva, qui mentionnent les tâches effectuées pour son compte par M. B..., son responsable administratif, la proposition de rectification relève qu'aucun élément ne justifie l'intervention effective de l'intéressé ni de toute autre personne qui serait liée à la société Cometva. En appel comme en première instance, la société FAI Production se borne à produire des comptes rendus hebdomadaires sur lesquels le nom de M. B... n'apparaît pas et d'autres pièces qui ne font pas davantage état de missions qui auraient été réalisées par l'intéressé ou d'autres personnels de la société Cometva.

10. En outre, si la société requérante soutient qu'elle a externalisé ses approvisionnements à la société Cometva, la seule production d'un tableau d'approvisionnement en fil d'aluminium, dont l'auteur n'est pas précisé, ne permet pas d'établir, ainsi que le relève l'administration, que la gestion des achats de la société FAI Production a été réalisée par la société Cometva. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que des prestations d'ingénierie auraient été rendues par la société Cometva, et notamment par l'intermédiaire de son administrateur, M. C..., lequel est également le dirigeant de la société FAI Production.

11. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé d'admettre en déduction du résultat de la société FAI Production les charges comptabilisées correspondant aux prestations de services facturées par la société Cometva. Par suite, elle était fondée à procéder, en conséquence, au rehaussement de son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et de sa base d'imposition à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années correspondantes.

En ce qui concerne la retenue à la source :

12. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". Aux termes de l'article 119 bis de ce code : " 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Les stipulations de l'article 11 de la convention fiscale conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966 prévoient que : " 1. Les dividendes provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. 2 a) Les dividendes visés au par. 1 sont aussi imposables dans l'Etat contractant d'où ils proviennent, et selon la législation de cet Etat, mais si le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident de l'autre Etat contractant, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 % du montant brut des dividendes. ".

13. Les sommes mentionnées au point 7 ne constituant pas, ainsi qu'il été dit précédemment, des charges déductibles du résultat imposable de la société FAI Production, l'administration a pu les regarder comme constituant des revenus distribués à la Société Cometva au sens du c de l'article 111 du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a appliqué, aux sommes concernées, une retenue à la source sur le fondement du 2 de l'article 119 bis précité du code général des impôts au titre de chacune des années 2012 et 2013, au taux de 15 % prévu par la convention fiscale franco-suisse

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

14. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". L'article 206 de la même annexe prévoit que : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission (...) IV. - 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants :/ 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise (...) ".

15. Lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en œuvre la procédure de rectification contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis était utilisé à plus de 90 % à des fins étrangères à l'entreprise.

16. L'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses correspondant aux prestations de services facturées par la société Cometva. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, que les dépenses relatives aux prestations de services facturées par la société Cometva correspondent à des services utilisés par la société FAI Production à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise, l'intéressée ne développant, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, aucune argumentation propre. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces prestations de service, déduite à tort.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'application des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales :

17. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. " Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

18. La société FAI Production soutient qu'elle peut se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, d'une prise de position formelle de l'administration sur sa situation de fait au regard d'un texte fiscal, dans la mesure où celle-ci n'a pas remis en cause le caractère déductible d'une dépense relative à la location d'une machine multi-presse à la société Cometva lors d'un précédent contrôle dont elle a fait l'objet au titre des exercices clos en 2003 et 2004. Toutefois, cette seule absence de redressement ne saurait être regardée comme constituant une prise de position formelle de l'administration sur la situation de fait de la société au regard d'un texte fiscal, que la contribuable pourrait lui opposer sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

19. Si la société FAI Production se prévaut du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, issu du I de l'article 9 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance, qui dispose qu' " Il en est de même lorsque, dans le cadre d'un examen ou d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, et dès lors qu'elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l'administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement par une absence de rectification ", le II de l'article 9 de la loi du 10 août 2018 réserve l'application du deuxième alinéa de l'article L. 80 A aux contrôles dont les avis sont adressés à compter du 1er janvier 2019. Par suite, la société FAI Production, à qui l'avis de vérification de comptabilité a été adressé antérieurement, n'est pas fondée à s'en prévaloir.

20. Eu égard aux règles qui régissent l'invocabilité des interprétations ou des appréciations de l'administration en vertu des articles cités au point 16 ci-dessus, les contribuables sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A et sur celui de l'article L. 80 B, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures, les interprétations et appréciations antérieures à l'imposition primitive, ou sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L 80 A, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires, les interprétations antérieures à l'expiration du délai de déclaration. Par suite, la société FAI Production ne peut se prévaloir des énonciations de l'instruction référencée BOI-SJ-RES-10-20-10, issues de sa version du 4 mars 2020, postérieure à la période d'imposition en litige.

Sur la majoration de l'article 1729 du code général des impôts appliquée aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

21. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

22. Pour appliquer la majoration pour manquement délibéré prévue par ces dispositions, l'administration s'est fondée sur la circonstance que la société FAI Production, dont le président était également l'administrateur unique de la société Cometva, ne pouvait ignorer l'absence de réalité des prestations facturées par cette société de droit suisse ayant conduit à d'importantes majorations de charges. L'administration justifie, par les éléments mentionnés ci-dessus, et sans qu'y fasse obstacle l'absence de rectification lors du précédent contrôle dont elle a fait l'objet et l'intervention d'un commissaire aux comptes, tant de la matérialité que du caractère intentionnel du manquement de la société FAI Production. Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la majoration de 40 % pour manquement délibéré lui a été infligée.

23. Il résulte de ce qui précède que SAS FAI Production n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande s'agissant des impositions restant en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de SAS FAI Production est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS FAI Production et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

La présidente,

A. CourbonLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00340


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00340
Date de la décision : 24/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : DS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-24;21ly00340 ?
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