Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... H..., M. E... H..., Mme C... G... et Mme A... H... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon (HCL) et leur assureur la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à verser une somme de 6 563 310,86 euros à M. B... H..., une somme de 105 636,93 euros à M. E... H..., une somme de 93 544,50 euros à Mme C... G... et une somme de 27 200 euros à Mme A... H..., en réparation des préjudices résultant d'un accident vasculaire cérébral dont a été victime M. B... H.... La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône a formé des conclusions tendant à la condamnation des HCL à lui verser une somme totale de 904 107,47 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement avant-dire droit n° 1608713 du 22 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a décidé d'une expertise.
Par un jugement n° 1608713 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a condamné, d'une part, les HCL et la SHAM à verser à M. B... H... une somme de 890 896,65 euros, outre des rentes trimestrielles de 2 102,23 euros, 13 065,96 euros et 1 985,28 euros, et le coût d'un ordinateur pupillaire et d'un exosquelette dans la limite de 34 %, à M. E... H... une somme de 30 451,51 euros, à Mme C... G... une somme de 29 005,08 euros et à Mme A... H... une somme de 20 000 euros et, d'autre part, les HCL à verser à la CPAM du Rhône une somme de 126 296,69 euros, outre une rente annuelle de 1 719,01 euros et 34 % du coût de plusieurs matériels médicaux.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire enregistrée le 25 mai 2021, ensemble des mémoires complémentaires enregistrés les 12 juillet 2021, 23 décembre 2021 et 27 janvier 2022, les Hospices civils de Lyon (HCL) et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me Le Prado, demandent à la cour d'annuler le jugement n° 1608713 du tribunal administratif de Lyon en date du 23 mars 2021 et de ramener les sommes allouées à de plus justes proportions.
Ils soutiennent que :
- le principe de la responsabilité et le taux de perte de chance retenu ne sont pas en débat ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne les frais d'assistance par une tierce personne, en l'absence d'encadrement du remboursement de frais éventuels de prestataire ; les sommes demandées sont excessives ;
- il n'est pas davantage motivé concernant les frais d'achat d'un exosquelette, qui ne sont pas encadrés ; ces derniers frais demeurent en outre purement éventuels et non justifiés dans leur principe ;
- les montants alloués à la victime directe au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances, du préjudice esthétique temporaire, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique permanent, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément et du préjudice d'établissement sont excessifs ;
- les sommes allouées aux proches au titre des préjudices d'affection et d'accompagnement sont excessives ;
- les majorations demandées en appel pour la victime et ses proches sont excessives ;
- le préjudice permanent exceptionnel n'est justifié ni dans son principe, ni subsidiairement dans son montant ;
- aucun lien n'est établi entre la faute et les prestations versées aux parents de la victime dont la caisse sollicite le remboursement ; ils entendent en tout état de cause s'opposer à des versements à la caisse, afférents à des prestations futures.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2021, M. B... H..., M. E... H..., Mme C... G... et Mme A... H..., représentés par la SELARL Clapot Lettat, concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que les sommes allouées à M. B... H... soient portées au montant total de 7 018 012,84 euros ;
3°) à ce que les sommes allouées à M. E... H... soient portées au montant total de 106 936,78 euros ;
4°) à ce que les sommes allouées à Mme C... G... soient portées au montant total de 95 012,68 euros ;
5°) à ce que les sommes allouées à Mme A... H... soient portées au montant total de 27 200 euros ;
6°) à ce que l'arrêt soit déclaré commun à la CPAM du Rhône, à la mutuelle Mercer, à la mutuelle APICIL et à la mutuelle Besse ;
7°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des HCL sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à bon droit que le principe de la responsabilité et un taux de perte de chance de 34 % ont été retenus ;
- le jugement doit être confirmé concernant les sommes allouées à la victime directe au titre des dépenses de santé actuelles, des frais divers, du préjudice scolaire, des frais de logement adapté et du préjudice esthétique temporaire ;
- les sommes allouées à la victime directe au titre de l'assistance par une tierce personne doivent être majorées, de même que celles allouées au titre des dépenses de santé futures, y compris les matériels d'assistance au handicap, des aides techniques futures (ordinateur à commande pupillaire, ordinateur avec joystick), du préjudice professionnel futur, de l'incidence professionnelle, des frais de véhicule adapté, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique permanent, du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel, du préjudice d'établissement et du préjudice exceptionnel de dépersonnalisation ;
- le montant à allouer au titre d'un exosquelette pourra être précisé ;
- une somme doit être allouée au titre des techniques de soins selon la technique dite de Bowen ;
- les montants alloués aux parents au titre des frais divers, des pertes de gains professionnels, des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice d'affection doivent être majorés ;
- les montants alloués à la sœur au titre des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice d'affection doivent être majorés.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 janvier 2022, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône, représentée par la SELARL BdL avocats, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que les HCL soient condamnés à lui verser une somme de 126 296,69 euros, outre une rente annuelle de 1 719,01 euros et 34 % du coût de plusieurs matériels médicaux, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) à ce que les HCL soient également condamnés à lui verser les sommes demandées au titre des prestations servies aux parents du jeune B... H..., soit le montant de 107 478,80 euros ;
4°) à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge des HCL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le principe de la responsabilité et le taux de perte de chance ne sont pas en débat ;
- les sommes qui lui ont été allouées l'ont été à bon droit ;
- elle est en outre fondée à solliciter le remboursement des débours engagés pour les parents de la victime.
Par ordonnance du 24 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 février 2022.
Par courrier en date du 21 septembre 2022, il a été demandé à la caisse, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de préciser le montant total des débours échus aujourd'hui, ainsi que l'évaluation actualisée des dépenses futures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale, ensemble l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2022 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. I...,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- les observations de Me Demailly, représentant les HCL et la SHAM ;
- et les observations de Me Lettat-Ouatah, représentant les consorts H....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... H..., né le 22 mai 1998 et alors âgé de 15 ans, a été victime d'un accident vasculaire cérébral le 27 juin 2013. Par le jugement n° 1608713 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon, conformément aux conclusions des deux expertises ordonnées en référé et de l'expertise complémentaire décidée avant-dire droit, a jugé que les Hospices civils de Lyon (HCL) ont commis une faute, en ne prenant pas en compte immédiatement dans leur diagnostic plusieurs symptômes neurologiques, et que ce retard fautif de diagnostic a fait perdre au patient une chance d'éviter une dégradation de son état, à hauteur d'une proportion de 34 %. Le tribunal a en conséquence condamné les HCL, ainsi que leur assureur, la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à indemniser M. B... H..., la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône, tiers-payeur subrogé, ainsi que les parents du patient, M. E... H... et Mme C... G..., et sa sœur, Mme A... H..., dans la limite de cette perte de chance.
2. Le principe de la responsabilité et le taux de perte de chance, tels que les a retenus le tribunal conformément aux analyses des experts, n'étant pas contestés, le litige soumis à la cour porte uniquement sur l'évaluation des préjudices indemnisables.
Sur les conclusions tendant à ce que l'arrêt soit déclaré commun à la CPAM du Rhône, à la mutuelle Mercer, à la mutuelle APICIL et à la mutuelle Besse :
3. Seuls peuvent se voir déclarer commun un jugement rendu par une juridiction administrative, les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction saisie eût été compétente pour connaître et auxquels pourrait préjudicier ce jugement dans des conditions leur ouvrant droit à former tierce-opposition à ce jugement. D'une part, la CPAM du Rhône a été régulièrement mise en cause. D'autre part, aucune disposition ni aucun principe n'impose la mise en cause de la mutuelle Mercer, de la mutuelle APICIL, ni de la mutuelle Besse. Dès lors, ces conclusions doivent être rejetées.
Sur la régularité du jugement :
4. En premier lieu, les HCL et la SHAM soutiennent que le jugement est insuffisamment motivé, concernant le préjudice patrimonial permanent d'assistance par une tierce personne, s'agissant des sommes allouées au titre du préjudice futur, au motif que le tribunal, tout en évaluant le préjudice en cause, a par ailleurs prévu la possibilité que les sommes versées puissent l'être le cas échéant au vu des montants qui pourraient être effectivement versés à un prestataire. Toutefois, le tribunal a régulièrement exposé selon quelles modalités il évaluait le préjudice futur, indemnisé sous la forme d'une rente. Il a par ailleurs réservé l'hypothèse d'un changement ultérieur de la situation de la victime, en prévoyant qu'un tel changement devrait alors être porté à la connaissance des HCL et de la SHAM. Il a indiqué, dans une telle hypothèse, l'adaptation des modalités de calcul de la rente en fonction de l'évolution de la situation, sauf à ce que la victime puisse le cas échéant justifier de montants versés à un prestataire. Les HCL soutiennent que le tribunal aurait dû prévoir un encadrement des remboursements à effectuer dans le cas du recours à un prestataire. Leur critique porte toutefois sur le bien-fondé de l'indemnisation déterminée par le tribunal, le jugement étant en lui-même suffisamment motivé. L'irrégularité du jugement n'est dès lors pas établie.
5. En second lieu, les HCL et la SHAM soutiennent également que le jugement est insuffisamment motivé concernant l'indemnisation du préjudice futur tenant à la possibilité d'acquisition d'un exosquelette. Toutefois, en contestant le caractère purement éventuel du recours à ce procédé et l'incertitude sur les montants en cause, les HCL et la SHAM critiquent en réalité le bien-fondé du jugement, alors que le tribunal a pour le reste régulièrement exposé les motifs pour lesquels il entendait retenir une indemnisation à ce titre.
Sur les préjudices de la victime :
6. Les préjudices de la victime sont en particulier éclairés par deux rapports d'expertise, réalisés par le docteur D... sur deux ordonnances du juge des référés du tribunal et remis respectivement le 30 avril 2016, soit avant la consolidation, puis le 20 septembre 2018, après consolidation. De plus, par jugement avant-dire droit du 23 mars 2019, le tribunal a ordonné une expertise complémentaire, le rapport du docteur F... ayant été remis le 20 juillet 2019. Il résulte de l'instruction, et notamment de ces expertises, que le patient est atteint d'un syndrome d'enfermement (" locked-in syndrome "). Il est conscient, vigilant et attentif, mais il est atteint d'une tétraplégie avec une paralysie faciale bilatérale, et il ne peut pas parler. Les experts ont fixé la consolidation au 4 mai 2018, date non contestée.
En ce qui concerne les préjudices subis avant consolidation :
S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
Quant aux dépenses de santé avant consolidation :
7. La caisse établit qu'elle a pris en charge des dépenses de santé, pour le montant total, justifié et non contesté, de 342 033,06 euros. Les intimés établissent par ailleurs que des dépenses de même nature ont été prises en charge par la mutuelle APICIL, pour le montant non contesté de 4 141,04 euros.
8. Les intimés établissent que sont restés à leur charge les montants, non contestés, de 2 176,61 euros au titre des consommables nécessaires aux soins, de 22 316,77 euros au titre d'un fauteuil roulant électrique, ainsi que de 8 033,64 euros au titre d'aménagements complémentaires utiles apportés à ce fauteuil. Ils justifient également d'équipements adaptés au handicap, sous la forme d'un fauteuil roulant, de trois sangles, d'un siège coquille et d'une housse de coussin, pour le montant total non contesté de 1 775,95 euros, et enfin de diverses dépenses pour un montant total non contesté de 6 928,42 euros, sous la forme d'un livre sur les repas adaptés, de séparateurs de doigts, de housse pour plancher de transfert, de kit mini bras, d'urinal, de lève personne, de table de lit plateau, de micro bras friction, de sur-matelas, de coussin et de lit électrique.
9. En revanche, pas plus qu'en première instance les intimés ne justifient de la nécessité des séances de thérapie manuelle dites " de Bowen ", pas plus que celle de la prise en charge par un centre de soins en Pologne.
10. Le montant total des dépenses de santé imputables s'élève donc à 387 405,49 euros, dont 41 231,39 euros restés à la charge de la victime, 342 033,06 euros pris en charge par la caisse et 4 141,04 euros pris en charge par la mutuelle APICIL, non présente à l'instance.
Quant aux frais divers avant consolidation :
11. Les frais d'assistance par un médecin conseil, utiles et non contestés, s'élèvent à un montant de 1 080 euros avant consolidation.
12. Les intimés ont exposé des dépenses, non contestées, pour l'acquisition d'un ordinateur portable, d'une tablette, d'un contacteur et d'un support flexible, pour un montant total de 1 403,60 euros.
13. Ils justifient d'une dépense, non contestée, de 88,62 euros, pour l'établissement d'une procuration générale par acte notarié.
14. Le tribunal a retenu, à juste titre et de façon non contestée, que le requérant a dû aménager un véhicule pour son transport avec fauteuil roulant, pour un coût d'aménagement spécifique évalué à 31 245,80 euros, une somme de 5 000 euros lui ayant toutefois été allouée par la maison départementale des personnes handicapées.
15. Le montant total des frais divers imputables s'élève donc à 33 818,02 euros. Cette somme est restée à la charge de la victime, sous réserve de la somme de 5 000 euros prise en charge par la maison départementale des personnes handicapées.
Quant aux frais d'assistance par une tierce personne avant consolidation :
16. L'expert Mme D... a relevé que l'état du patient, compte tenu de sa tétraplégie, nécessite l'assistance constante d'une tierce personne, que l'expert évalue à un besoin d'aide de 26 heures par jour pour tenir compte de certaines prises en charge qu'une personne ne peut assurer seule. L'essentiel de l'aide porte sur l'assistance à la vie quotidienne. En l'espèce, il n'est pas contesté que cette aide lui a été apportée par les membres de sa famille. En revanche, cette aide ne peut être regardée comme ayant été nécessaire durant les périodes d'hospitalisation, soit du 28 juin 2013 au 31 juillet 2015, du 6 au 27 août 2015, le 27 octobre 2015, du 10 avril au 8 juin 2017, et le 4 mai 2018, date à partir de laquelle la consolidation est acquise. En retenant un montant horaire égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des cotisations sociales, sur la base d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le tribunal n'a pas, en l'espèce et compte tenu du niveau de qualification requis et de la mission d'assistance en cause, fait une appréciation inexacte du besoin total d'assistance par une tierce personne de M. B... H... en l'évaluant à la somme de 410 826,64 euros pour la période antérieure à la consolidation. Ce poste a toutefois été en partie pris en charge, d'une part, à hauteur de 5 689,16 euros au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, d'autre part, à hauteur de 135 191,85 euros, au titre de la prestation de compensation du handicap. Le montant resté à la charge de la victime est donc de 269 945,63 euros.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
17. L'expert Mme D... indique que le déficit fonctionnel temporaire a été total pour les périodes d'hospitalisation, soit du 28 juin 2013 au 31 juillet 2015, du 6 au 27 août 2015, le 27 octobre 2015, du 10 avril au 8 juin 2017, et le 4 mai 2018, date à partir de laquelle la consolidation est acquise. Pour le reste, l'expertise retient un déficit fonctionnel partiel, mais de classe IV, évalué à 98 %, pour les périodes sans hospitalisation, jusqu'à la consolidation. Compte tenu de la durée particulière et de l'importance de ce déficit fonctionnel temporaire, il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation du préjudice correspondant en retenant un montant total de 30 000 euros.
Quant aux souffrances endurées avant consolidation :
18. L'expert Mme D... retient un niveau très important de souffrances, évalué à 7/7, en raison particulièrement de la prolongation des hospitalisations, de la longue rééducation, de différents soins infirmiers, d'assistance et de kinésithérapie, qu'elle qualifie de difficiles, et enfin des complications. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'importance et à la durée de ces souffrances, il en sera fait une juste appréciation en évaluant le préjudice correspondant au montant total de 50 000 euros.
Quant au préjudice esthétique temporaire :
19. Ce préjudice est évalué à 6,5/7 par l'expert Mme D..., s'agissant d'une victime, née le 22 mai 1998, atteinte d'un handicap majeur et particulièrement invalidant. Il en sera fait une juste appréciation, en l'espèce, en retenant un montant de 30 000 euros.
En ce qui concerne les préjudices subis après consolidation :
S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :
Quant aux dépenses de santé :
1- Les dépenses de santé échues entre la date de consolidation et la date du présent arrêt :
20. En premier lieu, à la suite d'une mesure d'instruction spécialement diligentée, la caisse justifie tout d'abord, par un état des débours établi le 3 octobre 2022, avoir exposé, à la date du présent arrêt, des dépenses de santé après consolidation, correspondant à des frais hospitaliers, des frais médicaux, des frais pharmaceutiques, des frais d'appareillage et des frais de transport, pour un montant total échu de 62 865,78 euros au 30 septembre 2022. Ensuite, la caisse établit également que l'état du patient appellera nécessairement des débours ultérieurs. Les frais hospitaliers annuels allégués ne peuvent toutefois être retenus, alors que le tribunal a relevé que ces frais n'étaient pas justifiés dans leur principe, et que l'état des débours produit par la caisse ne fait en réalité apparaître, au titre des frais échus précités, qu'une seule hospitalisation en 2018, sans aucune hospitalisation annuelle entre 2018 et 2022. Le montant annuel de frais futurs viagers dont la caisse peut être regardée comme établissant le principe et le montant, et dont doit ainsi être retranché le montant indiqué de frais hospitaliers, se limite, dès lors, à la somme de 13 353,23 euros. La caisse doit dans ces conditions être regardée comme établissant l'engagement d'autres débours, entre le 30 septembre 2022 et la date du présent arrêt, à hauteur de la seule somme de 1 112,77 euros. Le total des débours exposés entre la consolidation et la date du présent arrêt s'élève ainsi à 63 978,55 euros.
21. M. B... H... établit conserver à sa charge des frais, non contestés, de consommables renouvelés mensuellement, pour un montant de 368,24 euros par mois, soit un montant total de 19 884,96 euros échu à la date du présent arrêt. Il expose ensuite conserver à sa charge des frais non contestés de consommables renouvelés trimestriellement, pour un montant de 50 euros par mois, soit un montant total de 2 700 euros échu à la date du présent arrêt.
22. M. B... H... établit également conserver à sa charge des frais, non contestés, de matériels d'assistance au handicap, renouvelés annuellement, pour un montant de 1 067 euros par an, soit un montant total de 4 268 euros échu à la date du présent arrêt. Il établit ensuite conserver à sa charge des frais, non contestés, de matériels d'assistance au handicap, renouvelés tous les deux ans, pour un montant de 1 082,41 euros par an, soit un montant total de 4 329,64 euros échu à la date du présent arrêt. Il établit encore conserver à sa charge des frais, non contestés, de matériels d'assistance au handicap, renouvelés tous les trois ans, pour un montant total sur trois ans de 3 052,85 euros, échu à la date du présent arrêt, aucun renouvellement triennal n'étant pour le reste établi entre la consolidation et la date du présent arrêt.
23. Si M. B... H... fait également valoir des frais de matériels de soins, en soutenant qu'ils devraient être renouvelés tous les 5 ans, ils ont toutefois été acquis avant consolidation et il ne justifie, ni de la nécessité de les renouveler tous les 5 ans, ni en tout état de cause d'un renouvellement effectif. Les sommes correspondantes ne peuvent donc être prises en compte au titre des dépenses de santé échues entre la consolidation et la date du présent arrêt. Il en va de même, pour les mêmes motifs, des frais allégués de renouvellement d'un fauteuil roulant électrique et de ses accessoires, dont la fréquence de renouvellement n'est pas justifiée et dont le renouvellement effectif n'est en tout état de cause pas établi entre la consolidation et la date du présent arrêt. Il en va enfin de même, pour les mêmes motifs, des frais de renouvellement d'un ordinateur avec joystick.
24. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... H... ne justifie pas de la nécessité des séances de thérapie manuelle dites " de Bowen ", pas davantage que pour les soins de réflexologie.
25. Il résulte de ce qui précède que les dépenses de santé échues après consolidation s'élèvent au montant total de 98 214 euros, dont 34 235,45 euros restés à la charge de la victime et 63 978,55 euros pris en charge par la caisse.
2- Les dépenses de santé postérieures à la date du présent arrêt :
26. En second lieu, si la caisse a exposé que, postérieurement au présent arrêt, une hospitalisation de 30 jours par an en soins de suite et de réadaptation serait nécessaire et devrait lui être remboursée, elle n'établit toutefois pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, que cette dépense aurait été effectivement engagée à la date du présent arrêt, ni qu'elle serait réellement nécessaire à l'avenir, alors que le tribunal a au contraire relevé le caractère incertain de cette hospitalisation et que le récapitulatif des frais échus à la date du présent arrêt conduit en effet à constater l'absence de réalisation annuelle effective d'une telle hospitalisation. Les frais futurs correspondants ne peuvent dès lors être retenus.
27. En revanche, ainsi qu'il a été dit, la caisse établit, sans contestation sérieuse, que l'état du patient nécessitera des dépenses d'appareillage, d'actes médicaux et de traitement médicamenteux, pour un montant annuel total de 13 353,23 euros.
28. Ainsi qu'il a été dit, M. B... H... justifie devoir conserver à sa charge des frais, non contestés, de consommables renouvelés mensuellement, pour un montant de 368,24 euros par mois, soit un montant total annuel de 4 418,88 euros. Il établit ensuite devoir conserver à sa charge des frais, non contestés, de consommables renouvelés trimestriellement, pour un montant de 150 euros par trimestre, soit un montant annuel total de 600 euros. Il établit conserver à sa charge des frais, non contestés, de matériels d'assistance au handicap, renouvelés annuellement, pour un montant de 1 067 euros par an, Il établit également conserver à sa charge des frais, non contestés, de matériels d'assistance au handicap, renouvelés tous les deux ans, pour un montant annuel de 1 082,41 euros. Il établit enfin conserver à sa charge des frais, non contestés, de matériels d'assistance au handicap, renouvelés tous les trois ans, pour un montant annuel de 1 017,62 euros.
29. S'agissant du lit médicalisé avec accessoires, du fauteuil roulant manuel, de l'entraineur thérapeutique, du bain douche avec chargeur et barre de maintien, du fauteuil électrique et de ses accessoires, soit un montant total de 49 732,19 euros susceptible de rester à la charge de M. B... H... en cas de renouvellement, il a été dit que le renouvellement effectif aux fréquences indiquées n'est pas justifié. En l'espèce, une dépense annuelle de 4 973,22 euros peut être regardée comme suffisamment certaine et être retenue au titre des dépenses de santé futures.
30. En se bornant à indiquer qu'un exosquelette serait à envisager, tout en admettant que ce type d'équipement n'est pas encore sorti de la phase de recherche et de développement, l'expert Mme D... ne peut être regardée comme ayant établi de façon certaine la nécessité d'une telle dépense. En tout état de cause, les HCL et la SHAM soulignent, sans contestation sérieuse, qu'à la date du présent arrêt un tel appareil n'est encore qu'un projet à l'étude. Aucun modèle précis qui serait effectivement commercialisé n'est d'ailleurs même évoqué. Cette possibilité, qui est ainsi en l'état incertaine et purement éventuelle, et dont la nécessité n'est pas établie dans ces conditions, ne peut donc être regardée comme justifiant que les frais potentiels d'un tel appareillage soient retenus au titre des préjudices certains imputables à la faute, même à titre futur. Le présent arrêt ne fait toutefois pas obstacle à ce que, dans l'hypothèse où un modèle d'exosquelette susceptible de permettre une meilleure prise en charge de M. B... H... viendrait à être mis au point et commercialisé, l'intéressé puisse alors envisager de saisir le juge de conclusions tendant à ce que le coût de cet appareillage soit le cas échéant mis à la charge du responsable dans la limite du taux de perte de chance.
31. Enfin, la nécessité d'un recours futur à des séances de thérapie manuelle dites " de Bowen " et à des soins de réflexologie n'est pas établie.
32. Il résulte de ce qui précède que les dépenses de santé postérieures au présent arrêt, doivent être évaluées au montant annuel total de 26 512,36 euros, dont 13 159,13 euros à la charge de la victime et 13 353,23 euros à la charge de la caisse.
Quant aux frais spécifiques d'ordinateurs :
33. L'expert Mme D... a relevé, dans son premier rapport d'expertise daté du 30 avril 2016, qu'il serait souhaitable que M. B... H... puisse disposer d'un ordinateur à commande pupillaire. Si la disposition d'un ordinateur n'est pas nécessairement, en elle-même, un préjudice lié de façon directe et certaine à tout préjudice corporel, toutefois en l'espèce et compte tenu de la nature spécifique et de l'ampleur toute particulière du préjudice de la victime, un tel ordinateur apparaît comme un moyen de communication, spécialement adapté, susceptible de pallier aux conséquences du syndrome d'enfermement. L'expert a, à cet égard, constaté que la victime a pu disposer du prêt gracieux temporaire d'un tel équipement, et que l'utilité lui en est apparue avérée. Dans ces conditions, ce matériel doit en l'espèce être regardé comme ayant une utilité thérapeutique et comme permettant la prise en charge des difficultés particulières de communication qui sont une conséquence des séquelles subies. M. B... H... est ainsi fondé à demander la prise en charge de cette dépense au titre des dépenses futures imputables à la faute. En revanche, la prise en charge future, en outre, de frais d'acquisition d'un autre ordinateur avec joystick, susceptible de faire double emploi, n'est pas justifiée. M. H... produit une facture, non contestée, d'un montant de 16 388,07 euros pour l'acquisition d'un système d'ordinateur à commande pupillaire, qu'il y a lieu de retenir. Il est également fondé à solliciter la prise en charge du coût de renouvellement de cet équipement, tous les cinq ans, soit un montant annuel de 3 277,61 euros.
Quant aux frais de logement adapté :
34. Ainsi que l'a relevé le tribunal et que l'admettent les parties, M. H... justifie de dépenses d'aménagement de son logement rendues nécessaires par son handicap, à hauteur d'un montant total de 61 700,48 euros, le tribunal ayant à juste titre écarté le coût de remplacement d'une chaudière, qui n'est pas imputable au handicap. Si le requérant expose que d'autres dépenses pourraient être utiles, il ne précise en l'état ni leur nature ni leur montant.
Quant aux frais de véhicule adapté :
35. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le coût d'achat d'un véhicule ne peut être regardé comme imputable au handicap, mais seulement le surcoût lié à la nécessité de procéder à un aménagement spécifique. Il a été dit précédemment que ce surcoût peut être évalué à hauteur d'un montant total de 31 245,80 euros. En retenant le renouvellement du véhicule tous les sept ans, ainsi que l'a estimé le tribunal, et en l'absence de frais échus de renouvellement établis, le requérant doit être regardé comme justifiant d'un coût annuel de renouvellement de 4 463,69 euros.
Quant aux frais d'assistance par une tierce personne :
36. Ainsi qu'il a été dit, l'expert a relevé que l'état du patient, compte tenu de sa tétraplégie, nécessite l'assistance constante d'une tierce personne, que l'expert évalue à un besoin d'aide de 26 heures par jour pour tenir compte de certaines prises en charge qu'une personne ne peut assurer seule. L'essentiel de l'aide porte sur l'assistance à la vie quotidienne.
37. En premier lieu, il n'est pas contesté que du 4 mai 2018, date de la consolidation, à la date du présent arrêt, l'aide requise a été apportée par les membres de la famille. Doit toutefois être déduite, ainsi que l'a à juste titre relevé le tribunal, la période d'accueil dans une structure en 2018, pour une durée totale de 29 jours. En retenant, selon la méthode exposée au paragraphe 16 du présent arrêt, un montant horaire égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des cotisations sociales, évalué au montant de 14 euros pour l'ensemble des années en cause, sur la base d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, les montants échus à la date du présent arrêt au titre de l'ensemble de ce chef de préjudice, s'élèvent à la somme totale de 657 394 euros.
38. En second lieu, les frais d'assistance par une tierce personne que le requérant devra assumer pour l'avenir, postérieurement à la date du présent arrêt, doivent s'évaluer, selon la même méthode, à hauteur d'une somme annuelle de 160 680 euros, sur la base d'un taux horaire qui doit être porté à un montant de 15 euros.
39. Toutefois, il appartient aux juges du fond, en présence d'éléments rendant probable une évolution ultérieure du mode de prise en charge de la victime qui aurait pour conséquence de la décharger de tout ou partie de ses frais d'assistance par une tierce personne, de prévoir que la rente accordée à ce titre sera, en pareil cas, suspendue ou réduite, sous le contrôle du juge de l'exécution de la décision fixant l'indemnisation. En l'espèce, alors que l'âge et l'importance du handicap de la victime rendent probable sa prise en charge ultérieure dans une institution spécialisée, il y a lieu de réserver cette hypothèse dans l'évaluation du préjudice d'assistance d'une tierce personne postérieurement au présent arrêt, en prévoyant que la rente versée le sera sous déduction du nombre de jours durant lesquels la victime serait effectivement prise en charge dans une institution, le montant quotidien déductible devant être fixé à 440,22 euros et revalorisé par application du coefficient prévu à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
Quant au préjudice scolaire et professionnel :
40. Lorsque la victime se trouve, du fait d'un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à la scolarité et à une activité professionnelle, la circonstance qu'il n'est pas possible, eu égard à la précocité de l'accident, de déterminer le parcours scolaire et professionnel qui aurait été le sien ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive, ainsi que ses préjudices d'incidence scolaire et professionnelle. Dans un tel cas, il y a lieu de réparer tant le préjudice professionnel que la part patrimoniale des préjudices d'incidence scolaire et professionnelle par l'octroi à la victime d'une rente de nature à lui procurer, à compter de sa majorité et sa vie durant, un revenu équivalent au salaire médian. Cette rente mensuelle doit être fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année de la majorité de la victime, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Doivent en être déduits les éventuels revenus d'activité ainsi que, le cas échéant, les sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés, ou au titre de pensions ou de prestations ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels. Cette rente n'a, en revanche, pas pour objet de couvrir la part personnelle des préjudices d'incidence scolaire et d'incidence professionnelle, qui doit faire l'objet d'une indemnisation distincte.
41. Il est constant que la victime, seulement âgé de 15 ans au moment de la prise en charge hospitalière, était en classe de 3ème. L'accident dont il a été victime a obéré la continuation de son parcours scolaire. Cet accident a par ailleurs fait obstacle, eu égard à l'ampleur du handicap qui en résulte, à ce que la victime s'engage dans un parcours professionnel.
42. La part patrimoniale de son préjudice professionnel et de son préjudice scolaire doit s'évaluer, par application des principes précités, à hauteur d'une rente fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année 2016, année de sa majorité, soit le montant de 1 789 euros, et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale auquel renvoie l'article L. 434-17 du même code. Devront être en l'espèce déduites de cette rente les sommes perçues par la victime au titre de l'allocation aux adultes handicapés. Il ressort des pièces produites que cette allocation a été perçue à compter de juin 2018, pour un montant mensuel initial de 819 euros, porté à 860 euros en octobre 2018. Le montant échu de la rente de préjudice scolaire et professionnel précitée à la date du présent arrêt s'élève à 171 685,81 euros, sous déduction des sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés, soit 44 556 euros. Le montant échu resté à la charge de la victime s'élève ainsi à 127 129,81 euros.
43. S'agissant de la part personnelle du préjudice scolaire et professionnel, eu égard en l'espèce à son ampleur particulière et à sa durée, du fait du jeune âge de la victime, elle doit être évaluée à hauteur d'une somme totale de 40 000 euros.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :
Quant au déficit fonctionnel permanent :
44. L'expert Mme D... a retenu un taux majeur de déficit fonctionnel permanent, s'élevant à 98 % au 4 mai 2018, date de la consolidation, la victime n'ayant alors pas encore atteint l'âge de 20 ans. Il en sera fait en l'espèce une juste appréciation en évaluant le préjudice correspondant à hauteur d'une somme de 600 000 euros.
Quant au préjudice d'agrément :
45. M. H... fait en particulier valoir qu'il était très sportif et que toute activité physique lui est désormais impossible, l'expert Mme D... ayant pour sa part constaté un préjudice très important, qui est corroboré par les pièces produites. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à hauteur d'un montant de 30 000 euros.
Quant au préjudice esthétique permanent :
46. L'expert Mme D... l'évalue à un taux de 7/7 dans son rapport définitif, et il en sera en l'espèce fait une juste appréciation en l'évaluant à hauteur d'une somme de 40 000 euros.
Quant au préjudice sexuel :
47. L'expert Mme D... a relevé un préjudice majeur, compte tenu de l'ampleur du handicap. Il sera fait en l'espèce une juste appréciation du préjudice correspondant en l'évaluant à hauteur d'un montant de 20 000 euros.
Quant au préjudice d'établissement :
48. L'ampleur du handicap obère en l'espèce de façon majeure, ainsi que le relève l'expert Mme D..., la chance de la victime de réaliser normalement un projet de vie familiale. Il en sera fait en l'espèce une juste appréciation en retenant un montant de 100 000 euros.
Quant au préjudice permanent exceptionnel :
49. M. H... fait en l'espèce valoir que, du fait de la paralysie totale et définitive dont il est victime, il subit ce qu'il désigne comme étant un " préjudice exceptionnel de dépersonnalisation ", tenant à ce que le syndrome d'enfermement l'empêche d'exprimer normalement sa personnalité dans des interactions sociales. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, eu égard aux conséquences spécifiques qu'entraine effectivement le handicap particulièrement lourd qui est subi, la victime doit être regardée, ainsi que l'a admis le tribunal, comme subissant de façon exceptionnelle un tel préjudice, qui ne peut être regardé comme englobé dans les autres chefs de préjudice qui ont été précédemment examinés et notamment celui tenant au déficit fonctionnel permanent. Il sera fait en l'espèce une juste appréciation de ce préjudice permanent exceptionnel en l'évaluant à hauteur d'un montant de 35 000 euros.
En ce qui concerne les sommes mises à la charge du responsable et les droits respectifs de la victime directe et de la caisse :
50. Dans le cas où la réparation, fondée sur un pourcentage représentatif d'une perte de chance, est partielle, la somme que doit réparer le tiers responsable au titre d'un poste de préjudice doit être attribuée par préférence à la victime, le solde étant, le cas échéant, attribué aux tiers subrogés.
S'agissant du préjudice total à la charge du responsable :
51. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit précédemment que les préjudices correspondant à l'ensemble des montants échus ou évalués en capital à la date du présent arrêt, s'élèvent à un montant total de 2 812 432,51 euros, outre les rentes qui ont été indiquées, au titre des charges postérieures à la date du présent arrêt, pour les dépenses de santé, les frais de véhicule adapté, les frais spécifiques d'ordinateur, l'assistance par une tierce personne, sous réserve de ce qui a été dit au paragraphe 39 du présent arrêt, et la part patrimoniale du préjudice professionnel et du préjudice scolaire, cette dernière à indemniser dans les conditions précisées aux paragraphes 40 et 42.
52. Compte tenu de la part de perte de chance, s'élevant à 34 %, les sommes que les HCL et leur assureur la SHAM sont susceptibles d'être condamnés à verser, s'élèvent donc à un montant de 956 227,05 euros, outre une fraction de 34 % des rentes qui ont été indiquées.
S'agissant du partage entre la victime directe et la caisse :
53. En premier lieu, au titre du poste des dépenses de santé avant consolidation, la somme de 131 717,87 euros à la charge du responsable doit être versée prioritairement à la victime directe, à hauteur du montant resté à sa charge de 41 231,39 euros, le reste, soit 90 486,48 euros, étant alloué à la caisse.
54. En second lieu, au titre de tous les autres postes, il résulte de ce qui a été dit précédemment sur leur montant total et sur la prise en charge des divers préjudices par des tiers payeurs, que les montants restés à la charge de la victime directe excèdent la part dont le responsable doit répondre compte tenu de la perte de chance. Conformément au droit de priorité de la victime, les sommes correspondantes doivent, dès lors, être allouées en intégralité à M. B... H..., dans la limite de la part de perte de chance, y compris s'agissant des rentes destinées à couvrir des préjudices futurs.
55. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les HCL et la SHAM doivent être condamnés à verser à la victime directe, M. B... H..., la somme totale de 865 740,57 euros. Les HCL doivent être également condamnés à verser à la CPAM du Rhône la somme de 90 486,48 euros.
56. Au titre des dépenses de santé futures, des frais futurs spécifiques d'ordinateur et des frais futurs de véhicule adapté, les HCL et la SHAM sont condamnés à verser à M. B... H... une rente trimestrielle d'un montant de 2 911,56 euros, payable par trimestre échu et revalorisée par application du coefficient prévu à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
57. Au titre des dépenses d'assistance future par une tierce personne, les HCL et la SHAM sont condamnés à verser à M. B... H... une rente trimestrielle d'un montant de 12 747,28 euros, payable par trimestre échu et revalorisée par application du coefficient prévu à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Toutefois, si l'intéressé venait à être placé en institution spécialisée, la rente sera réduite au prorata du nombre de jours passés dans cette institution, sur la base du montant journalier de 440,22 euros qui a été exposé au paragraphe 39 du présent arrêt, ce montant journalier devant également être revalorisé par application du coefficient prévu à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
58. Au titre de la part patrimoniale du préjudice professionnel et du préjudice scolaire, les HCL et la SHAM sont condamnés à verser à M. B... H... une rente mensuelle fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année 2016, année de sa majorité, soit le montant de 1 789 euros, et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.
Sur les préjudices des proches de la victime :
En ce qui concerne les préjudices de la mère de la victime :
59. En premier lieu, si l'indemnisation des frais d'assistance par une tierce personne ne peut intervenir qu'au profit de la victime, les proches de la victime qui lui apportent une assistance peuvent prétendre à être indemnisés par le responsable du dommage au titre des préjudices qu'ils subissent de ce fait. Mme C... G... fait en l'espèce valoir un préjudice de perte de revenus. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal, elle ne produit aucun élément circonstancié de nature à établir que les pertes de revenus invoquées, qui ne sont survenues qu'à compter de 2016 ainsi qu'elle l'expose et tiennent à des motifs médicaux propres à sa situation, seraient en lien direct et certain avec la faute médicale commise en 2013 à l'égard de son fils. Pour les mêmes motifs, les demandes de la caisse relatives aux débours exposés à ce titre doivent également être rejetées.
60. En deuxième lieu, Mme C... G... fait également valoir les troubles dans les conditions d'existence résultant du handicap grave de son fils et de l'assistance particulière que cette situation implique. Le tribunal n'en a pas fait en l'espèce une appréciation insuffisante en l'évaluant à une somme de 30 000 euros, à verser dans la limite du taux de perte de chance.
61. En troisième lieu, Mme C... G... fait valoir un préjudice moral et d'affection résultant du constat du handicap subi par son fils. Le tribunal n'en a pas fait en l'espèce une appréciation insuffisante en l'évaluant à une somme de 45 000 euros, à verser dans la limite du taux de perte de chance.
62. En quatrième lieu, Mme C... G... fait valoir des frais divers de déplacements, non contestés, qui doivent être admis sous réserve des frais liés à une prise en charge en Pologne, dont il a été dit qu'elle n'apparait pas justifiée par le handicap. Les frais de déplacement pour se rendre à un congrès sur le syndrome d'enfermement, écartés par le tribunal, sont pour leur part justifiés par les pièces produites en appel. Il y a lieu ainsi de retenir une somme totale de 12 016,65 euros, à verser dans la limite du taux de perte de chance.
En ce qui concerne les préjudices du père de la victime :
63. En premier lieu, si l'indemnisation des frais d'assistance par une tierce personne ne peut intervenir qu'au profit de la victime, les proches de la victime qui lui apportent une assistance peuvent prétendre à être indemnisés par le responsable du dommage au titre des préjudices qu'ils subissent de ce fait. M. E... H... fait en l'espèce valoir un préjudice de perte de revenus, qui correspondrait à la renonciation volontaire à des heures supplémentaires, puis à une invalidité survenue en 2017 et liée à des motifs médicaux propres. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal, il ne produit aucun élément circonstancié de nature à établir que les pertes de revenus invoquées seraient en lien direct et certain avec la faute médicale. Pour les mêmes motifs, les demandes de la caisse relatives aux débours exposés à ce titre doivent également être rejetées.
64. En deuxième lieu, M. E... H... fait également valoir les troubles dans les conditions d'existence résultant du handicap grave de son fils et de l'assistance particulière que cette situation implique. Le tribunal n'en a pas fait en l'espèce une appréciation insuffisante en l'évaluant à une somme de 30 000 euros, à verser dans la limite du taux de perte de chance.
65. En troisième lieu, M. E... H... fait valoir un préjudice moral et d'affection résultant du constat du handicap subi par son fils. Le tribunal n'en a pas fait en l'espèce une appréciation insuffisante en l'évaluant à une somme de 45 000 euros, à verser dans la limite du taux de perte de chance.
66. En quatrième lieu, M. E... H... fait valoir des frais divers de déplacements, justifiés et non contestés, pour se rendre quotidiennement au chevet de son fils. Il y a lieu ainsi de retenir une somme totale de 16 033,86 euros, admise par le tribunal, à verser dans la limite du taux de perte de chance.
En ce qui concerne les préjudices de la sœur de la victime :
67. En premier lieu, Mme A... H... fait valoir les troubles dans ses conditions d'existence résultant de la déstabilisation de la cellule familiale du fait des soins particuliers que le handicap de son frère a rendus nécessaires. Le tribunal n'en a pas fait en l'espèce une appréciation insuffisante en l'évaluant à une somme de 24 000 euros, à verser dans la limite du taux de perte de chance.
68. En second lieu, Mme A... H... a subi un préjudice moral et d'affection du fait du handicap de son frère, dont le tribunal n'a pas fait une appréciation insuffisante en l'évaluant au montant de 36 000 euros, à indemniser dans la limite du taux de perte de chance.
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
69. En application des dispositions combinées des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 1er de l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion, il y a lieu de condamner les hospices civils de Lyon à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme de 1 114 euros.
70. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les HCL et la SHAM sont fondés à soutenir que les sommes allouées à M. B... H... doivent être ramenées à la somme totale de 865 740,58 euros, outre les rentes qui ont été exposées, et celles versées à la CPAM du Rhône à la somme de 90 486,48 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion à hauteur d'une somme de 1 114 euros. Les parties ne sont pas fondées à soutenir que les sommes allouées à M. E... H... et à Mme A... H... n'auraient pas été exactement appréciées par le tribunal. Enfin, Mme C... G... est fondée à soutenir que les sommes qui lui ont été allouées doivent être portées au montant de 29 585,66 euros.
Sur les frais liés au litige :
71. En premier lieu, les frais des expertises décidées, d'une part, par le juge des référés du tribunal par deux ordonnances successives, d'autre part, avant-dire droit par le tribunal, sont maintenus à la charge des HCL et de la SHAM.
72. En second lieu, les HCL et la SHAM étant tenus aux dépens, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à leur charge une somme de 2 000 euros à verser à M. B... H..., Mme C... G..., M. E... H... et Mme A... H... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la CPAM du Rhône sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : Les HCL et la SHAM sont condamnés à verser à M. B... H... une somme de 865 740,57 euros.
Article 2 : Les HCL et la SHAM sont condamnés à verser à M. B... H..., au titre des dépenses de santé futures, des frais futurs spécifiques d'ordinateur et des frais futurs de véhicule adapté, une rente trimestrielle d'un montant de 2 911,56 euros, payable par trimestre échu et revalorisée par application du coefficient prévu à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, sans préjudice de la réserve mentionnée au paragraphe 30 du présent arrêt.
Article 3 : Les HCL et la SHAM sont condamnés à verser à M. B... H..., au titre des dépenses d'assistance future par une tierce personne, une rente trimestrielle d'un montant de 12 747,28 euros, payable par trimestre échu et revalorisée par application du coefficient prévu à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Toutefois, si M. B... H... venait à être placé en institution spécialisée, la rente sera réduite au prorata du nombre de jours passés dans cette institution, sur la base d'un montant journalier de 440,22 euros revalorisé par application du même coefficient.
Article 4 : Les HCL et la SHAM sont condamnés à verser à M. B... H..., au titre de la part patrimoniale future du préjudice professionnel et du préjudice scolaire, une rente mensuelle de 1 789 euros en valeur 2016, revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.
Article 5 : Les HCL sont condamnés à verser à la CPAM du Rhône la somme de 90 486,48 euros.
Article 6 : Les HCL sont condamnés à verser à la CPAM du Rhône la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Article 7 : Les HCL et la SHAM sont condamnés à verser à Mme C... G... une somme de 29 585,66 euros.
Article 8 : Le jugement n° 1608713 du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 9 : Les dépens sont maintenus à la charge des HCL et de la SHAM.
Article 10 : La somme de 2 000 euros, à verser à M. B... H..., Mme C... G..., M. E... H... et Mme A... H..., est mise à la charge des HCL et de la SHAM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 11 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 12 : Le présent arrêt sera notifié aux Hospices civils de Lyon (HCL), à la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à M. B... H..., à M. E... H..., à Mme C... G..., à Mme A... H... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Bentéjac, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.
Le rapporteur,
H. I...
Le président,
F. Pourny
La greffière,
B. Berger
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY01623