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10/11/2022 | FRANCE | N°21LY02975

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 10 novembre 2022, 21LY02975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Allier du 25 août 2020 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi.

Par jugement n° 2002063 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Habiles, dema

nde à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du 29 avril 2021 et l'arrêté du 25 août 2020 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Allier du 25 août 2020 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi.

Par jugement n° 2002063 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Habiles, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du 29 avril 2021 et l'arrêté du 25 août 2020 pris à son encontre ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une insuffisance de motivation ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- elles sont entachées d'un vice de procédure faute de consultation de la commission du titre de séjour ;

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence dès lors qu'il lui appartenait d'examiner le droit au séjour de l'intéressé sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions susvisées méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une insuffisance de motivation.

Par un mémoire, enregistré le 5 octobre 2022, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 20 avril 2002 à Nguebougou (Mali) et entré en France en juillet 2017, a été placé auprès du service de l'aide sociale à l'enfance de l'Allier, par un jugement du tribunal pour enfants de C... du 28 juillet 2017. Par un arrêté du 18 février 2019, la préfète de l'Allier a rejeté la demande de titre de séjour qu'il avait présentée, sur le fondement de l'article L. 313-15 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison notamment du caractère frauduleux de ses actes d'état civil et l'a obligé à quitter le territoire. Cet arrêté a été annulé par jugement du 27 juin 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand. A la suite du réexamen de sa demande, la préfète de l'Allier a de nouveau rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec fixation du pays de destination, par un arrêté du 25 août 2020. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision portant refus de séjour en litige prise par la préfète de l'Allier comporte les considérations de droit et de fait qui en sont le soutien en visant notamment les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-15 du même code, fondements de la demande de titre de séjour présentée par M. A..., et en mentionnant les raisons pour lesquelles le préfet a estimé que M. A... ne pouvait prétendre à un titre de séjour sur ces fondements. Par suite, cette décision est suffisamment motivée au regard de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

3. En deuxième lieu, M. A... soutient que le refus de séjour en litige méconnaît l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. Toutefois, il ressort des énonciations de cette décision qu'elle a été prise à la suite d'une demande présentée par l'intéressé à l'autorité préfectorale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, au demeurant abrogées par l'ordonnance du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration, auxquelles se sont substituées celles des articles L. 121-1 et L. 121-2 dudit code, est inopérant et doit, pour ce motif, être écarté.

4. En troisième lieu, il ressort des termes de la décision portant refus de séjour que la préfète de l'Allier a examiné la possibilité de faire usage de son pouvoir général de régularisation de la situation administrative de M. A... et ne s'est, dès lors, pas méprise sur l'étendue de sa compétence, alors même qu'elle n'a pas fait mention des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée des étrangers et du droit d'asile, dont le requérant ne s'était pas prévalu au soutien de sa demande.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. "

6. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Si ces conditions préalables sont remplies et que l'intéressé relève ainsi du champ d'application de ces dispositions, le préfet doit ensuite, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation que lui a laissé le législateur, prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

7. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, il ne justifiait suivre, à la date du réexamen de sa demande, aucune formation qualifiante, l'inscription en classe de 1ère professionnelle " technicien du bâtiment " et la signature du renouvellement de son contrat " jeune majeur " dont il se prévaut étant postérieurs à la décision attaquée. En outre, si, en retenant que M. A... ne saurait justifier de son identité dès lors qu'il a présenté des documents d'état civil contrefaits et qu'une fraude est ainsi caractérisée, l'usage de faux étant une infraction pénale, la préfète de l'Allier a entendu opposer à M. A... son absence de minorité lors de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance et / ou la menace que sa présence constituerait pour l'ordre public, un tel motif est erroné en droit en raison de l'autorité de chose jugée s'attachant aux motifs du jugement du 27 juin 2019, devenu définitif, annulant, motifs pris de l'absence de fraude, un précèdent arrêté du 18 février 2019 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français opposé à M. A.... Cependant, il ressort de la décision en litige que la préfète de l'Allier aurait pris la même décision de refus de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne retenant que le motif tiré de l'absence de formation qualifiante. Par suite, M. A... ne remplit pas l'une des conditions de délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement. Ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, le refus de séjour opposé par la préfète de l'Allier, qui n'était nullement tenu de faire droit à la demande qui lui était présentée, n'a pas méconnu les dispositions précitées.

8. En cinquième lieu, il ressort des pièces versées au dossier que M. A..., pris en charge par l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur isolé, était présent sur le territoire français depuis trois ans à la date de la décision en litige et qu'il conserve dans son pays d'origine ses parents ainsi que ses deux frères et sœurs. Il ne justifie pas d'attaches familiales en France au regard de celles qu'il a conservées dans son pays d'origine ni d'attaches privées particulières sur le territoire français. S'il fait valoir n'avoir plus de contacts avec les membres de sa famille restés dans son pays d'origine, aucune contrainte extérieure à sa volonté ne fait obstacle à ce qu'il renoue des liens avec eux. Il ne démontre par ailleurs aucune intégration particulière dans la société française. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, la préfète de l'Allier a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En sixième lieu, il résulte des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code précité que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il suit de là qu'eu égard à ce qui a été énoncé au point précédent, l'autorité préfectorale n'était pas tenue de soumettre le cas de M. A... à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour aurait été irrégulièrement édicté faute d'avoir été précédé de la saisine de la commission du titre de séjour.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique lorsque, comme en l'espèce, elle est l'accessoire d'un refus de titre de séjour et ne déroge pas au délai de départ volontaire de droit commun de trente jours. Il s'en suit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. M. A... soutient que la décision susvisée méconnaît l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et fixe le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 de ce code, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, au demeurant abrogées par l'ordonnance du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration, auxquelles se sont substituées celles des articles L. 121-1 et L. 121-2 dudit code, est inopérant et doit, pour ce motif, être écarté.

12. Les moyens de M. A... tirés du vice de procédure faute de consultation de la commission du titre de séjour, de la méconnaissance de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence en s'abstenant de l'admettre au séjour à titre exceptionnel sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code sont inopérants au soutien de la demande tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement, dès lors que seuls les étrangers susceptibles de se voir attribuer de plein droit un titre de séjour peuvent se prévaloir d'une protection contre l'éloignement.

13. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 du présent arrêt.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. Cette décision, qui vise les dispositions alors applicables de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne la nationalité malienne du requérant, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02975

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02975
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HABILES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-10;21ly02975 ?
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