Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Essor a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge totale des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016.
Par un jugement n°1905035 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2021, la SARL Essor, représentée par Me Baldo demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et lui accorder la décharge sollicitée ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle pouvait bénéficier du régime d'exonération prévue à l'article 44 quindecies du code général des impôts dès lors que l'activité de sous-location était un complément indissociable de l'activité de production d'électricité photovoltaïque ;
- elle sollicite le bénéfice de l'abattement de 75% prévu au 2ème alinéa du I de l'article 44 quindecies du code général des impôts pour l'année 2016, le tribunal ne s'étant pas prononcé sur ce point ;
- elle est fondée à se prévaloir d'une prise de position formelle sur sa situation au sens des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales en raison d'un courrier du 10 octobre 2011 de l'administration et de l'abandon de redressements envisagés au titre des années 2012 et 2013 ;
- l'administration ne peut faire application des intérêts de retard compte tenu des mentions spéciales inscrites dans ses déclarations en application du 2° du II de l'article 1727 du code général des impôts ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré qui lui a été appliquée n'est pas justifiée dès lors qu'elle avait ajouté la mention spéciale susvisée dans ses déclarations, que l'administration a dégrevé les impositions réclamées au titre d'années précédentes et que la comptabilisation des recettes en litige était indispensable pour éviter un acte anormal de gestion.
Par un mémoire, enregistré le 17 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 23 mai 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 23 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Essor a été créée le 21 janvier 2011 à Lavilledieu en Ardèche, commune située en zone de revitalisation rurale, pour y exercer une activité de production et de vente d'électricité photovoltaïque. Elle s'est vu notifier, à la suite d'un contrôle sur pièces, une proposition de rectification le 15 novembre 2017 portant sur des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 à raison de la remise en cause de l'exonération d'impôt sur les sociétés des entreprises créées ou reprises en zone de revitalisation rurale prévue à l'article 44 quindecies du code général des impôts sous laquelle elle avait entendu se placer. La société Essor relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge en conséquence de ce contrôle.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, la SARL Essor soutient que le tribunal n'aurait pas pris position sur un des arguments soulevés consistant à soutenir que le pourcentage de la part de l'activité de sous-location dans son chiffre d'affaires est loin d'être prépondérante pour les trois années contrôlées. Toutefois, si la requérante entend ici relever une omission à statuer du tribunal sur un moyen soulevé ou un défaut de motivation du jugement attaqué, il ressort des écritures de première instance que cette incise s'analyse en un argument présenté par la société requérante au soutien de son moyen tiré de l'existence d'une activité indissociable de l'activité exonérée, argument auquel les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre. D'autre part, si la société requérante soutient que le tribunal n'a pas répondu à sa demande tendant à bénéficier de " l'abattement de 75% " prévu au 2ème alinéa du I de l'article 44 quindecies du code général des impôts, le tribunal a visé cette demande et doit être regardé comme y ayant implicitement répondu en citant le texte de l'article 44 quindecies du code général des impôts et en précisant que la société requérante ne pouvait prétendre au régime d'exonération prévu par ces dispositions. Par suite, les moyens tirés de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer ou d'un défaut de motivation doivent être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 44 quindecies du code général des impôts dans sa version applicable : " I. ' Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, les entreprises qui sont créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2015, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale au sens de l'article 34 ou professionnelle au sens du 1 de l'article 92, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de leur création ou de leur reprise et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. /Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération. / II. ' Pour bénéficier de l'exonération mentionnée au I, l'entreprise doit répondre aux conditions suivantes : (...) c) L'entreprise n'exerce pas une activité bancaire, financière, d'assurances, de gestion ou de location d'immeubles, de pêche maritime (...). ".
4. Il résulte de l'instruction que la société Essor a pris en sous-location le toit d'un bâtiment, sis ZI Les Tavelles à Lavilledieu en Ardèche auprès de la SCI Les Halles, titulaire d'un crédit-bail immobilier pour cet immeuble pour y installer des panneaux photovoltaïques en toiture dans le cadre de son activité de production et de vente d'électricité. Elle a ensuite, le 4 mai 2012, racheté le contrat de crédit-bail, qui liait la SCI Les Halles à la société Natixis lease, portant sur ce même bâtiment et a conclu, le même jour, un contrat de sous-location du bâtiment avec la société Plancher Développement qui exploite, dans ces locaux, une activité de traitement des déchets. L'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 quindecies du code général des impôts sous laquelle la société Essor avait entendu placer ses bénéfices au titre des années 2014, 2015 et 2016 au motif que l'activité de sous-location constitue une activité secondaire à l'activité de production d'énergie électrique, exclue du champ d'application de l'article 44 quindecies du code général des impôts et qui ne peut être regardée comme un complément indissociable de l'activité de production d'électricité photovoltaïque.
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'activité de sous-location exercée par la société Essor est exclue par nature du bénéfice de l'exonération prévue au I de l'article 44 quindecies du code général des impôts en vertu du c) du II de ce même article. La société Essor soutient que cette activité constitue un complément indissociable de son activité de production et de vente d'électricité photovoltaïque, elle exonérée. Toutefois, la circonstance que la société Essor, en qualité de crédit-preneur, finance les échéances du crédit-bail souscrit avec les loyers issus de la sous-location du bâtiment et que la société Natixis lease, crédit-bailleur, ait exigé, dans les termes du contrat, comme garantie la cession des loyers de sous-location n'a pas pour effet de conférer à l'activité de sous-location le caractère d'un complément indissociable de l'activité principale exonérée. Il en va de même de l'existence d'un lien structurel entre les toits du bâtiment sur lesquels sont apposés les panneaux et le reste du bâtiment dès lors notamment qu'avant de racheter le contrat de crédit-bail à la SCI Les Halles, la SARL Essor a exercé son activité de production et vente d'électricité en sous-louant uniquement les toits du bâtiment sans sous-louer le reste du bâtiment. Enfin, la seule circonstance que le bâtiment ne soit pas utilisé n'est pas de nature à faire regarder cette activité de location d'immeuble comme un complément indissociable de l'activité de production d'électricité. Si la société requérante fait également valoir que la part des revenus issus de la sous-location dans son chiffre d'affaires est résiduelle pour les trois années contrôlées, une telle circonstance n'a aucune incidence sur la qualification juridique de cette activité au sens des dispositions précitées. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle peut bénéficier du régime d'exonération prévu par les dispositions de l'article 44 quindecies précité.
6. Si la SARL Essor sollicite le bénéfice de " l'abattement de 75% " pour l'année 2016 prévu au 2ème alinéa du I de l'article 44 quindecies précité, il résulte de ces dispositions que le bénéfice de ces dispositions est exclu lorsque la société, comme la société Essor, ne peut bénéficier du régime d'exonération totale de ses bénéfices prévu au 1er alinéa du I de cet article.
7. Il résulte de l'instruction que, par lettre du 10 octobre 2011, l'administration fiscale a accordé à la SARL Essor le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 44 quindecies du code précité dans la mesure où la seule activité exercée par ladite société à cette date était la production et la vente d'électricité d'origine photovoltaïque. La requérante ne peut pas être regardée, à ce titre, comme justifiant que l'administration aurait méconnu, à l'occasion de l'imposition litigieuse, une prise de position antérieure sur l'appréciation de la même situation de fait, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, constituée par ce courrier dès lors que, pour les années en litige, la société exerçait en outre une activité de sous-location, exclue par nature du bénéfice de l'exonération. En outre, une décision de dégrèvement non motivée ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait au regard du texte fiscal de nature à entraîner, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, une décharge des impositions en litige. La SARL Essor n'est ainsi pas fondée à se prévaloir d'une décision de dégrèvement de l'administration concernant des rectifications de la même nature que celles en litige au titre des années 2012 et 2013, cette décision ne comportant aucune motivation. Par suite, à supposer même que la société requérante soulève en appel le moyen tiré de ce que l'administration fiscale aurait pris une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, ce moyen doit être écarté.
8. La SARL Essor réitère en appel ses moyens tirés de ce que l'administration ne peut faire application des intérêts de retard compte tenu des mentions inscrites dans ses déclarations en application du 2° du II de l'article 1727 du code général des impôts et de ce que la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le tribunal aux points 4 à 7 de son jugement.
9. Il résulte de ce qui précède que la SARL Essor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Essor la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Essor est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Essor et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.
La rapporteure,
V. Rémy-NérisLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01978
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