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10/11/2022 | FRANCE | N°20LY03132

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 novembre 2022, 20LY03132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des cotisations sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de leurs revenus fonciers de l'année 2013 à hauteur de la somme de 577 556 euros, pénalités incluses, à titre subsidiaire, de réduire la base imposable qui leur a été assignée au titre de l'année 2013 d'un montant de 121 785 euros.

Par un jugement n° 180267

2 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des cotisations sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de leurs revenus fonciers de l'année 2013 à hauteur de la somme de 577 556 euros, pénalités incluses, à titre subsidiaire, de réduire la base imposable qui leur a été assignée au titre de l'année 2013 d'un montant de 121 785 euros.

Par un jugement n° 1802672 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2020, et un mémoire, enregistré le 20 juillet 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Tournoud, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire la base d'imposition qui leur a été assignée au titre de l'année 2013 d'un montant de 121 785 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- à titre principal, le fait générateur de l'impôt résultant de la résiliation amiable d'un bail à construction est constitué par la mise à disposition des constructions, ainsi qu'il résulte tant de la doctrine administrative issue de l'instruction fiscale du 12 septembre 2012 référencée BOI-RFPI-BASE-10-30 n° 20 que de la jurisprudence ; l'acte du 8 novembre 2013 par lequel la société Telma 3, propriétaire bailleur, et la société Matel Group, preneur, ont cédé à un tiers, la SCI Thely, le terrain et le droit au bail à construction ayant prévu, dans la continuité d'une condition du bail à construction du 10 avril 1990, une clause de différé de remise des constructions au 31 août 2014, le revenu correspondant n'était imposable qu'au titre de leurs revenus fonciers de l'année 2014 ;

- à titre subsidiaire, à supposer que le transfert de propriété, qui a été opéré le 8 novembre 2013, a constitué le fait générateur de l'impôt, l'occupant est resté propriétaire jusqu'au 31 août 2014 des agencements et matériels, s'élevant à un montant de 121 785 euros, date à laquelle ils ont été remis au bailleur ; il convient ainsi de déduire l'imposition mise à leur charge à concurrence ce montant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est irrecevable à concurrence des sommes dont le recouvrement a été abandonné du fait des dégrèvements prononcés avant l'introduction de la demande devant le tribunal administratif et que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte du 10 avril 1990, la SCI Telma a consenti, avec effet au 1er avril 1990, un bail à construction d'une durée de vingt-cinq ans à la SARL Matel France, dont M. A... était le gérant, à charge pour cette dernière, moyennant le versement d'un loyer annuel de 55 000 francs hors taxes, d'édifier sur la parcelle de terrain louée un bâtiment destiné à être remis en pleine propriété, au terme de ce bail, à la SCI Telma. Ce bail stipulait que les constructions et aménagements édifiées par le preneur devaient revenir de plein droit au bailleur à son terme ou à sa résiliation, amiable ou judiciaire. Par un acte du 24 décembre 2010, la SCI Telma a cédé le terrain objet du bail à construction à la SCI Telma 3, société imposable selon le régime des sociétés de personnes de l'article 8 du code général des impôts, dont M. et Mme A... sont les associés. Par un acte du 8 novembre 2013, auquel étaient parties la SCI Telma 3, propriétaire de ce terrain, représentée par M. A..., son gérant, et la SAS Matel Group, venant aux droits de la SARL Matel France, également représentée par M. A..., l'ensemble immobilier constitué des terrains objet du bail à construction et des constructions qui y avaient été édifiées a été cédé à la SCI Thely, moyennant un prix de 1 785 000 euros pour le terrain objet du bail et de 450 000 euros pour le bâtiment édifié en vertu de ce bail. L'administration fiscale, estimant que cette vente impliquait la résiliation amiable du bail préalablement à la vente, a réintégré dans le résultat de la SCI Telma 3, de l'année 2013, un complément de loyer correspondant à la valeur des constructions édifiées par le preneur. Tirant les conséquences du redressement sur les associés de la SCI Telma 3, l'administration a assujetti M. et Mme A... à un complément d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 dans la catégorie des revenus fonciers pour l'année 2013, mis en recouvrement le 31 décembre 2016, dont le montant a été ramené à 562 313 euros à la suite de leur réclamation. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 1er octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a confirmé le bien-fondé de l'imposition restant ainsi en litige.

Sur l'année d'imposition du revenu foncier :

En ce qui concerne l'application de la loi :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 251-1 du code de la construction et de l'habitation : " Constitue un bail à construction le bail par lequel le preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail. / Le bail à construction est consenti par ceux qui ont le droit d'aliéner et dans les mêmes conditions et formes. / Il est conclu pour une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans. (...) ". Aux termes de l'article L. 251-2 de ce code : " Les parties conviennent de leurs droits respectifs de propriété sur les constructions existantes et sur les constructions édifiées. A défaut d'une telle convention, le bailleur en devient propriétaire en fin de bail et profite des améliorations ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 33 bis du code général des impôts : " (...) les loyers et prestations de toute nature qui constituent le prix d'un bail à construction passé dans les conditions prévues par les articles L. 251-1 à L. 251-8 du code de la construction et de l'habitation, ont le caractère de revenus fonciers au sens de l'article 14 ". Aux termes de l'article 33 ter du même code : " I. Lorsque le prix du bail consiste, en tout ou partie, dans la remise d'immeubles ou de titres dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 251-5 du code de la construction et de l'habitation, le bailleur peut demander que le revenu représenté par la valeur de ces biens calculée d'après le prix de revient soit réparti sur l'année ou l'exercice au cours duquel lesdits biens lui ont été attribués et les quatorze années ou exercices suivants. / En cas de cession des biens, la partie du revenu visé au premier alinéa qui n'aurait pas encore été taxée est rattachée aux revenus de l'année ou de l'exercice de la cession. Le cédant peut, toutefois, demander le bénéfice des dispositions de l'article 163-0 A. (...) II. - Les dispositions du I s'appliquent également aux constructions revenant sans indemnité au bailleur à l'expiration du bail. / Toutefois, la remise de ces constructions ne donne lieu à aucune imposition lorsque la durée du bail est au moins égale à trente ans. Si la durée du bail est inférieure à trente ans, l'imposition est due sur une valeur réduite en fonction de la durée du bail dans des conditions fixées par décret ".

4. En vertu des dispositions combinées des articles 33 bis et 33 ter du code général des impôts, lorsque le prix d'un bail à construction consiste, en tout ou en partie, dans la remise gratuite d'immeubles en fin de bail, la valeur de ces derniers, calculée d'après leur prix de revient, constitue un revenu foncier perçu par le bailleur à la fin du bail.

5. Le terrain d'assiette du bail à construction conclu le 10 avril 1990 entre la SCI Telma, aux droits de laquelle vient la SCI Telma 3, et la société SARL Matel France, aux droits de laquelle vient la SAS Matel Group, et les droits que cette dernière société tient de ce même bail ont été cédés concomitamment à la SCI Thely par un acte du 8 novembre 2013. Cette cession a produit, au regard de la loi fiscale, et quelle qu'ait été l'intention des parties et indépendamment des dispositions du code civil en application desquelles la confusion en la même personne des qualités de bailleur et de preneur entraîne l'extinction du bail, les mêmes effets qu'une résiliation amiable tacite du bail impliquant, pour l'application des dispositions des articles 33 bis et 33 ter du code général des impôts, la remise au bailleur, la SCI Telma 3, des immeubles construits par la SAS Matel Group préalablement à la vente. Si l'acte de vente du 8 novembre 2013 stipule que la SCI Thely a consenti, " à titre précaire " et jusqu'au 31 août 2014, à une " mise à disposition gratuite " de l'immeuble dont elle est devenue propriétaire en autorisant le " maintien dans les lieux du vendeur postérieurement au transfert de propriété ", la mise à disposition de ce bien à la SCI Telma 3 par le nouveau propriétaire est sans incidence sur le fait que l'opération de vente en cause, en mettant nécessairement fin au bail à construction, a eu pour effet, ainsi qu'il vient d'être dit, de conduire à la remise des constructions au bailleur, la SCI Telma 3, avant qu'elles ne soient immédiatement cédées à la SCI Thely. La clause du bail à construction initial, dont se prévalent les requérants, accordant un droit préférentiel de location du bien au preneur à l'expiration du bail par arrivée du terme ou résiliation amiable, est sans effet sur les conséquences inhérentes à la cession, par le bailleur et le preneur, de leurs droits à un tiers. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les revenus de M. et Mme A..., qui détenaient l'intégralité des parts de la SCI Telma 3, la valeur des constructions édifiées par le preneur et les a soumises à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers au titre de l'année 2013.

En ce qui concerne la doctrine administrative :

6. Si M. et Mme A... se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales du paragraphe n° 31 de la fiche 6 de l'instruction 5 D-2-07 du 23 mars 2007, repris au paragraphe n° 20 de la documentation de base BOI-RFPI-BASE-10-30 aux termes duquel l'année d'imposition des revenus est déterminée par la mise à disposition du bailleur des constructions édifiées, cette doctrine ne donne pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il a été fait application aux points précédents.

Sur le montant du revenu foncier :

7. En vertu du bail à construction du 10 avril 1990, à l'expiration de ce bail, par arrivée de son terme ou résiliation amiable ou judiciaire, toutes les constructions édifiées par le preneur ou ses ayants cause, et tous aménagements réalisés sur le terrain loué, ainsi que toutes améliorations, de quelque nature que ce soit, deviendront de plein droit la propriété du bailleur sans qu'il soit besoin d'aucun acte pour le constater.

8. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 14 juin 2016, que l'administration a intégré, pour le calcul du prix de revient des constructions, les installations générales liées à l'immeuble ainsi que les agencements et aménagements réalisés par le preneur et figurant, dans la comptabilité de la SAS Matel Group, sous le poste " agent aménagt mat et outil indust ". De tels équipements étaient, en vertu du bail à construction, au nombre des aménagements qui, à l'expiration de ce bail, revenaient de plein droit au bailleur. Dès lors que le transfert gratuit en fin de bail des aménagements réalisés par le preneur constitue un revenu foncier pour le bailleur, l'administration était fondée à imposer la SCI Telma 3 à raison du revenu foncier correspondant à l'acquisition gratuite, lors de la résiliation anticipée du bail, des aménagements réalisés par la SAS Matel Group.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY03132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03132
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-10;20ly03132 ?
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