Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2013, ainsi que des intérêts de retard et de la majoration correspondants.
Par un jugement n° 1902313 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés le 7 septembre 2020, le 2 juin 2021, le 11 février 2022 et le 14 juillet 2022, M. et Mme B..., représentés par la SELARL Juris Vendôme, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal adminitratif de Lyon du 6 juillet 2020 ;
2°) de les décharger des impositions et pénalités susmentionnées ;
3°) de prononcer en leur faveur la restitution de toutes les sommes acquittées à ce titre, et notamment les frais de poursuite ainsi que les frais de maintevée d'hypothèque, outre le paiement des intérêts moratoires ;
4°) d'obliger l'administration à procéder, à ses frais, à la levée immédiate de toutes les hypothèques prises sur les biens leur appartenant ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 180 euros toutes charges comprises au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- il n'existe ni établissement ni siège de direction effective en France de la société slovaque PetB SRO et l'administration n'établit aucun de ces éléments en se fondant sur des documents obtenus sur le fondement de réquisitions qui ont été anulées par un arrêt du 4 mai 2022 de la cour d'appel de Lyon ;
- pour les mêmes raisons, il ne saurait être designé comme en étant le représentant, le gérant de fait ou le maître de I'affaire de ce prétendu établissement ;
- aucun désinvestissement à son profit n'a été demontré par I'administration fiscale ;
- le montant des cotisations dues est totalement vicié.
Par des mémoires enregistrés le 12 mars 2021, le 30 mars 2021 et les 18 octobre 2022, dont le dernier n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- les suppléments d'impôt relatifs à l'application du taux de 1, 25 aux prélèvements sociaux et les pénalités y afférentes sont dégrevés ;
- il est démontré que l'entreprise slovaque PetB SROa disposé, au cours des années 2008 à 2013, d'un établissement stable en France et que les prestations qu'elle réalisait ne présentaient pas un simple caractère préparatoire et accessoire ;
- il est démontré que le maître de l'affaire était présumé avoir appréhendé la somme de 2 023 523 euros ;
- elle apporte la preuve qui lui incombe que les rémunérations occultes au sens du c de l'article 111 du code général des impôts ont été appréhendées par la personne qui est, dans la société dont les revenus ont été regardés comme distribués, le maître de l'affaire ;
- la reconstitution des bénéfices n'est pas viciée ;
- il n'y avait pas lieu d'appliiquer le mécanisme de la cascade simple ;
- le requérant n'établit pas qu'il aurait cessé d'exercer ses prérogatives de maître de l'affaire, ni qu'il aurait cédé la totalité de ses parts dans la société.
Par lettre du 25 mars 2021, les parties ont été informées, en application del'article R. 611 -7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office tiré du non-lieu à statuer à hauteur des sommes dégrevées.
Par lettre du 15 septembre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tiré d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la restitution des frais de poursuite et des frais de mainlevée d'hypothèque qui sont nouvelles en appel, et d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la levée des hypothèques prises par l'administration fiscale sur les biens des intéressés comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Par un mémoire enregistré le 20 septembre 2022, M. et Mme B... ont présenté leurs observations en réponse à ce dernier moyen soulevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- les observations de Me Nanterme, représentant M. et Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. La société PetB SRO de droit slovaque a pour activité le placement auprès d'entreprises françaises de salariés slovaques dans le domaine du travail temporaire. L'administration ayant estimé que cette société disposait d'un établissement stable en France a procédé à une vérification de comptabilité au titre de la période du 9 avril 2008 au 31 décembre 2013 portant sur l'ensemble des déclarations et opérations effectuées en France par cet établissement, à l'issue de laquelle elle a adressé à M. B..., en sa " qualité de représentant de l'établissement stable en France et de la société PetB SRO " une proposition de rectification datée du 30 novembre 2016. Le 19 décembre 2016, l'administration tirant les conséquences de cette vérification de comptabilité a adressé à M. B... une proposition de rectification lui notifiant des rectifications au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2013, estimant qu'il avait bénéficié de revenus réputés distribués en sa qualité de gérant de fait et de maître de l'affaire. M. et Mme B... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droit et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à leur charge au titre de l'année 2013.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 16 mars 2021, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, l'administration a prononcé un dégrèvement à hauteur de 22 140 euros correspondant à l'abandon de la majoration du coefficient de 1,25 appliquée aux prélèvements sociaux auxquels les requérants ont été assujettis au titre de l'année 2013. Les conclusions de la requête de M. et Mme B..., sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :
3. Aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. " Aux termes de l'article L. 82 C du même livre, dans sa rédaction applicable : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances. "
4. Eu égard aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'administration fiscale ne saurait se prévaloir, pour établir une imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge. En revanche, l'administration fonde ou maintient légalement une imposition si celle-ci peut être justifiée par des éléments non compris dans le champ de la déclaration d'illégalité prononcée par le juge, dès lors que ces éléments ne découlent pas eux-mêmes de l'exploitation des pièces ou documents obtenus de façon irrégulière.
5. Par un arrêt du 4 mai 2022, la 7ème chambre de la cour d'appel de Lyon, jugeant en matière correctionnelle a annulé " les réquisitions en date du 26 juin 2013 de la Sûreté départementale du Rhône aux fins de se faire assister des agents de la Brigade de contrôle et de répression de la direction des finances publiques de Rhône-Alpes et du département du Rhône, des agents de l'URSSAF du Rhône et des agents de la DIRECCTE ainsi que tous les actes subséquents de la procédure, en ce compris le jugement déféré ". Il résulte de l'instruction et notamment des propositions de rectification des 30 novembre et 19 décembre 2016 adressées à M. B... respectivement en sa qualité de représentant de l'établissement stable en France de la société PetB SRO et à titre personnel que l'administration a fondé essentiellement les redressements en litige, reposant sur l'existence d'un établissement stable de la société PetB SRO en France, sur des éléments obtenus dans cadre de la procédure judiciaire ouverte à l'encontre de M. B.... Ainsi, pour démontrer que la société PetB SRO a disposé au cours des années 2008 à 2013 de moyens humains, matériels et techniques en France, d'où elle aurait déployé, notamment à l'aide du compte bancaire ouvert à son nom à Lyon une activité commerciale régulière et permanente, l'administration s'est appuyée sur les procès-verbaux des auditions de salariés réalisées les 26 et 27 juin 2013, par les officiers de police judiciaire, sur les déclarations de M. B... alors qu'il était auditionné à l'occasion de sa garde à vue, les 26 et 27 juin 2013, concernant les modalités de son intervention commerciale au service de la société PetB SRO ainsi que sur les auditions de trois attachés commerciaux. S'agissant des moyens matériels, mobiliers et techniques de la société PetB SRO, l'administration s'est notamment fondée sur la description dressée dans le procès-verbal d'intervention établi par les officiers de police judiciaire à l'issue de la perquisition du 26 juin 2013 comprenant notamment un inventaire des documents juridiques, sociaux, comptables et financiers qu'ils ont trouvé au nom de la société PetB SRO dans les locaux lyonnais. S'agissant de l'exercice habituel, régulier et permanent d'une activité en France par la société PetB SRO, l'administration s'est appuyée en sus des auditions précédemment citées, notamment sur les procès-verbaux d'audition du 26 juin 2013, de deux travailleurs slovaques indépendants missionnés par la société en France. Enfin, l'administration s'est également appuyée sur les éléments précités de la procédure judiciaire pour démontrer que M. B... s'est comporté comme le " gérant de fait " de l'établissement en France de la société PetB SRO, " dont il a été l'animateur exclusif effectif au cours des années 2008 à 2013 incluses - et donc son véritable " maître d'affaire ".
6. Ainsi qu'il a été dit, le 4 mai 2022, la cour d'appel de Lyon a annulé les réquisitions en date du 26 juin 2013 de la Sûreté départementale du Rhône aux fins de se faire assister des agents de la Brigade de contrôle et de répression de la direction des finances publiques de Rhône-Alpes et du département du Rhône, des agents de l'Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales du Rhône et des agents de la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi ainsi que tous les actes subséquents de la procédure. Il est constant que les actes précités de la procédure judiciaire engagée contre M. B... sur lesquels l'administration fiscale s'est fondée constituent des actes subséquents des réquisitions du 26 juin 2013 qui ont été annulées et qu'ainsi, ils sont visés par l'annulation prononcée par la cour d'appel de Lyon, soit parce qu'ils ont été effectués avec l'assistance technique d'agents irrégulièrement désignés, soit parce qu'ils ont pour support nécessaire les actes entachés de nullité. L'administration ne saurait donc se prévaloir, pour établir les impositions en litige de ces documents qui ont été obtenus dans des conditions ultérieurement déclarées illégales par la cour d'appel de Lyon. S'il résulte de l'instruction que l'administration s'est également fondée sur des éléments qui ne sont pas issus de la procédure judiciaire engagée contre M. B... et consistant en la consultation publique du site internet de la société Pet B SRO, en la consultation de relevés bancaires obtenus sur le fondement des dispositions des articles L. 81 et 83 du livre des procédures fiscales ainsi qu'en celles de documents juridiques et comptables qui avaient fait l'objet de déclarations spontanées, ces éléments ne permettent pas, à eux seuls, d'établir que la société P et B SRO exerçait de façon habituelle, au cours des années concernées, une activité commerciale en France dans le cadre d'un établissement stable situé à Lyon, dont les bénéfices étaient imposables en France. Par suite, les requérants sont fondés à demander, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décharge des impositions et des majorations contestées restant en litige.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à obtenir la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et restant en litige.
Sur les conclusions tendant à la restitution des sommes versées assorties des intérêts moratoires :
8. Les intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, sont, en vertu de l'article R. 208-1 de ce code, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts ". Il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et les appelants au sujet des rappels contestés dont le présent arrêt prononce la décharge et des intérêts moratoires correspondants. Dès lors, les conclusions de M. et Mme B... tendant au remboursement des sommes versées assorties d'intérêts moratoires ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à la restitution des frais de poursuite et des frais de mainlevée d'hypothèque :
9. Ces conclusions sont en tout état de cause nouvelles en appel, et, par suite, irrecevables.
Sur les conclusions tendant à la levée des hypothèques prises par l'administration fiscale sur les biens des intéressés :
10. En application des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, il n'appartient qu'au juge judiciaire de l'exécution de se prononcer sur une telle demande. Par suite, les conclusions tendant à la levée des hypothèques prises sur les biens des requérants doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme B... au titre des frais exposés par eux dans la présente instance. En l'absence de dépens, la demande présentée sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B... à concurrence de la somme dégrevée de 22 140 euros au titre des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, et des pénalités correspondantes.
Article 2 : Les conclusions de M. et Mme B... tendant à la levée des hypothèques prises sur les biens des requérants sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Le jugement n° 1902313 du 6 juillet 2020 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 4 : M. et Mme B... sont déchargés du surplus des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 5 : L'Etat versera à M. et Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761 - 1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.
La rapporteure,
P. Dèche Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
AC. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY02638
kc