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08/11/2022 | FRANCE | N°21LY04211

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 08 novembre 2022, 21LY04211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2105186 du 26 août 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Miran, demande à la cour :

1°) d'annuler

ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 26 août 2021 ;

2°) d'annuler l'ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2105186 du 26 août 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Miran, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 26 août 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 22 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour, ou, subsidiairement, d'examiner à nouveau sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A... soutient que :

- le jugement est entaché d'omission à statuer car les moyens tirés du défaut d'examen complet et de l'erreur de fait n'ont pas été examinés ;

- l'arrêté du préfet de l'Isère est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen complet ;

- son droit d'être entendu a été méconnu ;

- l'arrêté du préfet de l'Isère est entaché d'une erreur de fait ;

- l'arrêté du préfet de l'Isère méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas présenté d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 1er janvier 1988 à Gaoual (Guinée) et de nationalité guinéenne, est entré en France en 2017. Il a déposé une demande d'asile, rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 27 novembre 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 mai 2021. Par un arrêté du 22 juillet 2021, le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier qu'en première instance M. A... avait soulevé les moyens tirés du défaut d'examen complet de sa demande et de l'erreur de fait affectant la décision litigieuse. Le tribunal administratif n'a pas examiné ces moyens, qui n'étaient pas inopérants. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur le fond :

4. En premier lieu, l'arrêté du 22 juillet 2021 vise les textes dont il est fait application, rappelle le parcours de M. A... depuis son entrée en France, en relevant notamment la procédure de transfert vers l'Italie dont il a initialement fait l'objet et le rejet définitif de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile et il fait également état de la brièveté de son séjour ainsi que de l'absence de famille sur le territoire. Ces termes ne sont pas stéréotypés et la décision en litige, au regard des éléments dont le préfet avait connaissance au jour de sa décision, n'est pas entachée d'une insuffisance de motivation au regard des exigences des dispositions du I de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, la circonstance que le préfet ne fasse pas état dans la décision contestée de ce que M. A... a obtenu un rendez-vous en préfecture en vue de solliciter un titre de séjour, sur un fondement qui n'est toujours pas précisé dans la présente instance, ne révèle pas qu'il n'aurait pas procédé, préalablement à l'édiction de la mesure en litige, à un examen particulier de sa situation, compte tenu des éléments portés à sa connaissance, ni qu'il aurait commis une erreur de fait.

6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l'édiction de la décision litigieuse le 22 juillet 2021, M. A... avait obtenu un rendez-vous en préfecture le 17 novembre 2021 en vue de déposer une demande de titre de séjour. Toutefois, une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.

8. En l'espèce, pas plus en appel qu'en première instance, M. A... ne précise sur quel fondement il entendait présenter sa demande. En effet, il se borne à faire état du suivi d'un cursus universitaire et de son souhait de le poursuivre en travaillant en alternance, mais ne produit pour en justifier qu'une inscription universitaire en Master 1 pour l'année 2019/2020, tout en faisant valoir son droit au respect de sa vie privée et familiale ou un état de stress nécessitant un suivi médical, sans qu'il ne ressorte des pièces du dossier qu'il aurait rempli les conditions pour obtenir un titre de séjour faisant obstacle à l'édiction d'une décision d'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, compte tenu de l'imprécision de ces éléments et de l'absence d'indication du motif pour lequel il entendait demander un titre de séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier que le sens de la décision en litige aurait pu être affecté par l'audition de M. A... dans le cadre du rendez-vous obtenu. Par suite, le moyen, tiré de ce que cette décision aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière faute pour le préfet de l'avoir mis en mesure de présenter ses observations avant son édiction, doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. A... fait valoir qu'il résidait sur le territoire français depuis près de quatre ans à la date de l'arrêté litigieux et qu'il y a nécessairement développé des liens sociaux et amicaux forts, qu'il est titulaire d'une licence " Gestion des entreprises " dans son pays d'origine, et, souhaitant poursuivre ses études en France, s'est inscrit en Licence 3 " Economie-Gestion - Parcours Management ", dans le cadre de laquelle son sérieux et son assiduité dans ses études ont été relevés par le directeur de l'université et la responsable du parcours en cause, puis, au titre de l'année scolaire 2019/2020, en Master 1 " Gestion des ressources humaines ". Il indique qu'il souhaite pouvoir poursuivre ce parcours universitaire en alternance et a besoin, pour ce faire, d'une autorisation de travail. M. A... soutient en outre qu'il reçoit des soins et notamment un suivi psychologique essentiel à son état de santé et qu'il craint pour sa santé et sa sécurité dans son pays d'origine. Toutefois, M. A... est entré en France, selon ses dires, à l'âge de vingt-neuf ans. Il n'a aucune famille en France et a vécu la majeure partie de son existence dans le pays dont il a la nationalité, où il dispose nécessairement d'attaches personnelles et sociales plus intenses qu'en France, et où il a d'ailleurs suivi un parcours universitaire. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et alors au demeurant que l'OFPRA puis la CNDA ont rejeté sa demande d'asile, qu'il encoure des risques personnels et réels de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans le pays dont il a la nationalité, alors même que les conflits fonciers s'inscrivent dans une réalité géopolitique en Guinée. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que son état de santé ferait obstacle à un retour dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, de même que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français du préfet de l'Isère du 22 juillet 2021 doivent être rejetées, de même que celles aux fins d'injonction et celles présentées, tant en première instance qu'en appel, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE:

Article 1er : Le jugement n° 2105186 du 26 août 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A... présentées tant en première instance qu'en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

Mme Claire Burnichon première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

La rapporteure,

C. Vinet

La présidente,

M. C...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY04211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY04211
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : MIRAN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-08;21ly04211 ?
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